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L'oeuf et la poule

Le verdict est tombé, le MoDem n'a pas dépassé les 2% aux dernières législatives : chronique d'une défaite annoncée, disent les uns. De nombreux centristes expliquent en effet, que les alliances multiples et la stratégie à géométrie variable du Modem ont perdu les électeurs qui, manifestement, ont été totalement déstabilisés puisqu'ils ne retrouvaient pas sur l'échiquier la bonne case qui allait bien à cocher, juste à côté du parti traditionnel de droite, un peu plus à gauche, mais de l'autre côté du Rubicon. Ne parvenant pas à cocher comme à l'accoutumée, les électeurs se sont eux-mêmes peu à peu dissipés dans les affres de l'indécision. Conséquence : ils se sont abstenus ou se sont éloignés de leur vote traditionnel pour rejoindre le giron d'une droite à contours moins flous...

Outre qu'il est compliqué pour celui qui veut explorer des voies nouvelles de mener à bien une entreprise qui n'entre pas dans les bonnes cases, il s'attire forcément les sourires des sceptiques qui lui savonnent la planche, ricanant a posteriori sur l'air du"On lui avait bien dit !"

La vérité est sans doute aussi que les institutions de la 5ème accentuent grandement les réflexes d'appartenance (éloge et pratique du vote utile) mais également l'abstention générée par de multiples autres facteurs que cette sacro-sainte clarté qu'on a opposée à tous les positionnements qui ont été les nôtres depuis 2007.

L'indépendance était un risque qui s'est heurté au paradoxe (ça fait beaucoup pour un seul parti !) né du postulat, nécessaire et courageux, que travailler avec tous les modérés non sectaires était possible : ce paradoxe nous a minés. 1) Comment en effet être indépendants dans l'état des institutions, à moins de le choisir radicalement, et de l'assumer jusqu'à l'échéance claire de la présidentielle qui, à condition de la gagner, permet seule de changer les règles du jeu ? Il aurait fallu assumer ce seul pari, mais, quand on est chef de parti, élus d'un parti, peut-on accepter sciemment de tout perdre, tout hormis la crédibilité ! 2) Comment de plus, être indépendants tout en faisant la preuve que le clan contre clan est une aberration et qu'on doit pouvoir travailler avec tout le monde ? Bref, l'indépendance était une plaie et l'alliance par-dessus, une plus grande encore...

A quoi est liée l'abstention ? Il sera assez évident de poser un autre paradoxe à côté du précédent : ceux qui ne votent plus par leur non-vote protestataire ou résigné, sont les artisans de la pérénisation d'un système à l'agonie, qui n'en finit plus de mourir... En effet, râler contre les privilèges et la corruption irréductible sur lesquels reposent le système pourri de reproduction des élites et le fonctionnement en circuit fermé des gouvernances et des habitudes, devrait, plutôt qu'à s'abstenir, engager à voter pour une offre différente.

Les partis politiques cherchant à rassurer, à donner des gages et des garanties à leur électorat traditionnel, (celui qui doit être conduit à cocher la bonne case), peinent à convaincre ceux qui, rêvant trop d'autre chose, ne se fatiguent même plus à cocher la moindre case, tant ils sont convaincus que toutes les cases se valent...

C'est donc la deuxième quadrature du cercle à laquelle s'expose notre mouvement. En faisant bouger les lignes, nous avons perdu l'électorat centriste malheureusement attaché à sa case, mais nous n'avons pas pour autant réussi à convaincre ceux qui rêvaient d'autre chose que de la politique des cases, des castes et des clans. Car dire ne suffit pas en la matière...

Le prochain chef aura donc la difficile mission de reconquérir les uns et de convaincre les autres. Pour cela, définir un positionnement sur l'échiquier est sans doute important. Mais si nous voulons éviter de passer pour l'idiot qui regarde le doigt au lieu du ciel, nous devons reconnaître qu'aujourd'hui, le sujet essentiel n'est pas celui de la case à cocher !

Face aux défis qui sont les nôtres, nous avons le devoir de susciter un vote d'adhésion qui correspondra sincèrement à une volonté de changement. Pas "le changement c'est maintenant" à la Hollande qui peut se traduire par : "le changement c'est battre Sarkozy et la droite", mais un changement de fond de nos réflexes et de nos mentalités : sortir de la torpeur, libérer l'initiative, susciter la responsabilité.

