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Citoyenne et Engagée! Le blog de Marie-Pierre Barrière-Lallement - Page 3

  • J-13 L'Europe et la méthode communautaire

    On oublie trop souvent que nous ne sommes pas le fruit du hasard et que d’autres avant nous se sont battus pour que nous ne connaissions pas les mêmes difficultés qu’eux. Le 9 mai 1950, Robert Schuman, un mosellan né allemand d’un père français puis allemand de langue luxembourgeoise, un homme de la frontière douloureuse, a prononcé un discours devenu célèbre dans le Salon de l’Horloge au ministère des Affaires Etrangères. Cette déclaration qui aboutira en 1951 à la création de la CECA, Communauté Economique du Charbon et de l’Acier, résume l’esprit des fondateurs : « L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. » Il s’agissait bien, au travers d’une coopération économique telle que celle qui devait accélérer la reconstruction de la France et de ses voisins frontaliers, de mettre en commun des ressources pour garantir la paix. Par la reconnaissance d’intérêts communs, la France et l’Allemagne acceptent d’enterrer la hache de guerre séculaire qui les oppose. Cette politique de la main tendue en remplacement de l’opposition des forces a marqué jusqu’ici toute l’Histoire de la construction européenne qui, par le système de la pondération des votes, notamment, s’est jusqu’ici prémunie de toute domination des puissants sur les faibles. Monnet, un autre fondateur définissait ainsi le projet européen : « c’est la fusion des intérêts des peuples européens et non pas le maintien de l’équilibre de ces intérêts ». En d’autres termes, voici nommée la méthode communautaire ! Un de ses ressorts importants est l'originalité des ses institutions : conseil, commission, parlement qui ne reposent pas sur la séparation des pouvoirs puisque le volet législatif est assumé par deux organes distincts, mais permettent la recherche de l'intérêt général européen avant la satisfaction de l'intérêt national. En effet, l'initiative législative laissée à la Commission ainsi que le mode de décision par la pratique du consensus auquel elle est soumise, font de cet organe une clé de la méthode communautaire, celle qui garantit la confiance et le respect de l'intérêt européen. L'autre ressort essentiel est l'abandon du vote à l'unanimité pour privilégier celui à la majorité qualifiée qui ne bloque pas les processus de décision et évite que des arrangements entre états soient conclus en dehors du cadre de l'Union.

    La circonscription Grand Est où je suis candidate derrière Nathalie Griesbeck et Quentin Dickinson peut venir illustrer le refus de proportionnalité simple qui garantit paradoxalement la représentativité juste : elle  recouvre 5 régions administratives et 18 départements, le 25 mai prochain nous allons élire 9 députés. Ces 9 députés représentent 5,8 millions d’habitants, autant qu’un pays comme l’Autriche qui compte à lui seul 18 représentants. On constate ici par l’exemple la règle selon laquelle la taille ne fait pas la force dans l’UE, puisque la France compte 74 députés européens (sur 8 circonscriptions) ce qui la pénalise proportionnellement, mais empêche en réalité sa domination sur des pays plus petits. Les fondateurs se souvenaient en effet que toute humiliation nationale nourrit les germes de la guerre.

    Les Pères de l’Europe ont voulu réaliser la paix par le droit, voilà pourquoi les traités européens, dont le premier, le Traité de Rome en 1957, établissant les règles de fonctionnement de la CEE, ont une valeur particulière et sont difficiles à remettre en cause pour ceux qui veulent s’en éloigner. Sortir de Schengen ou abandonner l’euro, aujourd’hui, équivaut à renoncer à certains éléments fondamentaux des traités européens, ceux-là même qui justifient l’existence de l’Union Européenne, et en réalité à en menacer considérablement les fondements, donc à la détruire. Née du droit pour garantir les intérêts des citoyens européens, l’Union fait aussi croître les valeurs européennes de paix et de liberté : ne sont en effet admis dans l’Union Européenne que des nations qui fournissent des garanties en matière de fonctionnement démocratique et de respects des droits de l’homme, ce qui a représenté une motivation non négligeable d’évolution pour les candidats à l’intégration, tout en élargissant la zone de paix et de respect du droit en Europe.

    Les populistes s'assoient sur le trésor de l'Europe : assumant résolument leur "nationalisme", ils veulent privilégier la France, son identité, ses valeurs, ses habitants, ses intérêts, en affirmant que l'appartenance communautaire les mettent à mal. Ils utilisent à cet effet les arguments court-termistes, du portefeuille vide avant la fin du mois, de la menace migratoire, de la perte d'influence nationale. Ce faisant, ils contestent les fondements même de la construction européenne, pire, ils les bafouent. Là où on avait prévu de faire parler le faible d'une façon aussi audible que le fort, de se départir d'un peu de sa superbe pour esquisser le pas vers l'autre, de renoncer au rapport des forces pour rechercher le compromis, de se décentrer de ses intérêts propres pour envisager ceux d'une communauté, d'aller vers la paix en somme, ils proposent tout l'inverse ! Et l'on comprend pourquoi Mitterrand affirmait en son temps que "Le nationalisme c'est la guerre !" En tout cas, c'est l'opposé de la méthode communautaire. A l'heure où des formes d'économie collaborative émergent, où les modes innovants de production et de consommation sont mis à l'honneur, où on veut dépasser les folies de l'ultra-libéralisme pour frayer d'autres passages, alternatifs et plus fraternels, souvenons-nous que ce qu'ont tenté les Pères fondateurs dans les années 50, n'était pas bien éloigné de ce que nous sommes nombreux à chercher aujourd'hui et puisons à la source l'esprit de la révolution tranquille mais efficace qu'ils ont amorcée. Écoutons combien l'intuition de Schuman évoquée dans Sur L'Europe peut encore nous porter aujourd'hui :
    "Les dures leçons de l'histoire ont appris à l'homme de la frontière que je suis à se méfier des improvisations hâtives, des projets trop ambitieux, mais elles m'ont appris également que lorsqu'un jugement objectif, mûrement réfléchi, basé sur la réalité des faits et l'intérêt supérieur des hommes, nous conduit à des initiatives nouvelles, voire révolutionnaires, il importe - même si elles heurtent les coutumes établies, les antagonismes séculaires et les routines anciennes - de nous y tenir fermement et de persévérer".

    En dépit des oiseaux de mauvais augure et des tenants véhéments de la destruction totale ou partielle, tenons-nous y fermement et persévérons ! 

  • J-14 Deux semaines pour créer la surprise

    Un édito politique que je prends sur le site des Européens sur lequel, je vous recommande de vous rendre tant il est bien fait !

     

     

    Deux semaines pour créer la surprise

    Deux semaines pour créer la surprise

     

    La campagne officielle s'ouvre ce lundi. Cette fois ce sera programme contre programme. Enfin.

     

    11 mai 2014|14:15

     

    LA CAMPAGNE OFFICIELLE pour les élections européennes débutera demain. Cette fois ce sera programme contre programme. Cette séquence, les candidats UDI-MODEM Les Européens l'attendaient avec impatience. Avec leurs soixante propositions pour refonder l'Europe, les centristes abordent même cette dernière ligne droite avec gourmandise. Et soif de débattre. Ce qui n'est sans doute pas le cas de tous.

     

    Caché derrière la candidature du social-démocrate allemand Martin Schulz, pour succéder au conservateur portugais José-Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, le Parti socialiste a en effet pour l'instant engagé une campagne à reculons et serre les dents en attendant que ça passe. Quant à l'UMP, qui bénéficie pour l'heure dans les sondages de solides intentions de vote, uniquement cristallisées autour d'un vote sanction contre François Hollande, elle redoute le moment du débat européen source de violentes divisions internes. Reste les populistes dont le seul programme se résume à renverser la table. Et après ?

     

    Après ? C'est simple. A partir de demain, avec la campagne officielle qui s'ouvre, les citoyens vont enfin pouvoir jauger par eux-mêmes de la solidité des arguments des uns et des autres. Et de la cohérence des programmes. Même les écolos, traditionnellement pro-européens, se divisent sur l'attitude à adopter face au traité de libre échange transatlantique et se rapprochent pour certains dangereusement de postures proches de l'extrême gauche.  Bref, seule famille politique entièrement claire sur le projet européen, l'UDI-MODEM Les Européen pourrait donc créer la surprise dans deux semaines. A condition que chacun reste mobilisé et ouvert au débat pour expliquer le besoin vital d'une Europe plus forte face aux pratiques commerciales des nouvelles puissances continentales et mieux harmonisée d'un point de vue social et fiscal pour lutter contre le dumping intracommunautaire. Il reste quatorze jours.

