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  • "Donnez-nous beaucoup de Priéto, vous aurez du sens!"

    Jacqueline 2.jpgCe matin, à la résidence Le Village de l'hôpital de Châlons, avait lieu la remise de la décoration de l'ordre de Chevalier de la Légion d'honneur à Jacqueline Priéto. Un moment d'émotion intense (mais retenue!) pour celle dont l'âge exact est un mystère et qui a oeuvré tant d'années dans tous les secteurs associatifs de notre ville. Professeur d'EPS, elle a fait du sport un vecteur de lien social en organisant des manifestations et journées sportives qui se perpétuent encore aujourd'hui... Elle a soutenu les jumelages pour rapprocher les cultures, elle a été militante dans les centres sociaux de Châlons, présidé le CCAS de la ville, ouvert l'Epicerie Sociale, apporté sa contribution dans de nombreux conseils d'administration d'associations dédiées à la jeunesse ou aux retraités, exercé une délégation comme adjointe aux affaires sociales...

    Une vie de bénévole qui méritait d'être récompensée comme l'a rappelé Charles de Courson qui a sollicité lui-même auprès du Président de la République cette décoration pour Jacqueline Priéto. A travers deux mots: caractère et engagement, il a souligné l'importance de l'investissement gratuit au service des autres pour lutter contre l'égoïsme ambiant. J.M. Pinet, le parrain de Jacqueline, a tenté d'énumérer ses différents offices et fonctions. Une page et demi... Non exhaustive... Il a souligné combien la diversité de ces engagements allait de pair chez elle avec l'efficacité. Pas d'activisme vain chez Jacqueline. Chaque oui est accompagné d'actions positives: "Il faut que ça marche!" Il ne s'agit pas de remplir sa carte de visite, mais d'agir! Toujours dans le but de rapprocher les gens, de les relever, de créer du lien social.

    "Donnez-nous beaucoup de Priéto, vous aurez du sens!" a-t-il conclu avant de céder la parole à l'intéressée qui n'a pas  souhaité s'exprimer trop longtemps, les discours les mieux réussis étant, selon elle, les plus concis. Il faut dire que l'humanisme de Jacqueline est à la hauteur de sa modestie, elle qui n'a eu de cesse, selon ses mots de "faire évoluer les mentalités et les actions civiques" sans s'étaler  pour autant sur les premières pages des magazines. La joie de sa décoration, elle a tenu d'ailleurs, à la partager avec tous les bénévoles des associations dans lesquelles elle a oeuvré. De sa voix tonique, dans son regard énergique, Jacqueline transmet le plus grand des présents: l'envie d'agir.

    Bravo Jacqueline: qui écoutes sans plaindre celui qui parle, qui l'engages même sans le dire à se mettre à la tâche, qui gardes l'humour et la distance en toutes circonstances (l'escargot suisse en a fait les frais ;-)) et que le grade et le rang n'impressionnent pas. Napoléon , jugeait que "c'est avec des hochets qu'on mène les hommes", voilà pourquoi il a créa la Légion d'Honneur; assurément, les femmes qui ont accédé bien tard à cette distinction honorifique échappent à cette loi...  Car avec ta triple vie professionnelle, familiale et engagée, tu n'as pas attendu qu'on vante tes mérites et qu'on agite le ruban rouge pour assumer les responsabilités qui te revenaient comme citoyenne! On continue Jacqueline! Longue vie à toi, entourée de tes enfants et petits-enfants à qui tu confies un bel héritage.

  • REALSCHULE DE LÖHNE/COLLEGE VICTOR DURUY LE SENS D’UN APPARIEMENT VIEUX DE QUARANTE ANS…

    img_echange_40ans.pngLe week-end des 1er et 2 mai 2010 a été marqué par diverses manifestations… Mais la nôtre a pris un caractère particulier samedi, lors de la fête du travail ! Même si certains de nous, pénétrant dans les locaux du Conseil Général samedi, se faisaient huer par les manifestants syndicalistes pour oser travailler en ce jour chômé ou béni, force est de reconnaître qu’il n’est pas de meilleure occasion que le 1er mai pour être rappelé tout à coup au sens du métier qu’on fait !

