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J-19 "L'Europe est une réponse à la folie de l'Histoire"

Trois faits personnels vécus ce jour se télescopent autour de cette phrase :

l_epine_butte_entree_signaletique.JPG- Un certain nombre de personnalités et d'anciens combattants ont commémoré ce matin à 7 heures au lieu-dit "La Folie" à L'Epine non loin de Châlons-en-Champagne, le soixante-dixième anniversaire de l'exécution de Robert Tritant, châlonnais, auteur de faits de résistance d'ampleur, fusillé avec 4 de ses compagnons. Chaque année, l'occasion est donnée le même jour, à la même heure et au même endroit, d'associer à cet hommage les 49 patriotes condamnés et exécutés par la Gestapo de 1941 à 1944.

 

affiche-This-Is-England-2006-2.jpg- J'ai emmené mes élèves voir le film This is England qui raconte l'embrigadement d'un très jeune garçon dans un groupe de skinheads. D'une grande violence, sur fond de guerre des Malouines (avril-juin 1982) ce film démonte subtilement les mécanismes qui conduisent à l'adhésion aux idéologies nationalistes : fragilité personnelle, rancœur, injustice sociale, phénomène de groupe. La crise de folie finale, enclenchée par une pulsion raciste et l'envie du personnage d'en découdre avec ses monstres intérieurs, est particulièrement éprouvante pour les nerfs du spectateur.

 

Laurent-Wauquiez-225x145.png- La phrase que je cite en titre est extraite du livre que Laurent Wauquiez a publié le mois dernier et dont j'ai lu une grande partie ce jour : L'Europe, il faut tout changer. Cette phrase intervient lorsqu'il évoque Martin Schultz qui "aime à raconter ses séjours en France lorsqu'il était enfant et que le souvenir de la guerre était encore vif". Si je partage avec Laurent Wauquiez un certain nombre des constats de dysfonctionnement de la machine européenne dont les institutions se concurrencent de façon malsaine et se paralysent, je ne peux pas le rejoindre sur ses préconisations, notamment celle, irréaliste, iconoclaste et populiste, qui consiste à sortir de l'espace Schengen.

 

- irréaliste car rappelons que l'espace Schengen existe depuis 1995 et que l'accord de Schengen est devenu un acquis communautaire, c'est à dire qu'il a été intégré aux traités de l'Union, plus précisément à celui d’Amsterdam en 97. La sortie de la France entraînerait donc la renégociation de cet accord, ce qui signifie qu'il serait nécessaire d'obtenir une ratification de la part de tous les pays membres pour valider la modification. On a vu que la promesse du candidat Hollande de renégocier le traité budgétaire pour lui adjoindre un volet croissance n'avait pas abouti. La renégociation des traités est un vœu pieux en solitaire. Laurent Wauquiez remet à l'honneur le rapport de forces et pratique l'affrontement.  Dire "Je sors de Schengen", c'est juste jouer les gros bras et se mettre en situation de négocier... en sachant qu'on ne pourra pas aller jusqu'au bout... ce n'est pas construire...

 

 - iconoclaste car la mobilité est une idée fondatrice du projet européen. La remettre en cause, c'est rompre avec l'esprit de la fondation : à l'origine la mobilité avait un objectif économique : elle concernait les marchandises et les travailleurs, elle s'est ensuite généralisée à l'ensemble des ressortissants européens et est consacrée par l'article 45 des droits fondamentaux. C'est un des attributs de la citoyenneté européenne. Que restera-t-il de l'Europe si on remet en place les frontières intérieures? Sortir de Schengen serait une catastrophe économique, surtout pour une circonscription frontalière comme le Grand-est : imagine-t-on restaurer le permis de séjour pour le Mosellan travaillant au Luxembourg et le contrôle des marchandises aux frontières pour les Belges commerçant dans les Ardennes ?

 

- populiste : Peut-on affirmer d'un côté que "L'Europe est une réponse à la folie de l'Histoire" en invoquant Martin Schulz, président socialiste allemand du Parlement européen sans doute dans un souci d'ouverture de façade politicienne, et vouloir refermer la France sur ses frontières pour limiter les invasions barbares de tous ceux qui sont suspectés de venir profiter du "système social très généreux [qui] rend notre pays particulièrement attractif" ?

9782271078827FS.gifComme l'affirme Catherine de Wenden, spécialiste des migrations internationales dans un entretien du 14 février dernier où il était question des quotas suisses, mauvais présages pour les élections européennes :"Nous avons l'impression de retourner avant l'ère du marché commun. C'est un discours d'un autre âge qui est fortement attendu dans l'opinion publique qui ne voit pas les bénéficies politique et économiques qu'elle tire de l'Europe et qui est dans cette volonté de repli sur soi dans un contexte de crise économique. Ces comportements ont déjà été observés lors de précédentes périodes de crises, comme par exemple dans les années 30."

 

Ne seraient-ce pas ces mêmes années 30 qui ont mis en place les mécanismes de la folie de l'Histoire...

 


Et un petit lien en plus en guise de clin d'oeil très politicien ;)

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