     

     Rodolphe Geisler!

  • J-16 Journée de l'Europe

    6a00d8341c80d353ef01a3fd040121970b-500wi.jpgAujourd'hui, 9 mai, journée de l'Europe. Je laisse la parole à d'autres :

    - Thomas Friang préside Youth Diplomacy un think-tank transpartisan qui réunit des jeunes s'intéressant aux questions internationales, et les forme notamment pour participer aux sommets internationaux. Il propose aujourd'hui dans une très belle tribune publiée sur le site du Huffington Post de réconcilier Robert Schuman et Charles de Gaulle. Il suggère en préambule de supprimer les jours fériés qui servent à commémorer les guerres pour instaurer celui qui marque une construction pour la paix : que le 9 Mai devienne férié dans toute l'UE et qu'on consacre ce jour-là à l'Europe quelques manifestations citoyennes, culturelles et politiques d'ampleur, voilà une façon festive de promouvoir l'idée d'Europe et le temps qu'il faut pour la concevoir et la vivre ensemble !

    - Adrien Oster publie un autre article intéressant dans le Huffington Post où il montre à travers 24h de la vie d'une femme française combien l'Europe imprime sa marque, dans les normes qu'elle édicte qui peuvent protéger les consommateurs mais aussi faire évoluer leurs conditions de travail et leur pouvoir d'achat.

    Je ne peux m'empêcher de le dire : la campagne des Européennes 2014 m'attriste... Elle manque d’énergie, d'allant, d'enthousiasme ; elle manque tout court d'ailleurs. Quand on sait que c'est à Bruxelles que se décident une grande partie des lois qui régissent nos vies* l'implication pour comprendre, peser, influencer par son vote, devrait s'imposer !

    51% des français seulement sont favorables à l'appartenance de la France à l'Union, nous apprend un sondage du Parisien ce matin. C'est bien peu, en 2004 nous étions 67% ! La menace de l'explosion du vote frontiste et la perte de confiance dans le projet européen, voilà qui devrait nous galvaniser, nous, les europhiles, et nous mener par monts et par vaux, que nous soyons candidats ou pas, à nous faire les ambassadeurs de l'Europe constructive. Cessons de prédire seulement la catastrophe qui suivrait si nous sortions de l'euro ou de Schengen puisque c'est le terrain d'attaque constant des populistes. Il faut le dire, certes, mais ne pas se laisser enfermer dans ce débat, dans la petitesse du discours politique qui pinaille et se recroqueville, dire plus et autre chose aussi.

    Car, j'en suis convaincue, en plus de l'évidente nécessité d'Europe pour faire face ensemble aux défis de l'avenir dans une économie mondialisée, réfléchir à l'échelle européenne est un moyen essentiel de prendre de la hauteur, de dépasser nos querelles de village franco-français qui grèvent les débats de vaines polémiques, et même une façon de regagner l'enthousiasme que les difficultés économiques et sociétales présentes mettent à mal. Pour moi, l'Europe est le seul chemin d'avenir pour la France, et je dirai même pour la politique française aujourd'hui dans l'impasse, les partis peinant à être forces de propositions. Sortir de l'impasse, reprendre la route, rebâtir une pensée, un discours, un projet... Merci aux think tank européens de nous y aider : Europa Nova et le Mouvement Européen France notamment.

    Exigeons que l'Europe cesse d'être l'oubliée des débats, refusons qu'elle dédouane les gouvernants de leurs responsabilités en servant de bouc-émissaire facile alors que ce sont eux qui orientent ses décisions, revendiquons notre devoir d'être instruits et formés comme citoyens électeurs. A constater la pauvreté des retombées médiatiques de cette campagne aux enjeux énormes, je vous recommande particulièrement pour marquer cette journée de l'Europe 2014, de soutenir la pétition qui circule afin qu'on parle davantage d'Europe à la télévision. Il est inadmissible que France Télévision ait renoncé sous de fallacieux prétextes à diffuser le débats des candidats à la présidence de la commission le 15 mai, débat qui permettrait à tous les Français de mieux percevoir les différences de projets politiques et de faire leur choix de vote en mettant en relation les listes et les programmes. Il est regrettable que les pages consacrées aux Européennes dans les quotidiens ne servent qu'à démontrer en s’excusant presque, 15 jours avant le vote, que l'Europe vaut quand-même le coup qu'on s'y attache. Il est urgent, de faire la pédagogie nécessaire à la compréhension des mécanismes de décision et à la connaissance des enjeux et des choix politiques en cours. Il est nécessaire que les médias fassent leur travail de médiation pour rapprocher l'Europe des citoyens français qui la rejettent aussi parce qu'ils ne la comprennent pas.

    Pour signer, c'est ici : Plus d'Europe à la télé, c'est moins de populisme dans les urnes

     

    *(Elles ne deviennent des lois que lorsque le Parlement français les adopte, avant cela on les appelle des directives. A ce propos, connaissez-vous la différence entre un règlement et une directive?)

  • J-17 L'Europe des hommes

    Europe 10.JPG

    HIER

    Le 8 Mai 45 appelle une autre date, celle du 8 juillet 62. Ce jour-là, le Général de Gaulle a reçu à Mourmelon puis à Reims le chancelier de l'Allemagne fédérale Konrad Adenauer. Après la revue des troupes des deux armées au camp militaire, De Gaulle et Adenauer participent ensemble à une messe à la cathédrale, dans la ville même où la reddition du Troisième Reich avait été signée le 7 mai 45 au Collège technique et moderne devenu Lycée Roosevelt.

    Europe 11.JPGDans son homélie, l'archevêque de Reims déclare que la cathédrale est heureuse de les accueillir « ensemble », « avec le sourire de son ange ». Il prêche « pour le passé : le pardon des brisures » et « pour l'avenir : la volonté de réconciliation », et il appelle à prier « pour toutes les victimes de toutes les guerres ».

    Pierre Schneiter, membre du MRP, ancien secrétaire d'Etat aux affaires allemandes et autrichiennes du gouvernement Schuman (47-48), maire de 57 à 59 puis sous-préfet de Reims, était très favorable au rapprochement franco-allemand. Il a sans doute beaucoup fait pour que cette rencontre ait lieu à Reims, entre celle de Colombey en 58 et la signature du Traité de l’Élysée en 63. Par le lien auquel conduit la citation précédente, on peut constater à quel point les oppositions à cette rencontre étaient vives dans la Marne à cette époque.

    Plus tard, dans ses mémoires, Monseigneur Marty, archevêque de Reims écrira ceci : «Curieusement, dès les vacances qui ont suivi, les Allemands ont afflué à Reims. Car, en Allemagne aussi, cette cérémonie avait eu un grand retentissement. Je crois que la réconciliation avec les Allemands a fait un pas important ce jour-là... Cette visite a été un signe beaucoup plus efficace que de longues conversations ou de longs entretiens et, je le crois aussi, de longs discours sur la paix.»

    Le traité de l'Elysée, signé en 1963, entérine la réconciliation franco-allemande en instaurant une coopération entre les deux Etats en matière de relations internationales, de défense et d'éducation. Le traité de l'Elysée prévoit notamment la création de l'Office franco-allemand pour la jeunesse qui a pour mission de favoriser les liens entre les jeunes des deux pays pour faire évoluer les représentations. Cet office existe encore aujourd'hui et possède un siège à Paris et l'autre à Berlin. Depuis 1963, l'OFAJ a permis à 8 millions de jeunes Français et Allemands de participer à 300 000 programmes d’échanges. Il subventionne en moyenne chaque année 9 000 échanges auxquels participent environ 190 000 jeunes. (source wikipédia)

     

    AUJOURD'HUI

    Justement, comme l'indique joliment ma collègue d'Allemand dans son mail de mardi dernier : "Les Allemands débarquent." L'échange franco-allemand qui unit le collège où j'enseigne et la Realschule de Löhne verra sa 44ème édition du 14 au 23 mai prochain, en pleine campagne européenne.