    La démonstration a été éclatante samedi puisque nous fêtions les quarante années de l’appariement franco-allemand du collège Victor Duruy avec la Realshulle de Löhne. Un jumelage entre deux écoles, c’est une affaire de linguistique, non ? Chaque année, des jeunes français partent, des jeunes allemands viennent… Occasions de pratiquer in vivo une langue étrangère, de visites touristiques, de dépaysement… Et alors ? En quoi ça pourrait donner sens à nos boulots de prof d’autre chose que d’allemand ?

    Un anniversaire, ça sert à se souvenir d’où l’on vient !


    Ce jumelage vient de la volonté tenace et forte de M. Heinz Böcke. Après six ans de service militaire, il reprend en 1946 son métier d’enseignant et n’aura de cesse désormais de construire des ponts pour dire aux élèves « que la guerre est insensée et que notre avenir ne peut être fondé que sur la paix. » Conforté par le traité d’amitié signé en 63 entre la France et l’Allemagne et par son engagement dans l’office de la jeunesse franco-allemande, il se rend en France pour fonder un jumelage.


    A force de démarches répétées, il parvient à rencontrer en 1967, Jean Périn, alors professeur d’allemand à Fismes dont l’histoire personnelle s’est tant fondue dans la grande Histoire qu’il ne pouvait faire autrement que d’y prendre part. Né d’une grand-mère française devenue allemande en 1870 et d’une mère allemande devenue française en 1918, il a, gravées dans sa chair, les blessures d’une famille déchirée. Certains de ses cousins ont combattu durant la seconde guerre mondiale, l’un fut fait prisonnier en Russie, l’autre, soldat dans la flotte allemande en mer baltique… Choisir d’enseigner l’allemand en France n’est pas seulement pour lui le choix d’enseigner une langue mais de s’appuyer sur ses racines duelles pour construire la paix.


    L’émotion était palpable au Conseil Général quand les deux hommes se sont exprimés. Et les larmes brillaient dans les yeux de M. Périn samedi soir lorsqu’il a fallu se séparer. Aujourd’hui marqués par le poids des ans, Heinz Böcke a 91 ans, ils restent liés par une indéfectible amitié, celle qui ne se construit que par le travail accompli de concert, celle qui naît du combat commun, le leur : faire participer des enfants à la réconciliation entre deux pays ennemis depuis Napoléon. La tâche n’était pas simple, les réticences persistantes, même à la fin des années 60. La mise en place s’est étalée sur quelques années, Jean Périn a été nommé à Châlons, il a emporté l’échange naissant dans ses bagages. C’est en 1970 que la première promotion de collégiens châlonnais se rend à Löhne.
    S’enraciner, savoir qui nous sommes ! Merci à Heinz Böcke et à Jean Périn de nous rappeler à travers leur engagement que notre boulot, ça peut être autre chose que de passer 18h dans un établissement à alimenter des cerveaux comme on emplit des cruches, que malgré les difficultés et les résistances, les enjeux méritent qu’on tienne le coup, la distance et qu’on prenne comme eux, l’envergure de bâtisseurs.


    Maillons et passeurs


    Claire Cordier est aujourd’hui professeur d’allemand au collège Duruy, elle a eu en charge l’organisation de cet anniversaire. L’image du maillon est celle qui lui vient pour évoquer son expérience. « En tant que prof d’allemand, j’ai senti, lors de cette préparation que j’appartenais à un corps qui se transmet de prof en prof, un cadeau, un trésor : cet échange. Nous sommes reliés par des convictions fondées sur la connaissance de la culture de l’autre, sur l’acceptation des différences. »