Et si nous-mêmes, comme centristes, nous nous l'appliquions d'abord, peut-être deviendrions-nous enfin crédibles, pas seulement pour ceux qui cochent la case habituelle, s'entend ! A quoi bon s'engager en effet, si c'est pour reproduire ce qui a toujours été (même si la famille existe, loin de moi l'idée de remettre en cause cette idée. Je tiens d'ailleurs pour un fait certain que c'est par méconnaissance de notre histoire familiale que d'aucuns se sont si vite découragés après la fondation du Modem de 2007 à 2010) ? Mais si pour être élu, il n'est qu'à se mettre sur la bonne feuille (ou derrière le bon cheval) et attendre l'automne, alors que fait-on de la mission première du politique, qui est d'entrer dans l'arène pour convaincre les électeurs du bien-fondé de son programme, du caractère judicieux de ses propositions qui ne consistent théoriquement pas seulement à battre la droite ou à empêcher la gauche de gagner complètement... Nous sommes responsables de la constitution d'une offre politique nouvelle et encore inédite, nous sommes responsables de sa diffusion, nous sommes responsables de sa victoire qui ne pourra être obtenue qu'en allant chercher les voix où elles se trouvent : chez les nôtres d'accord, mais surtout, chez les abstentionnistes.

Deleuze n'était pas centriste mais il écrit là (je cherche toujours la référence exacte de la citation au passsage) quelquechose qui me semble tenir d'un programme politique nécessaire aux temps que nous traversons : " En tout agencement créateur individuel ou collectif, les sourciers sont ceux qui font danser leur baguette sur une ligne qu'ouvre l'époque et non ceux qui se glissent dans les étoffes des prédécesseurs dont ils décalquent le mouvement. La scène du présent, ne se livre pas, ne se dynamise pas, sans que l'on en passe par l'exposition risquée à ces forces, à ces brèches et lignes de fracture. Faire un pas dans l'incorporation tout terrain de concepts et se soumettre à nouveau à l'aventure d'une recréation, c'est ne pas donner prise à la mort, à sa victoire sur l'accueil de l'événement, c'est, opérant une mise à mort de la mort, se reconnaître héritier, mais au sens où René Char disait : "Notre héritage n'est précédé d'aucun testament.""

Les temps exigent que nous soyons inventifs, à 1000 lieues donc d'un retour au même. Or, la politique telle que nous la vivons est encore bien vieille, il n'est qu'à observer les méthodes de gouvernance auxquelles le dernier quinquennat a recouru, faisant du clivage (diviser pour régner) un sport national ; et que dire de celles qui ont cours dans les collectivités locales où la démocratie collaborative, même en matière d'environnement, reste un vain mot... Dernièrement l'affaire Bricq, catastrophique ! Si les dirigeants se résignent... comment peuvent-ils semer les graines d'un électorat plus éclairé (qu'on ne s'y trompe pas, il l'est déjà parfois, et, paradoxe ultra, c'est pour cela qu'il ne vote pas), ou simplement plus confiant ? Qui est le premier... de l'oeuf ou de la poule ? "Tout le monde semblait croire, en effet, que tout coule du haut vers le bas, de la chaire vers les bancs, des élus vers les électeurs ; qu'en amont l'offre se présente et que la demande, en aval, avalera tout. Qu'il y a des grandes surfaces, des grandes bibiothèques, des grands patrons, ministres, hommes d'Etat... qui, présumant leur incompétence, répandent leur pluie bienfaisante sur les petites tailles. Peut-être cette ère a-t-elle eu lieu ; elle se termine sous nos yeux, au travail, à l'hôpital, en route, en groupe, sur la place publique, partout." (Michel Serres, Petite Poucette)

Saurons-nous donc prendre de vitesse nos éléphants du Centre empêtrés dans leurs accointances et dans leur contradictions pour favoriser l'émergence de ce qui doit venir ? En d'autres termes, chercherons-nous exclusivement à nous "recaser" pour rendre la sécurité du vote à l'électeur qui était le nôtre et obtenir des postes éligibles, ou serons-nous également capables de tracer enfin la voie nouvelle qui dispensera les autres, les électeurs désespérés, de cocher la prochaine fois, la case extrême...

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