    J'ai eu la chance de participer au quarantième anniversaire de cet échange en 2009. Je renvoie à la note que j'écrivais la semaine suivante et qui me rappelle mon émotion d'alors lorsque je la parcours.Je me souviens très bien, tandis que je m'apprêtais à vivre cet anniversaire de façon très superficielle, comme une marque de soutien à ma collègue et amie à qui ma présence à ses côtés importait, d'avoir senti de façon aussi surprenante que désarmante le poids l'Histoire dans les retrouvailles de ces deux hommes, les fondateurs de l'échange, Jean Périn et Heinz Böcke, dont la volonté tenace avait été de donner un cadre durable à la paix retrouvée entre la France et l'Allemagne. J'ai pris conscience ce jour-là des efforts simples que des hommes simples avaient déployés en surmontant leurs blessures, pour que l'Europe telle que nous la vivons aujourd'hui soit rendue possible. J'ai su que l'initiateur allemand de l'échange M. Heinz Böcke, dont la grande fragilité m'avait fort touchée en 2010, est décédé depuis ; il restera pour moi le visage de l'artisan de paix, éducateur par-delà les frontières.

    1984-verdun.jpgL'Europe que l'on qualifie de technocratique, qui nous semble lointaine et distante, est d'abord une aventure humaine que des chefs d'Etat ont souhaité vivre pour garantir la paix, que des citoyens ont incarnée dans le concret des échanges. Et l'amitié, créée au gré de ces rencontres officielles ou privées est un ferment de paix extrêmement efficace. On la surprend dans les mains serrées de Mitterrand et de Kohl à Verdun, on l'entrevoit dans l'entente pourtant tumultueuse de Sarkozy et de Merkel au coeur de la crise de l'euro. Les jumelages entre pays de l'UE sont également les fruits de ces volontés humaines. Je me souviens de l'effervescence avec laquelle, mon père, maire de Verzy, né en 40, a créé, aidé par le comité, le jumelage entre notre village et Huttigweiller, une commune de Sarre. Je suis touchée de l'amitié qui dure entre lui et l'ancien maire de cette commune, invité à toutes nos fêtes familiales.

     

    DEMAIN

    "Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes" écrivait Jean Monnet en 52 définissant le projet européen dans son discours de Washington. L'Europe œuvre à cela en soutenant les initiatives interculturelles ou dans des programmes d'échanges étudiants comme Erasmus ou Leonardo. Faire l'Europe des citoyens qui nous manque aujourd'hui pour recréer la confiance dans le projet européen, implique de multiplier les initiatives dans ce sens afin de favoriser les échanges culturels et humains. Nous devons apprendre à mieux nous connaître dans cette Europe élargie, trop considérée comme un espace uniquement fonctionnel et économique. Cela signifie de miser sur la croissance humaine d'abord !
     
    Ci-dessous deux propositions du programme UDI-MODEM qui vont dans ce sens :
     
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    Et le programme complet ici
     
     
     
  • J-18 L'Europe et la taxe Tobin

    "Encore un coup de l'Europe !"

     

    Ma première réaction à l'annonce des décisions du conseil des ministres des finances européen qui s'est tenu hier a été la déception : en effet, la taxe sur les transactions financières (aussi nommée Taxe Tobin) sera appliquée à partir de 2016 dans les 11 pays de l'UE qui l'ont acceptée mais elle a été négociée  a minima et ne rapportera que 3 milliards au lieu des 30 escomptés parce qu'elle n'inclut pas tous les produits dérivés de la finance.

    James Tobin dans les années 70 voulait en l'appliquant limiter la volatilité des capitaux. De nombreuses ONG dont Attac et le CCFD réalisent des plaidoyers intenses pour aboutir à "taxer la finance" ou créer la taxe "Robin des bois". Philippe Douste-Blazy milite depuis longtemps et très ardemment comme président d'Unitaid, fonds multinational abondé par une taxe sur les billets d'avion et destiné à lutter contre la pauvreté et les pandémies dans le monde, pour que, sur le même mode, le principe de la Taxe Tobin avant tout solidaire des pays les plus pauvres soit adopté. Invitant à retrouver l'esprit du capitalisme familial, il rappelle que les capitaines d'industrie faisaient vivre des familles tout en contribuant au bien commun (écoles, hôpitaux) par la fiscalité. La taxe Tobin est pour lui une compensation logique des dérives du capitalisme financier, mais aussi une réponse cohérente à la mondialisation des échanges, l'impôt local, géré par les élus locaux n'étant destiné qu'à un usage local. L'impôt international qu'elle constitue répond à la mondialisation des flux. "A côté de la mondialisation de l'économie ou de la communication, nous devons édifier une nouvelle architecture de l'aide au développement, plus stable, plus durable, nous devons faire naître une véritable mondialisation de la solidarité." afin d'atteindre les objectifs du Millénaire fixés par l'ONU.

    Aussi, lorsque j'apprends que l'UE se fait finalement le chantre d'une TFF floue dans ses modalités d'application, réduite à la taxation des actions et à celle de certains produits dérivés, et qu'on ignore finalement quelle sera l'affectation du produit de la taxe qui pourrait être utilisé autant à la régulation financière qu'à la solidarité internationale, je suis déçue...

     

    Et puis, j'ai réfléchi :

    - D'abord, cette taxe est finalement moins ambitieuse que prévue parce qu'elle risque de déséquilibrer l'économie des pays qui choisiraient de l'appliquer appliquée à l'ensemble des actions, obligations et produits financiers. Taxer l'épargne et les fonds de pension liées aux retraites par ex, fragilise l'édifice et entraîne des tentations de délocalisation. Combattre les abus ne signifie pas obérer les capacités de financement des entreprises, des ménages ou des assurances... Ce faisant, je relativise ma prévention spontanée contre la finance... Elle n'est pas le Diable (ni même l'ennemi) ! Elle est même indispensable pour faire fonctionner l'économie et créer des emplois.

    - Ensuite, je m'en remets à l'esprit de la fondation et donc à "la politique des petits pas" vantée par Monnet. Effectivement, on pouvait espérer mieux, mais il y a dix ans, seuls les altermondialistes en parlaient, l'idée de la taxe, d'abord jugée utopique par les gouvernements, s'est imposée concrètement en 2011 et il faut se réjouir qu'en l'espace de 3 ans, elle ait fait un tel chemin grâce à la pression des ONG mais aussi à la volonté de certains acteurs politiques : une fois n'est pas coutume, la prise de position forte de Nicolas Sarkozy en faveur de la taxe et de ses effets d'entraînement, l'application de la directive européenne en France pour donner l'exemple, sont à saluer. Michel Sapin affirme que cette première étape sera suivie d'autres avancées...

     

    Deux points d'objectif que rappelle le programme des Européens pour ces élections :

    - Il faut viser la gouvernance mondiale pour gérer cette taxe à l'échelle de la planète entière. Une taxe financière ne peut se concevoir qu'à ce niveau car les capitaux n'ont pas de frontières. En montrant l'exemple, l'Europe s'honore et incarne le modèle social qu'elle promeut à l'échelle mondiale tout en étant en capacité de s'assurer des ressources propres. Charge aux ONG et aux électeurs de continuer à peser sur les gouvernements pour que d'autres suivent.

    - Il faut viser la création d'un budget propre pour l'Union Européenne. Pour l'instant les gouvernements le refusent contre l'avis de la commission et du Parlement Européen, le budget est alimenté par des contributions nationales et soumis aux pressions du "retour sur investissement". Cette bataille, comme l'affirme Sylvie Goulard, "Pour le groupe ALDE auquel j’appartiens, mais aussi pour bien des collègues, c’est la mère des batailles. Tout le reste est littérature et mauvaise littérature : on n’aura jamais une UE crédible si elle reçoit de « l’argent de poche » de 27 parents radins qui se chamaillent" Pour ce faire, la preuve de la capacité de l'UE à lever des ressources propres telle que le produit de cette taxe est une avancée.

     

    En conclusion

    Pour finir, c'est comme souvent avec l'Europe : le premier mouvement n'est pas de tendresse, car les décisions prises sont souvent en-deçà des attentes. Et puis, passée la première réaction de colère, on prend un peu de recul et on finit par comprendre que le mieux est l'ennemi du bien, surtout en matière de construction européenne. Pour citer René Char : "Il n'y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l'accomplit". Peut-être l'opposition est elle encore ici un peu binaire ; on peut envisager que le rêve nourrisse l’accomplissement : à l'origine de la taxe Tobin comme de l'Europe, il y a le rêve d'un monde plus solidaire... Mais entre les embourbements oiseux et égoïstes des discussions infinies des 28 et le concret d'une avancée, il faut choisir l'avancée ! Le binaire ici est plus facile à trancher.

    Plutôt que d'accuser l'Europe et de vouloir la détruire parce qu'elle ne fonctionne pas, comme citoyens européens, accomplissons : continuons à faire pression en participant aux plaidoyers et en nous engageant aux côtés es acteurs de la société civile pour que cette taxe notamment, progresse en profondeur et en étendue.