    L’Histoire de cet échange est tissée aujourd’hui de petites histoires individuelles et collectives : un papa est parti en 1972, sa fille à son tour en 2007 ; un professeur du collège a participé à l’échange comme collégienne, des parents ont sympathisé grâce à l’échange de leurs enfants, ils se voient régulièrement encore 15 ans après, de nombreux élèves se sont engagés après Löhne dans le programme Sauzay de séjour long en Allemagne, le sourire d’Ingrid, professeur en Allemagne et 20 ans accompagnatrice, lorsqu’elle se réjouit au micro en français « courageux » du relais assuré par ses jeunes collègues… Des histoires humaines de semailles, de transmission, d’amitié… parfois ravivée des années plus tard : un « ancien élève » recherche et retrouve les traces de vie de son correspondant ; 38 ans plus tard le contact est repris, ils ont encore des choses à se dire… Comme le déclarait l’actuel directeur de la Realschule samedi soir : « Les fondateurs ont ouvert la porte. Beaucoup sont entrés par cette porte. La fête doit continuer ! » La chaîne, quand elle n’emprisonne pas, est lien, farandole, à l’image de celle qu’ont dansée nos jeunes élèves, français et allemands mêlés, dans le réfectoire du collège, mardi soir…


    Nous avons offert un cep de vigne à chacun de nos amis allemands présents samedi: « Symbole de notre région », a dit M. Oudin, le principal du collège, « mais aussi symbole de robustesse et de vieillesse» pour porter chance à cet échange et l’inscrire profondément dans la durée du long terme…


    Un anniversaire n’arrive jamais seul !


    Le 9 mai prochain, nous fêterons les 60 ans de  la déclaration Schuman qui appelait en 1950 dans le salon de l’Horloge du Ministère des Affaires étrangères, la France, l’Allemagne et tout pays européen volontaire, à mettre en commun leur production de fer et d’acier pour jeter les premières bases d’une fédération européenne. Une idée un peu folle comme toutes celles qui jaillissent de l’esprit idéaliste de ceux qu’on appelle « fondateurs »…


    Comment ne pas mettre en regard l’anniversaire particulier de notre échange et celui, historique, des balbutiements franco-allemands de la construction européenne dont le projet était d’éradiquer « l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne » ? M. Périn n’avait sans doute pas conscience de cette coïncidence lorsqu’il affirmait samedi soir en privé que si l’Europe manifestait des dissensions, si le couple fondateur était aujourd’hui divisé, c’est parce qu’on faisait l’impasse sur toutes ces années de combats de citoyens européens pour faire naître l’Europe politique fondée sur l’amitié des peuples et leurs valeurs communes.


    C’est par la voie pragmatique de la mise en commun des ressources naturelles que les pères de l’Europe avaient choisi d’initier la fondation ; c’est par la voie culturelle et linguistique que nos fondateurs ont tissé ensemble les fils de la jeunesse européenne. Dans les deux cas, leur discours aurait pu commencer par ces mots : « Il n'est plus question de vaines paroles, mais d'un acte, d'un acte hardi, d'un acte constructif » pour créer une solidarité de fait grâce à des réalisations concrètes.

    Faut-il le dire : ce ne sont ni la monnaie, ni la banque qui parachèveront la construction de l’Europe ! Au-delà des intérêts marchands, seules les initiatives citoyennes et la fraternité née du partage des cultures peuvent la faire exister en profondeur.


    Il faut militer pour que s’instaure la conscience d’une citoyenneté européenne, ce qu’un échange comme le nôtre réalise pleinement. Pour que chaque européen puisse se sentir acteur d’une œuvre qui le dépasse, créateur de paix par son adhésion volontaire à un projet commun ! Claire Cordier et l’actuel directeur de la Realschule le disaient chacun à leur manière : c’est de l’infime mais essentielle contribution de chacun que peut venir la réussite d’une fraternité durable, c’est l’engagement conscient de nombreux militants pacifiques qui peut triompher des replis, des réflexes individualistes, des fermetures. Continuons à être de ceux-là en faisant vivre avec l’humilité qui sied aux artisans d’œuvres majeures, l’échange entre le collège Duruy et la Realschule de Lohne, et le jeune plant  devenu vigne noueuse continuera à porter de nombreux fruits.