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  • Intervention de Julien Fretel, politologue, professeur à l’Université Jules Verne d’Amiens, en conclusion du Forum Démocrate du 10 décembre 2011

    Nous avions demandé à Julien Fretel d'être l'observateur-témoin, le fil rouge de notre journée de forum samedi dernier. Qu'il soit encore une fois ici remercié d'avoir bien voulu se plier à l'exercice. Très souvent, nous a-t-il confié, il s'est retenu de prendre la parole pour participer, lui aussi...

    Il a circulé toute la journée entre ateliers et tables rondes, a écouté, pris des notes et nous a rendu compte en guise conclusion de ses observations. Il a commencé par mettre en valeur l'originalité de notre démarche participative tout en la rattachant aux modes d'action qui sont ceux des mouvements actuels cherchant à faire évoluer les pratiques politiques. Il a aussi tracé quelques pistes  à continuer d'explorer pour creuser le sillon du renouvellement de la vie politique partisane. En voici les bribes...

     

    La démocratie est inséparable des partis politiques.

     

    Depuis qu’elle s’est institutionnalisée, les partis se sont approprié sa gestion. Ils ont permis aux petits et aux faibles de participer car ils ont contribué à former au XIXème siècle des gens capables de voter des lois. Grâce à eux, la République s’est ouverte à d’autres catégories sociales que la noblesse. Leurs capitaux sont collectifs. Si on ne compte pas sur les partis, on ne peut pas parler de démocratie.

     

    Le modèle du parti de masse, c’est le PCF. L’UDF à côté faisait figure de non-parti, de protoparti, on l’appelait la gangue vide. Il s’agissait néanmoins d’une forme originale d’organisation qui s’est encore transformée avant la fin de l’UDF. On voyait arriver le MoDem. Il a existé dans l’UDF avant qu’il n’existe juridiquement. On voyait se transformer la société et les habitudes des adhérents.

     

    Les adhérents ont un pedigree spécifique : ce sont des polyadhérents (ultra-hyper activistes de la société civile). Ils ont une adhésion, adhérence faible par rapport à d’autres partis.

     

    Ne pas rester entre soi

     

    Le Modem porte les perspectives qui permettraient aux partis politiques de se sortir de leur crise mais il doit se méfier des obstacles internes qui peuvent transformer ses atouts en échecs.

     

    - D’abord les partis politiques sont des objets de conquête de positions et de pouvoir, ils reposent sur l’enracinement dans un territoire. Cet aspect est la source de contradictions sans fin : en même temps, représenter, animer, délibérer mais aussi décider de se placer… La question du pouvoir est mal débattue ou traitée dans les partis aujourd’hui. C’est difficile d’assumer qu’on a des ambitions, on est toujours soupçonné d’avoir des positions stratégiques. Le pouvoir pour les partis est comme un « ça », toujours présent mais il n’y a pas les mots pour le mettre au jour.

     

    - Les rapports à la société civile sont de repli, les effectifs sont réduits, on manque de monde. Cela donne lieu à une cartellisation des partis en occident. Ce sont des entreprises semi-publiques (fonctionnement public). Il ne faut pas forcément incriminer la professionnalisation de la politique. Au XIXème siècle, elle a permis à des gens de se présenter contre les nobles et d’être élus. C’était le contraire de la fermeture à cette époque.  Mais aujourd’hui, la réalité est que ces entreprises politiques que sont les partis se partagent les positions de pouvoir, occupent les postes, monopolisent les débats.

     

    - La césure est consommée avec la société civile. Les partis n’ont plus de liens avec les associations, les univers militants, sociaux, caritatifs.  Ils ne remplissent plus le rôle d’éducation populaire. Les partis politiques d’autrefois avaient une véritable activité d’éducation populaire, avaient le réflexe d’occuper la ville et de former à l’engagement. Pour certains partis, ils fonctionnaient un peu comme des écoles de la deuxième chance. Aujourd’hui encore, on le voit, les étudiants encartés ont des ressources supplémentaires, ce sont des étudiants en avance.

     

    - Il faut aussi prêter attention au rapport entre les partis politiques et les milieux populaire. Il y a aujourd’hui une très grande homogénéité sociale au sein des partis. Dans le Quartier Croix Rouge, le fort déclin des associations a contribué à un effondrement de l’encadrement de la population. Comment répondre à la demande des adhérents à plus de délibération mais tous les adhérents n’ont pas le même rapport à la parole. Dans un contexte d’institutionnalisation de la délibération, il faut trouver de nouvelles formes pour s’ouvrir, aller dans la glaise de la société civile. De ce point de vue, les cousins des adhérents du MoDem sont ceux d’EELV.

     

    Cette question ennuie beaucoup les dirigeants. Comment un parti peut-il accueillir pour éduquer et réaliser une socialisation primaire, secondaire ? Il y a toujours la pensée qu’on dépose sa conscience aux vestiaires quand on adhère à un parti politique.

     

    Une organisation mouvementiste

     

    La marque de fabrique du MoDem et d’EELV, c’est l’organisation mouvementiste. Leurs adhérents aiment l’action associative, beaucoup sont dans l’économie sociale et solidaire, dans l’action caritative, humanitaire, dans des entreprises où la question est de refaire, retisser du lien social. Le PS au contraire est recroquevillé sur ses élus. Il connaît une régression due à l’électoralisme de ses pratiques et à la bureaucratie de parti, beaucoup d’adhérents ont été dissuadés. Les adhérents du MoDem et d’EELV sont des gens de réseaux, ils maîtrisent la force des liens faibles, ils ont une surface sociale importante au-delà du caractère réduit des effectifs.

     

    Cette volonté est aussi un talon d’Achille : faire de la politique autrement passait par l’organisation d’un mouvement peu corseté, bureaucratisé. En voulant cela, il était difficile de trouver le bon mode d’organisation. On se souvient de Seignosse de la fraîcheur, de l’enthousiasme de cette première université de rentrée… Mais depuis, il y a eu des problèmes d’organisation et de pouvoir. Par ailleurs, les adhérents avaient déjà une grande habitude d’organisation issue de leurs pratiques associatives… On n’a pas pu tous les contenir, cela a engendré beaucoup de déceptions, de mécontentement. L’utopie collective de départ s’est heurtée en outre à la pratique d’élus qui manquent de loyauté.

     

    La recette de cette manière de s’organiser est la clé, il faut trouver ce mode d’organisation dont les adhérents seront co-auteurs car l’activité principale de l’adhérent du MoDem ou ‘EELV ne saurait se limiter au vote (comme au PS).

     

    Le problème de l’engagement et de la sollicitation se heurte à l’adhésion post-it de nos contemporains. Le militantisme se féminise, l’engagement prend du temps, on ne peut plus se dégager des journées entières… Il faut trouver d’autres modes de sollicitations.

     

    C’est un défi important à relever ! Parmi tous les autres !

     

    Ici, le compte-rendu de la journée par l'UNION (qui ne s'y est pas trompé !)