    Et choisissons le programme qui impose la création d'un budget propre de l'UE et l'impulsion d'une fiscalité nationale permettant de dégager des marges de manœuvres : élisons des parlementaires européens convaincus de cette nécessité, ne craignons pas d'élargir l'ambition : "En donnant aux peuples européens le contrôle direct du budget européen par leurs députés européens élus depuis juin 1979 au suffrage universel direct, on simplifierait la chaîne institutionnelle, et démocratiserait les procédures budgétaires." (Sylvain Rokotoarison excellent sur le fonctionnement du budget de l'UE : ici et )

     Votons pour Les Européens !

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    LE PROJET COMPLET DES EUROPEENS POUR LES ELECTIONS DU 25/05

     

  • J-19 "L'Europe est une réponse à la folie de l'Histoire"

    Trois faits personnels vécus ce jour se télescopent autour de cette phrase :

    l_epine_butte_entree_signaletique.JPG- Un certain nombre de personnalités et d'anciens combattants ont commémoré ce matin à 7 heures au lieu-dit "La Folie" à L'Epine non loin de Châlons-en-Champagne, le soixante-dixième anniversaire de l'exécution de Robert Tritant, châlonnais, auteur de faits de résistance d'ampleur, fusillé avec 4 de ses compagnons. Chaque année, l'occasion est donnée le même jour, à la même heure et au même endroit, d'associer à cet hommage les 49 patriotes condamnés et exécutés par la Gestapo de 1941 à 1944.

     

    affiche-This-Is-England-2006-2.jpg- J'ai emmené mes élèves voir le film This is England qui raconte l'embrigadement d'un très jeune garçon dans un groupe de skinheads. D'une grande violence, sur fond de guerre des Malouines (avril-juin 1982) ce film démonte subtilement les mécanismes qui conduisent à l'adhésion aux idéologies nationalistes : fragilité personnelle, rancœur, injustice sociale, phénomène de groupe. La crise de folie finale, enclenchée par une pulsion raciste et l'envie du personnage d'en découdre avec ses monstres intérieurs, est particulièrement éprouvante pour les nerfs du spectateur.

     

    Laurent-Wauquiez-225x145.png- La phrase que je cite en titre est extraite du livre que Laurent Wauquiez a publié le mois dernier et dont j'ai lu une grande partie ce jour : L'Europe, il faut tout changer. Cette phrase intervient lorsqu'il évoque Martin Schultz qui "aime à raconter ses séjours en France lorsqu'il était enfant et que le souvenir de la guerre était encore vif". Si je partage avec Laurent Wauquiez un certain nombre des constats de dysfonctionnement de la machine européenne dont les institutions se concurrencent de façon malsaine et se paralysent, je ne peux pas le rejoindre sur ses préconisations, notamment celle, irréaliste, iconoclaste et populiste, qui consiste à sortir de l'espace Schengen.

     

    - irréaliste car rappelons que l'espace Schengen existe depuis 1995 et que l'accord de Schengen est devenu un acquis communautaire, c'est à dire qu'il a été intégré aux traités de l'Union, plus précisément à celui d’Amsterdam en 97. La sortie de la France entraînerait donc la renégociation de cet accord, ce qui signifie qu'il serait nécessaire d'obtenir une ratification de la part de tous les pays membres pour valider la modification. On a vu que la promesse du candidat Hollande de renégocier le traité budgétaire pour lui adjoindre un volet croissance n'avait pas abouti. La renégociation des traités est un vœu pieux en solitaire. Laurent Wauquiez remet à l'honneur le rapport de forces et pratique l'affrontement.  Dire "Je sors de Schengen", c'est juste jouer les gros bras et se mettre en situation de négocier... en sachant qu'on ne pourra pas aller jusqu'au bout... ce n'est pas construire...

     

     - iconoclaste car la mobilité est une idée fondatrice du projet européen. La remettre en cause, c'est rompre avec l'esprit de la fondation : à l'origine la mobilité avait un objectif économique : elle concernait les marchandises et les travailleurs, elle s'est ensuite généralisée à l'ensemble des ressortissants européens et est consacrée par l'article 45 des droits fondamentaux. C'est un des attributs de la citoyenneté européenne. Que restera-t-il de l'Europe si on remet en place les frontières intérieures? Sortir de Schengen serait une catastrophe économique, surtout pour une circonscription frontalière comme le Grand-est : imagine-t-on restaurer le permis de séjour pour le Mosellan travaillant au Luxembourg et le contrôle des marchandises aux frontières pour les Belges commerçant dans les Ardennes ?

     

    - populiste : Peut-on affirmer d'un côté que "L'Europe est une réponse à la folie de l'Histoire" en invoquant Martin Schulz, président socialiste allemand du Parlement européen sans doute dans un souci d'ouverture de façade politicienne, et vouloir refermer la France sur ses frontières pour limiter les invasions barbares de tous ceux qui sont suspectés de venir profiter du "système social très généreux [qui] rend notre pays particulièrement attractif" ?

    9782271078827FS.gifComme l'affirme Catherine de Wenden, spécialiste des migrations internationales dans un entretien du 14 février dernier où il était question des quotas suisses, mauvais présages pour les élections européennes :"Nous avons l'impression de retourner avant l'ère du marché commun. C'est un discours d'un autre âge qui est fortement attendu dans l'opinion publique qui ne voit pas les bénéficies politique et économiques qu'elle tire de l'Europe et qui est dans cette volonté de repli sur soi dans un contexte de crise économique. Ces comportements ont déjà été observés lors de précédentes périodes de crises, comme par exemple dans les années 30."

     

    Ne seraient-ce pas ces mêmes années 30 qui ont mis en place les mécanismes de la folie de l'Histoire...

     


    Et un petit lien en plus en guise de clin d'oeil très politicien ;)

  • J-20 Pourquoi je suis candidate aux Européennes sur la liste UDI-MoDem LES EUROPEENS

    Europe 5.JPGNous sommes le 5 mai : dans 20 jours, il faudra voter pour L'Europe et un programme qui corresponde à un projet politique garantissant son avenir.

    On m'a demandé et j'ai accepté d'être candidate, en suppléante sur la liste pour la Circonscription du Grand-Est : en 13ème position.

    C'est un honneur pour moi de représenter la Marne avec Véronique Marchet colistière UDI de Reims, et la Champagne-Ardenne avec Pascal Landréat, colistier MoDem de Troyes, parmi les 18 départements et les 5 Régions qui figurent dans cette immense circonscription de 8,5 millions d'habitants (autant que l'Autriche...)

    C'est un honneur parce que j'ai conscience de m'inscrire dans une histoire pas si longue en apparence mais qui date en réalité d'Henri IV, dont le ministre Sully rêvait déjà au XVIème siècle de réaliser "Le Grand Dessein" qui permettrait de réaliser une paix universelle en Europe après les épisodes sanglants des guerres de religions. Née d'une utopie, cette histoire a pris corps par la volonté de ceux qui, pendant la deuxième guerre mondiale même, portaient déjà le projet communautaire européen, Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak, tous démocrates chrétiens, pétris de l'idée que perdre un peu de soi, pratiquer le compromis fait gagner la communauté et affermit la paix.

    Quelle chance à ce propos que la présentation de la liste à la presse se soit déroulée ce samedi devant la maison même de celui qui a conçu le discours de l'horloge le 9 mai 1950, discours dans lequel il affirmait : "L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des solidarités de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. L’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne"

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    Dans la vision de paix de cet homme et de ses frères, je veux puiser les racines de mon engagement européen ; dans la solidité des intuitions de ces pères fondateurs, nous voulons tenir ensemble et faire progresser l'idée que l'Europe, cette formidable réalisation, unique en son genre puisqu'elle lie concrètement la communauté d'intérêts et la recherche de la prospérité, puisqu'elle repose sur des mécanismes subtils qui permettent le respect de chacun des pays membre, quelle que soit sa taille, est la garante de notre puissance et la seule voix d'avenir de la France.

    Mais aujourd'hui le projet européen est en panne, il s'est quelque peu dérouté, détourné de l'esprit de ses fondateurs. L'Europe a grandi très vite, et les avancées constitutionnelles n'ont pas été à la hauteur des enjeux de l'élargissement. Dans le contexte de crise économique, les égoïsme nationaux bloquent un certain nombre d'évolutions nécessaires. Il nous faut revenir à la source et donner un élan décisif à la construction européenne.

