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Citoyenne et Engagée! Le blog de Marie-Pierre Barrière-Lallement - Page 7

  • Récit de tous ceux qui viennent ici pour vivre en paix

    Texte écrit pour la mobilisation du Samedi 28 Janvier

    Un jour, la vie est devenue si dure qu’on décide de tout vendre, de dire au-revoir aux parents et amis et de partir peut-être pas pour toujours, mais le temps que cela se calme. Vous ne pouvez pas comprendre, on ne peut plus tenir : on nous a dépouillé, on a brûlé notre épicerie en emportant la caisse, on nous a obligé à quitter notre pays parce qu’il y a eu la guerre, on a vécu dans des baraquements en tôle dans un camp de réfugiés, là où les enfants sont nés, ils ont tellement mal mangé au début qu’ils ont les dents tout abimées, et des petits corps déjà fatigués ; on a vu tuer près de nous par des groupes nationalistes, le voisin qui faisait depuis deux ans les marchés le même jour que nous ; on nous a insulté parce qu’on ne nous a pas donné la bonne religion, parce qu’on n’est pas de la bonne tribu, parce qu’on est tombé fou amoureux d’une femme d’une religion différente de celle qu’on a reçu ; dans le bus, on a sorti un couteau devant notre fils de trois ans en menaçant de nous le planter dans le ventre ; on a jeté des pierres à travers nos fenêtres, nos femmes en ont plein les poches parce qu’elles se font régulièrement suivre dans la rue ; nos voisins étaient des terroristes, la police a cru que nous aussi, nous étions de la bande, on nous a enlevé, on nous a torturé, on nous a fait chanter, alors on a craqué, on a donné des noms : ce n’étaient pas les bons, mais au moins, on a pu revoir celle qu’on aime, la serrer dans ses bras, on n’a pas pu oublier ça, la trahison. Oui, on a porté plainte, on est allé à la police là-bas, mais ça s’est su, alors on a été encore plus traqués, plus harcelés, on nous a menacés de mort, on nous a attendu au carrefour, on nous a frappé, laissé sur le sol pour mort, on a des séquelles de ça encore, on a essayé de kidnapper nos fils, on nous a fait baisser la tête, honteux de nos faiblesses, devant nos femmes, incapables que nous étions de les protéger, elle et nos enfants. Et la police n’a rien fait, on le savait qu’on serait broyés pour cause de paix sociale, elle ne se fâche pas avec la mafia, ni avec les nationalistes, ils ont des armes, et des appuis étrangers, on n’a pas fait le poids, on n’a pas fait le poids.

    Alors on a tout quitté et on est partis au pays des Droits de l’Homme, dans un camion conduit par un type qui nous a pris tout ce qui nous restait ou qu’on avait récupéré à droite à gauche chez des parents, des amis, désolés de nous voir si désespérés, si menacés, on a donné tous les bijoux, ceux qu’on gardait pour doter nos filles, ceux qui venaient de loin dans la famille, on s’est endettés à vie pour quitter cette misère. Le passeur, on l’a laissé droguer les enfants pour qu’ils dorment les deux jours du trajet, il dit que sinon, il ne les emmène pas ; on a traversé trois, quatre pays, sans sortir, le cœur inquiet, plein d’un espoir un peu dingue. Et puis en sortant du camion, on nous a donné dix euros et on nous a dit de répéter ça, on ne sait pas trop ce que ça veut dire, ce sont les premiers mots de français qu’on aura jamais prononcé : « je demande l’asile ». On dit ça dans la rue à des gens qui nous emmènent devant la préfecture, on entre, ça y est, tous les drames sont derrière, on va pouvoir souffler. On ne demande pas grand-chose, d’ailleurs on nous dit vite à la Croix Rouge qu’on est en procédure prioritaire, qu’on a droit à rien, mais on s’en moque, parce qu’on n’aura plus peur, et qu’on pourra marcher dans la rue sans être suivis, et que nos enfants vont sourire, et qu’ils pourront dormir tranquille et aller à l’école, enfin !