    Évidemment, les détracteurs sont légions. Populistes invoquant Jeanne d'Arc, opportunistes surfant sur les mécontentements, pratiquant à qui mieux mieux l'Europe bashing pour se dédouaner de décennies d'inaction politique nationale, magiciens du retour au franc, panacée du redressement de notre économie, etc. Quand le pouvoir d'achat est mis à mal, il est plus facile d'attiser les instincts grégaires que d'encourager les élans communautaires.

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    Nous ferons donc figures d'outsiders, de challengers : une fois n'est pas coutume, mais sur ce chapitre, le défi est plus crucial encore que sur d'autres... Nous profiterons des 20 jours qui nous restent pour travailler à faire avancer l'idée d'Europe, le sentiment européen, la conviction que l'Europe est une chance et non un danger. Notre objectif n'est pas en effet de recaser des malchanceux de scrutins nationaux ou des syndicalistes désormais sans emploi. Nathalie Griesbeck et Michèle Striffler (n°1 et 3) sont déjà des élues européennes au travail, Quentin Dickinson (n°2) a choisi de quitter son devoir de réserve de journaliste chargé des affaires européennes à Radio France pour militer à nos côtés, sur la conviction que le péril est tel que l'engagement politique s'impose.

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    Sur ce blog, chaque jour, un mot d'Europe ! Profitant de mes congés d'enseignante, j'ai repris sérieusement ma lecture de L'Europe pour les Nuls de Sylvie Goulard et ce livre, construit sur un projet qui m'enthousiasme, faire aimer et comprendre l'Europe, m'a donné furieusement l'envie de m'y mettre.

    L'idée qu'un certain nombre de mes concitoyens puissent aller voter le 25 mai prochain sans savoir comment fonctionne cette institution, sur quel esprit elle s'est bâtie, les étapes de sa construction, les bienfaits de sa réalisation, heurte profondément ma sensibilité d'enseignante, mais surtout d'Européenne. Il faut expliquer l'Europe. Pas longtemps mais un peu chaque jour, selon la méthode dite "des petits pas" vantée par Jean Monnet dans la construction.

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    Jean-Marie Beaupuy, notre ancien député européen, le sait bien, lui qui a rempli des dizaines de cars de marnais pour faire visiter le Parlement Européen en adepte de la démonstration par l’exemple. Expliquer l'Europe n'est pas une tâche facile car, tout comme le centrisme qui refuse le binaire, elle est une chose complexe, finalement, assez peu cartésienne, ce qui peut la rendre opaque dans son fonctionnement mais qui garantit l'intérêt général, loin d'être la somme équitable des intérêt nationaux...

    La rudesse de la tâche est à la hauteur des enjeux !

    A suivre...

  • Accueillir la fragilité

    J’ai participé cet après-midi à une conférence de Carême dans le cadre d’un cycle dont le thème était l’accueil de la fragilité. Aujourd’hui, il s’agissait d’évoquer la fragilité sous l’angle de la migration, mais en axant notre propos sur notre foi. J’ai parlé après le témoignage d’Anthony et de sa femme tous deux chrétiens bangladais, d’Anaïs et de ses deux filles, arméniennes. Ces cinq personnes sont en situation régulière, réfugiées politiques et membres de communautés chrétiennes de paroisses châlonnaises. Elles ont pu dire comment la pratique religieuse catholique, même pour des chrétiens de rite oriental, les a aidés à surmonter l’épreuve de l’attente des papiers et même à s’intégrer. J’ai également parlé après Yves Ragetly, Président du Secours Catholique de la délégation Champagne-Ardenne qui a apporté l’éclairage important d’une association dite institutionnelle, en mettant en valeur à la fois les questions que pose l’arrivée des migrants sur un plan politique, et l’inconditionnalité de l’accueil que les chrétiens leur doivent. Il a dit combien cette rencontre avec les migrants de Châlons lui avait permis de changer son regard. Pour ma part, j'intervenais comme militante du Réseau Education Sans Frontières.


    Je commencerai par un hommage particulier, un hommage à Emmanuel S. Emmanuel est arrivé en France le 4 octobre 2013. Il a fui le Nigéria à l’aide de passeurs à cause des agressions des chrétiens par les islamistes de Boko Haram. Rappelons que le 7 janvier 2012 les chrétiens du Nigéria dénonçaient un nettoyage ethnique et religieux systématique et prévenaient qu’ils allaient mettre en œuvre « les moyens nécessaires pour se défendre face à ces tueries insensées ». Le moyen qu’a trouvé la famille d’Emmanuel c’est de permettre à ce fils brillant qu’ils pressentaient sans doute potentiellement rebelle, de fuir et de construire ailleurs son avenir. Quels parents français ici pourraient jeter la pierre à ces parents nigérians ? Emmanuel est arrivé le 3 octobre en France et le 4 à Châlons.


    Emmanuel a un acte de naissance qui indique qu’il a 17 ans. En tant que mineur, il a été pris en charge par les services de l’Aide Sociale à L’Enfance du département et  a passé trois mois au foyer de l’enfance où la procédure d’accueil a été suivie : ayant effectué des tests au CIO, on avait constitué un dossier pour qu’il intègre la mission générale d’insertion à Oehmichen. Mais voilà…


    Voilà : le suspectant déjà d’être majeur, les services de l’ASE n’ont pas fait le nécessaire pour le scolariser. Et fin décembre, il a dû effectuer une radiographie osseuse à l’hôpital qui a défini avec un degré de fiabilité on ne peut plus faible, sa majorité. Le 3 janvier, Emmanuel, avec ses valises, était donc jeté à la rue sans solution d’hébergement avec la seule consigne de faire le 115 ; à la rue où nous l’avons récupéré, sombre, révolté, désespéré.


    Trois mois plus tard, la juge des enfants a décidé de replacer Emmanuel sous la tutelle de l’ASE, mais les finances du CG sont à sec et il n’y a plus de place au Foyer de l’Enfance : on a donc remis Emmanuel dans un hôtel qu’il connaissait déjà pour y avoir séjourné durant la période de latence, en lui indiquant qu’un éducateur viendrait le voir une fois par semaine et qu’une personne ramasserait son linge deux fois. Nous avons demandé quand il pourrait être scolarisé puisque c’était son vœu le plus cher. On nous a répondu que le CG s’occupait des prises en charge à 100% et que cela serait fait sans délai.


    Trois semaines après l’audience, aucune présence réelle et efficace d’un adulte accompagnant, aucune piste de scolarisation. Un matin, Emmanuel a pris ses affaires et a quitté la chambre d’hôtel pour se rendre ailleurs en France, loin de nous ; des amis l’ont aidés à faire ça, et malgré tous nos appels, textos, supplications, raisonnements, il ne reviendra pas...


    J’ai raconté cette histoire, l’histoire d’Emmanuel, parce que je ne l’oublierai jamais, mais j’aurais pu raconter celle d’Hovanes expulsé en Arménie le mois dernier alors que sa mère est enterrée en France, à Châlons, au carré des indigents, j’aurais pu raconter celle de la famille Kameri reconduite en Hongrie l’été dernier parce qu’on leur avait extorquée une demande d’asile sous la contrainte dans ce pays-là, j’aurais pu raconter l’histoire des jumeaux Chavidze qui après avoir appris un an le français dans une école de Châlons, apprennent maintenant le polonais dans une école de Varsovie ou d’ailleurs… parce que ces histoires déclenchent en moi à peu près le même type de réactions.

     


    Je vais donc dire maintenant,  comment, moi, je vis ces rencontres en tant que chrétienne.

     

    On m’a appris au caté quand j’étais très jeune, que mon prochain était tout homme, mais on m’a fait comprendre aussi que le plus petit d’entre eux l’était davantage encore. Comme le rappelle le Pape François dans sa lettre à l’occasion de la dernière journée des migrants citant les évangélistes Luc et Mathieu : Marie" mit au monde son fils premier né; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune, plus encore, Jésus, Marie et Joseph ont fait l'expérience de ce que signifie laisser sa propre terre et être migrants: menacés par la soif d'Hérode, ils ont été contraints de fuir et de se réfugier en Egypte. Je ne me protège donc pas de l’empathie que je ressens à l’égard de la personne désespérée qui a dû fuir son pays pour venir ici chercher la paix. J’accueille son histoire, sa frayeur passée, la crainte de l’avenir qu’elle peut formuler par ses simples regards, et de cela je fais le paquet que Dieu porte avec moi, lui qui a accepté de subir les souffrances les plus douloureuses pour m’exprimer son grand amour. Il faut bien que je rende un peu d’amour  à ces gens-là qui sont, par leurs souffrances et le courage de leur fuite, tellement plus grands que moi. Donc, j’écoute d’abord et j’écoute dans l’admiration et dans la compassion, au sens étymologique du terme : « souffrir avec ».  Et parfois, même, je n’écoute pas, il me suffit de voir les petits gosses courir sur la rue Servas  tout crados parce qu’ils n’ont pas pris de douche depuis une semaine, malgré la grande dignité de leurs parents, pour que ça démarre. Parce qu’à ce moment-là, ce n'est plus rationnel la compassion, ça devient épidermique, ressenti dans la chair, et dans les pincements de coeur… Pourquoi se protéger de la grâce des larmes ? Jésus, lui-même a pleuré sur son ami Lazare.


    Et puis, comme on m’a appris aussi un peu plus tard, à l’aumônerie des étudiants, que Dieu a besoin de nous pour agir en d’autres termes qu’ « aide toi le ciel t’aidera », mais surtout que Dieu a choisi la faiblesse pour avoir besoin de nous et nous conférer ainsi la dignité de co-créateurs, je me mets en route pour chercher des solutions : le plus souvent ce sont des solutions de court-terme car la loi française ne nous permet pas d’envisager très loin un processus de régularisation. Alors avec les copains du Réseau, on bricole, on se serre les coudes : on cherche un petit boulot par ici, on exploite une maladie par là, on donne un peu d’argent pour acheter des godasses ou des cahiers aux enfants, on fait à manger pour 60 dans des gamelles scoutes qu’on apporte tous les soirs Rue Servas parce que les gosses qui courent dans la rue ont aussi besoin de manger chaud,  on donne beaucoup d’argent puis ça ne tient plus pour sa propre bourse alors, vu qu’on n’est pas subventionnés, on organise des fêtes pour en récolter pour financer des titres de séjour hors de prix, on met en place des ciné-débats comme celui de demain soir, pour faire avancer des prises de conscience…

     

    On bosse, on se déploie, on se réunit tous les 15 jours pour mieux accompagner. A nous tous, on suit 15, 20, 30 familles. Et je veux dire ici la générosité de personnes citoyennes du monde, qui ne sont pas croyantes ni même chrétiennes. Hier O*** me laissait un message sur mon répondeur : elle et son mari et leurs deux enfants acceptent de continuer à héberger pour une durée indéterminée R***, un autre mineur étranger isolé placé sous tutelle par le juge des enfants vendredi dernier, afin qu’il ne soit pas seul et livré à lui-même à l’hôtel. L’énergie qu’il faut pour tenir…! On se forme, on lit beaucoup, on regarde ce que les autres du Réseau font en France, on suit les évolutions législatives débordantes et toujours plus contraignantes sur le sujet. Et on rame, parce qu’on trouve qu’on travaille un peu seuls, que globalement à Châlons, ça manque de coordination, et que comme notre boulot c’est aussi de faire la mouche du coche parce qu’on n’est pas d’accord avec les lois et qu’on le fait savoir, ben on se sent un peu marginalisés desfois…

     

    Et la grande colère vient : on n’en peut plus de frapper à des portes fermées, de cogner sur des volets qui ne s’ouvrent jamais, on sollicite dans tous les sens, les politiques, les administrations, les collectivités, les associations, les églises, et les réponses sont très rarement, très très rarement à la hauteur de nos espoirs. Et on voit bien sur le Réseau que partout en France, c’est comme ça : on a renvoyé hier en Arménie un père de famille en laissant ici en France sa femme et ses deux enfants, Romani Romoi a failli être expulsé la semaine dernière, il n’a dû son maintien qu’à une grève aérienne, sa mère est malade d’un cancer et soignée à Reims… Et ce matin, Guillaume a été placé de force dans un avion à Roissy, alors que sa compagne, enceinte, le regardait partir derrière les baies vitrées de la salle d’embarquement. Et on voit que les chiffres sont mauvais, que les circulaires du ministère de l’Intérieur se durcissent ; le 11 mars dernier, Valls a recommandé aux préfets d’expulser un maximum de personnes dès la fin de la procédure prioritaire, sans possibilité pour eux donc de déposer un recours.

     

    Donc on se révolte, nécessairement. On se dit que si on n’était rien que deux fois plus nombreux à militer, on avancerait 10 fois plus vite, on se dit que si tous les chrétiens s’y mettaient ne serait-ce qu’un quart d’heure dans une semaine, on déplacerait des collines. On se dit que si tous ensemble, on réclamait des lois plus justes et le respect des droits fondamentaux pour chaque être humain situé sur le sol français, on aurait des chances de faire aussi bien que la Manif pour tous, c'est-à-dire d’obtenir des reculs et des retraits. Il ne s’agit pas d’accueillir toute la misère du monde mais d’en prendre sa part sérieusement, de reconnaître le droit des victimes, de mener les procédures juridique de l’asile correctement pour que les gens au moins soient protégés au retour dans le pays qu’ils ont fui ! Parce que c’est révoltant de toutes parts, à la fin, cette suspicion qui entoure l’étranger considéré à l’OFPRA comme un menteur, à la CNDA comme un affabulateur, à la préfecture comme un fraudeur…

     

    Et cette révolte contre des murs, ceux de l’administration, ceux de l’indifférence, ceux des préjugés malsains, mène parfois au découragement. On perd la foi, oui ! On peut. Et on décide de fermer sa porte à son tour, parce qu’on n’y arrive plus, que ça devient trop lourd de vivre ça à quelques-uns seulement, qu’on arrive plus à en rire avec les copains, ni à prendre aucune distance. On rejette les coups de téléphone demandeurs d’aide, on oublie de rendre les services demandés, on s’isole, on se protège.

     

    Mais renoncer pour un chrétien, c’est à la fois céder au péché d’orgueil et de paresse. Alors, il faut demander à Dieu de venir au cœur de ce désert, irriguer de sa source la grande sècheresse de la fatigue que l’on ressent. Et quitter ses vieux habits pour prendre exemple, vraiment, pour prendre, sans fard et sans faux activisme compulsif ou démonstratif, les pauvres vêtements du migrant, de celui qui quitte sa terre pour aller demander ailleurs des raisons de vivre et d’espérer. « Et l'Éternel dit à Abram : Va-t-en de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, au pays que je te montrerai ; et je ferai de toi une grande nation ; je te bénirai et je rendrai grand ton nom. Tu seras une bénédiction : je bénirai ceux qui te béniront ; et celui qui t'injuriera, je le maudirai ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. Et Abram s'en alla comme l'Éternel le lui avait dit, et Lot alla avec lui. Abram avait soixante-quinze ans quand il sortit de Charan. » Il faut péleriner et tourner ses pas vers Dieu au creux du manque, au cœur du vide, traverser le désert pour comprendre, dans l’unique but d’aimer encore, plus et mieux. Traverser et passer de l’autre côté du Carême…

  • Le Choix d'Apparu

    photo_82_1.jpgDans 3 jours, nous voterons pour les Municipales. Le MoDem a fait le choix à Châlons de soutenir la candidature de Benoist Apparu et nous avons sur sa liste deux candidates MoDem, Laurence Dandeu et Marie-Pierre Carrillo.A titre personnel, je vote à Châlons et je donnerai ma voix à cette liste.

     


    Pourquoi ce choix ?

    Il peut paraître incohérent voire paradoxal. En effet, en 2008, je m’étais inscrite en soutien fort à la démarche de la Nouvelle Force, une liste composite, constituée de dissidents socialistes, de Verts et de démocrates. Il me semblait à ce moment que cette démarche transpartisane correspondait bien à l’aspiration du MoDem naissant : dépasser les clivages pour instaurer une politique plus citoyenne que politicienne. A ce titre, je n’avais pas vécu du tout comme une souffrance le rejet de l’UMP des sortants UDF passés au MoDem, c'est-à-dire décidant de s’inscrire dans une opposition à la politique du Président de la République, Nicolas Sarkozy.

    6 ans plus tard, les cartes ont été rebattues. Le PS s’est recomposé à Châlons, les dissidents qui se sont révélés bien plus politisés que je ne l’avais appréhendé en 2008, ont rejoint le giron familial, les membres d'EELV, de façon cohérente se sont associés au PS, et le PC a fini par garantir la quadrature du cercle, la gauche unie se fermant sur ses courants traditionnels.De l’autre côté, sortant d’une logique de fusion dans l’UMP, les centristes de droite ont créé l’UDI et il nous a fallu accepter que le MoDem un peu fatigué par les défaites de son chef, ne soit plus le seul centre en lice. Après avoir travaillé un temps sur un programme et une liste indépendante, nous nous sommes laissé entraîner par la création de l'Alternative nationale et rapprochés de l’équipe de l’UDI locale déjà bien décidée à coopérer avec l'UMP, pour aboutir à l’accord validé début janvier. La liste présentée par l’ UMP serait soutenue par l’UDI et le MoDem.

    Que de chemin parcouru qui a suscité la colère de mes amis de gauche ! Comment ne pas passer pour une girouette dans ce va-et-vient, certains disent « grand-écart » entre gauche et droite qui semble être le mien ? Je l’assume humblement ainsi que leurs critiques : pour ma simple expérience personnelle, cette négociation a été fondatrice. Mon cheminement politique est toujours guidé par la recherche, le questionnement et la prudence. Benoist Apparu, bien que ministre sous Sarkozy, n’est coupable d’aucune compromission avec la droite extrême, ni avec ses thèses, et représente un courant de L’UMP modéré et sinon social, en tout cas ouvert. Franchir le Rubicon sans arrière-pensée de pouvoir, m’a permis de travailler sur moi-même, de me débarrasser de certains préjugés et d’assumer la complexité d’une pensée et d’un regard qui cherchent à travailler avec plutôt que contre, à repérer les points de convergence plutôt que d’achoppement, à œuvrer pour le dépassement des rapports de force plutôt que pour leur durcissement.

    Sans doute certains trouveront-ils que je fais de la politique n’importe comment, que lorsqu’on choisit un camp, on s’y tient parce que la vie est faite comme ça : deux côtés, un blanc, un noir, un à gauche, un à droite, et pis c’est logique et cohérent, vlan ! Je rappellerai avant tout autre chose que je suis une centriste duale : historique par ma famille qui compte un grand oncle sénateur UDF et un père, maire et conseiller général étiqueté CDS, FD, UDF, après que son père eut été membre du MRP dans la Marne… Ce n’est cependant pas l’UDF qui m’a fait entrer en politique : la campagne de Bayrou en 2007 a véritablement déclenché en moi l’envie de militer et de m’inscrire dans la vie citoyenne pour participer au bien commun. La phrase de Sangnier que Bayrou aime à citer est une des raisons fortes de mon engagement en politique : « La démocratie est le système politique qui porte au plus haut degré la responsabilité du citoyen. »

    Ce positionnement importe car il fait de moi une personne assez peu encline à l’enfermement dans une case et je ne peux me définir ni de droite, ni de gauche. J’estime, en effet, de façon très pragmatique, que la place du Centre (celui que je représente à tout le moins) ne peut être figée malgré la contrainte des institutions de la Vème République. C’est ainsi qu’on voit en France des candidats MoDem sur des listes de droite et sur des listes de gauche et qu’un certain nombre de mes amis centristes se sentent comme moi clivés, soutenant des listes de droite mais comptant de nombreux amis sur des listes de gauche. La position est inconfortable certes, mais elle permet d'apprendre beaucoup sur soi et des autres...

    En 2008, il était impossible de soutenir la liste de BBB, il avait mis dehors les compagnons centristes par sectarisme. La vie politique française semblait plus réceptive qu’aujourd’hui à l’alternative possible d’une liste porteuse d’aspirations neuves. Le projet que nous défendions était intéressant et partagé, un peu techno, mais formateur. En 2014, la conjoncture n’est plus la même, les deux grands partis sont à la dérive, les citoyens sont totalement écœurés et démobilisés. Il faut aller, non pas au plus offrant, mais peser là où on peut le faire et atténuer le poids du FN. Entre temps, il est vrai, je me suis confrontée à quelques scrutins malheureux et j’ai perdu pas mal d’illusions quant à notre réel pouvoir de changer la donne de l’extérieur, les électeurs préférant jusqu’ici, se réfugier dans l’abstention que d’essayer une autre voix. Et au niveau de la politique nationale, si on m’affirme à gauche qu’Hollande fait du Bayrou, je considère, pour ma part, qu’il le fait bien tièdement et peu librement, et que les réformes structurelles déjà repoussées par Sarkozy peinent à venir dans le débat… En outre, le PS depuis 2012 n’a fait que peu d’efforts pour s’ouvrir aux centristes et aux démocrates que nous sommes. Et la politique d'immigration a si peu changé...

     

    Peser

    L’heure est grave. Face aux turpitudes de politiques ignobles exposées chaque jour dans la presse et au péril du repli sur des solutions extrêmes, nous ne pouvons pas jouer dispersés. A ce propos, je voudrais dire avec force à tous ceux qui seraient tentés de s’abstenir à cause de votes nationaux de Benoist Apparu sur des questions sociétales notamment, qu’il est important de distinguer les niveaux d’engagements et de ne pas pratiquer soi-même le vote de rejet qui n’aurait pour effet que d’augmenter le pourcentage du FN au premier tour. Cette attitude responsable  a été la nôtre, en tant que représentants de parti modéré, elle doit être celle de tous les électeurs républicains. Pour ma part, j’ai dû surmonter de forts scrupules et des préjugés assez ancrés avant de consentir à la rencontre. Je suis une antisarkozyste convaincue, je milite au Réseau Education Sans Frontières et nous continuons de nous battre avec acharnement contre la politique migratoire autrefois mise en place et aujourd’hui poursuivie, j’ai déjà rencontré le secrétaire d’Etat au logement dans ce cadre, et au sortir de l’entrevue, je n’ai pas pensé que je ne pourrai un jour avoir envie de le soutenir.

     

    Aujourd’hui, je pense que Benoist Apparu, comme leader capable d'entraîner notre territoire, peut faire gagner Châlons. Ce ne sont évidemment pas le bilan ni le passif qui me poussent à l’affirmer : j’ai milité contre le Parc des Expos tel qu’il a été conçu, j’ai milité contre la municipalisation des CSC, j’ai regretté la gouvernance ultra-centralisée de BBB.

     

    a)      Projet : L’énergie que jette Benoist Apparu dans le combat de la métropolisation, je veux dire du rapprochement des trois villes de la Marne est une nécessité. Il est indéniablement porteur d’une vision qui est nourrie d’un diagnostic profond, étayé par l’Histoire, ce qui le protège du projet un peu techno sorti d’un carton. Il se trouve que pour ma part, je suis champenoise, que ma famille l’est bien depuis des générations et qu’ayant grandi sur la Montagne de Reims, l’idée d’un développement concerté à l’échelle d’un territoire plus vaste que le seul bassin de vie de Châlons me paraît non seulement crédible mais souhaitable. Que Benoist Apparu ait choisi d’être la locomotive de ce projet, que pour cela, il renonce à son mandat national en 2017, suffit à me convaincre du goût d’entreprendre qui est le sien. J’aime ce risque, j’aime cet optimisme.

     

     b)      Emergence : Nous savons que notre modèle de société et d’économie est à bout de souffle, nous savons qu’il va falloir faire de la place à d’autres formes, et que l’innovation est nécessaire dans diverses directions : création d’emplois, limitation de l’empreinte écologique, revitalisation de l’économie locale au local, économie circulaire et solidaire, économie collaborative. Il faut pousser toutes les formes innovantes ici à Châlons, afin d’entrer dans la société du XXIème siècle que l’économie numérique impose. Pour favoriser cette émergence, il faut être libre de certains schémas ou réflexes idéologiques. Je crois que Benoist Apparu est avant tout un pragmatique et qu’il est sensible à l’innovation qu’elle soit économique ou sociale. Au MoDem, nous avons eu envie de le suivre et de le soutenir pour porter cela.

     

     

    Pour finir, je souhaiterais attirer l’attention sur un détail de campagne que j’ai eu plaisir à observer. Sur les panneaux d’affichage depuis lundi, on peut comparer les affiches officielles des candidats. Je suis très heureuse que la mise en valeur de l’équipe soit l’apanage de la liste où figurent les candidates du MoDem. C’est peut-être de la communication destinée à montrer que Benoist Apparu n’est pas l’homme seul, hautain et carriériste qu’on suspecte. Mais je préfère me dire que la mise en valeur des talents et compétences des membres de cette liste est de bon augure pour la suite et pour le prochain mandat. J’y ai en effet des amis de grande valeur : Laurence Dandeu et Marie-Pierre Carrillo, nos candidates MoDem, mais aussi des centristes de l’UDI, notamment Antoine Gerbaux et Christophe Guillemot dont je connais l’engagement. Il me semble qu’en s’appuyant sur de telles personnes et en fédérant au mieux cette équipe constitués de talents divers et complémentaires, le peut-être futur maire de Châlons aura de belles chances de réussir ses paris et, en tirant parti de cette interdépendance en interne, de faire gagner Châlons en interdépendance avec la Marne et la Champagne !

     


    Voir ma vidéo de soutien sur http://jaimechalons.fr/ :

    http://www.youtube.com/watch?v=sDNgYHG8_yM

     

     

  • Suppression du dispositif alternance en 4ème : un marqueur idéologique qui ne pénalise pas seulement les élèves.

     

    Nous avons reçu cette semaine le mail de l'Inspecteur en charge de l'orientation qui a confirmé ce que nous anticipions depuis la lettre d'orientation de juin 2012 : le dispositif alternance que nous avons mis en place au collège voilà 4 ans, et qui a fait ses preuves, est supprimé à compter de la rentrée prochaine. La cause en est mentionnée en toutes lettres dans la circulaire de préparation de la rentrée 2013 : " Il convient d'écarter toute forme de relégation et d'orientation précoce. C'est la raison pour laquelle toutes les formes d'alternance sont à présent proscrites pour les élèves de collège de moins de 15 ans, et notamment les dispositifs d'alternance en classe de quatrième qui avaient été introduits par la circulaire n° 2011-127 du 26 août 2011"

     

    Comment ne pas s'insurger contre une telle insertion relevant de l'idéologie et qui témoigne d'une méconnaissance absolue du ministre et de son cabinet des potentialités énormes de ce dispositif. Nous lisons en effet un peu plus haut dans la même lettre et dans la partie concernant le collège, la volonté forte du ministre de combattre le "décrochage scolaire", notamment par la mise en place d'un référent "décrochage scolaire" dont les missions vont consister à instaurer des liens avec différents partenaires afin de lutter contre le décrochage dont le symptôme repéré ici est l'absentéisme.

     

    " Il s'agit de redonner aux élèves les plus en difficulté le goût de l'école et de mieux les accompagner dans la préparation de leurs choix en matière d'orientation, en leur proposant éventuellement un tutorat.", explique la circulaire. Et c'était bien justement pour nous le seul objectif assigné collectivement au dispositif "alternance" en 4ème au sein de notre établissement et d’autres qui le pratiquent. Reposant sur le volontariat de l'élève en risque de décrochage, à tout le moins en grosses difficultés scolaires, le dispositif propose 3h supplémentaire par semaine. Nous l'assimilons à une option. Certains élèves font 3h de latin, d'autres font 3h d'alternance. Sont dispensées 1h de math et 1h de français pratiques, appliquées au monde professionnel : réalisation d'un journal, montage et réalisation d'une sortie culturelle, travail sur des situations de calcul de surface à peindre, rénovation d'une salle, il s'agit pour les enseignants de rendre concrètes leurs matières, d'aider à la prise de conscience que ce qu'on fait au collège, c'est utile ! La troisième heure, la plus appréciée des élèves, concerne le travail sur le projet d'orientation. Cette année, nous avons la chance de pouvoir travailler en barrette 4ème/3ème, ce qui rend plus visible pour les 4èmes le pallier d'orientation de la fin de 3ème. L'année scolaire est séparée en plusieurs phases : connaissance de soi, accompagnement à la recherche de stages, découverte des métiers, identification des formations et contact avec les lieux de formation. 3 stages sont réalisés par les élèves dans l'année lors de trois semaines situées avant les périodes de vacances scolaires : nous les poussons à diversifier les lieux de leurs stages afin de ne pas les enfermer dans un projet trop ciblé.

     

    Au terme de l'année de l'année, les élèves de 4ème qu'ils aient ou non pratiqué le dispositif ont le choix entre plusieurs orientations : 3ème générale et 3ème préparation à la voie professionnelle (ancienne 3ème pro puis DP6), nous ne poussons aucunement les élèves d'alternance dans une direction ou dans l'autre. Nous les avons suivis tout au long de l'année, nous avons accompagné leurs tâtonnements, nous les avons vu changer, évoluer, se responsabiliser dans la prise en charge de leurs recherches de stage ; ils sont souvent revenus de stage avec un nouveau regard sur eux-mêmes : ils ont observé, manipulé parfois, on leur a fait confiance, on leur a parlé comme à des adultes... "Ainsi donc, on peut me considérer comme quelqu'un de capable". Et au retour, leur scolarité au collège leur apparaît comme une étape vers autre chose, cette vie d'adulte qui du coup, leur fait moins peur... En 5ème, ils devenaient pénibles, leurs échecs répétés commençaient à les figer dans une image très négative de cancre... Et la 4ème, ce dispositif alternance, soudain les ouvre au monde professionnel, à ce qui fait la vie d'adulte, à cet emploi auquel ils accèderont un jour...

    Y a-t-il un meilleur moyen de prévenir le "décrochage " que de donner un sens à la scolarité au collège ? Est-ce que le référent "décrochage" fera mieux que nous au sein du dispositif alternance pour raccrocher des gamins qui en ont juste assez de passer un temps infini assis sur une chaise sans en comprendre la raison ?

     

    Le problème de fond niché dans cette suppression, c'est encore, doublé du manque de confiance en l’enseignant, ce fâcheux adepte de l’élitisme méritocratique, le principe problématique du collège unique : on suspecte les enseignants de reléguer les élèves difficiles dans des voies de garage qui les priveront de l'acquisition du socle ; or le bénéfice est ailleurs : les trois-quarts des 4èmes qui sont en alternance cette année, iront en 3ème générale avec une idée bien plus précise de leur projet d'orientation, ils ne subiront pas en fin d'année de troisième le choix de leur parents ou de leurs professeurs en lieu et place du leur, ils vivront la troisième de façon apaisée car ils sauront se projeter. S'ils le souhaitent, ils pourront à nouveau choisir l'option en 3ème, mais, de façon très personnelle, très souvent, ils l'abandonnent parce qu'ils n'en ont plus besoin : le travail de discernement et la méthode pour l'effectuer sont acquis...

     

    Et pour ceux qui sortent de 4ème alternance, et qui auront 15 ans d'ici à la fin de l'année, quelle chance que ce dispositif les ait préparés avec efficacité, à l'éventualité du choix d'un DIMA « dispositif d'initiation aux métiers en alternance », anciennement nommé pré-apprentissage, qu'ils effectueront en parallèle au CFA (centre de formation des apprentis) et chez un patron. Et si la crainte est qu’on laisse sortir du collège de futurs apprentis mal outillés pour devenir de bons citoyens, pourquoi ne pas imaginer alors, que des enseignants du collège de référence dans lequel ils restent inscrits puisqu'ils n'ont pas 16 ans, continuent à leur dispenser des cours, afin qu'ils préparent, s'ils le souhaitent le Brevet des Collèges, ou au moins qu'ils puissent valider le socle nécessaire pour l'obtenir ?

     

    Cela coûterait un peu, il est vrai... Cela ferait reculer les limites si bien figées de l'EN : des profs sortiraient du collège pour aller enseigner au CFA, en tirant au passage pour eux-mêmes le plus grand bien, celui du décloisonnement qui est la condition d'une certaine liberté... Plutôt que de maintenir dans un système qui ne leur convient pas les élèves décrocheurs, pourquoi ne pas décrocher des profs qui iraient quelques heures enseigner ailleurs ?

     

    La suppression du dispositif alternance est encore une preuve flagrante du détricotage, une majorité suivant l'autre, de ce qui marche au profit d'usines à gaz (référent décrochage), dont on anticipe la suppression à terme, pour économie. Ce dispositif dans lequel nous sommes plusieurs à nous être investis et formés avec bonheur depuis 4 ans est une chance pour créer des ponts et des passerelles entre les lieux d'enseignement et de formation, entre le collège et les entreprises, entre le présent des élèves et leur avenir... C'est dans ces marges de liberté que l'école se renouvelle, invente et crée du neuf, des envies, des possibles. Les élèves décrocheurs nous poussent, nous, enseignants, à nous remettre en cause et à sortir de nous-mêmes : les placer entre les mains de référents dédiés n'est pas une mauvaise chose, mais elle ne nous dédouanera pas de chercher des chemins exempts d’idéologie, pour que ces gamins qui se perdent dans l’institution, puissent trouver un sens à leur vie et une place dans la société.