    Mais voilà, huit mois plus tard, ça recommence ! Une dame est venue nous voir : elle a dit qu’on n’a pas eu de papiers, qu’on n’a plus le droit de rester, soit on accepte le retour volontaire et on part avec plein d’argent (1000, 5000, 6000 euros, selon notre origine ethnique) et on en aura un peu plus si on veut rouvrir un magasin là-bas par exemple, soit la police va venir, nous arrêter et on partira sans rien du tout et même un peu violemment, elle dit que c’est traumatisant pour les enfants, qu’il vaut mieux être gentils et partir gentiment avec l’argent. On lui a répondu qu’on avait peur de la guerre, de la mafia, que là-bas, ils nous retrouveront, que de toute façon, on est de nulle part, qu’on est rien pour personne là-bas, qu’on va à nouveau se faire harceler pour notre origine, notre religion, que nos parents ont été eux-mêmes victimes de ceux qui nous poursuivent depuis qu’on est partis, qu’on a reçus plusieurs convocations de police là-bas. Et puis, on ajoute qu’on a fait un recours à l’OFPRA, qu’il faudrait au moins attendre la réponse, que si elle est positive et si on a l’asile, on lui donne autant d’argent qu’elle nous en a promis pour le retour volontaire, tellement on sera heureux, on l’invitera à la fête, on boira à sa santé, mais elle ne comprend pas, elle ne sait pas ce que c’est que la guerre, que la peur, que la honte de ne pas pouvoir protéger sa femme qu’on aime, ses enfants qu’on voudrait tellement laisser là parce qu’ils sont heureux, qu’ils sourient comme jamais, elle ne sait pas ce que c’est que la colère face aux autorités qui ne protègent pas. Elle fait son boulot d’autorité à elle, celui pour lequel elle est payée, elle fait appliquer la loi, la loi d’un pays qui est un Etat de droit, peut-être sait-elle déjà que l’OFPRA dans sa rapidité à nous juger dira NON. Elle ne répond rien à ça. Elle s’en va : on ne sait pas vraiment combien de temps on a pour choisir, mais on ne peut pas choisir. La seule chose qui change, c’est l’argent. On retourne avec ou sans. On sera malheureux, mais il y a l’argent. Alors on réfléchit, on ne dort plus, on discute des heures avec la femme qu’on aime, on tourne des heures durant le problème dans sa tête. On appelle les frères, les amis, on tourne, on crie, on pleure, les enfants ne dorment plus non plus, plus personne ne mange, ils ne vont plus à l’école alors qu’ils adorent l’école, ils sont malades du stress de leurs parents, on sursaute à chaque coup de sonnette dans la terreur de voir arriver les policiers parce qu’on n’aura pas répondu ou pas assez vite …

    Ca c’est l’histoire banale de plein de migrants demandeurs d’asile ordinaires. Ca c’est le récit par éclats de tous ceux qui croient venir ici pour vivre en paix.

    Ils en sont là aujourd’hui les parents de Floriana, Driton, Nedzmija, Elmedina, Mohamed, Meriem, pris dans les rets d’un dilemme impossible à trancher.

    Il y a 15 jours, c’étaient ceux de Blendi et Blendon qui n’ont pas accepté assez vite de repartir et qui ne se sont pas cachés, parce qu’ils sont trop honnêtes et trop dignes : on les a montés de force dans un avion pour retrouver au Kosovo, huit mois plus tard, les mêmes agresseurs, les mêmes ennuis, les mêmes affreuses angoisses.

    La France les renvoie, la France ne les croit pas, la France jette la suspicion et le doute sur chacune des histoires de migrants. Motif de rejet de la demande d’asile : la dangerosité des menaces n’est pas prouvée, ils n’ont pas fait la preuve que les autorités de leur pays ne pouvaient pas les protéger. Mais il suffit de faire revenir deux minutes chez les enfants les souvenirs de la vie d’avant : les mots qu’ils emploient pour la dire en français, qui aurait pu les leur graver aussi profond dans le cœur, les leur apprendre par cœur ? Ce sont des horreurs que des enfants de trois ans, de cinq ans n’inventent pas !

    Qui un jour pourra reconnaître leurs droits bafoués là-bas ? Qui un jour pourra reconnaître leurs droits, méprisés ici ? Droit à être reconnus comme victimes et droit à obtenir réparation, droit à être accueillis et respectés comme êtres humains, droits d’intégrer une communauté qui les accepte, droit de prendre leur vie en main, de décider par eux-mêmes si c’est le moment de repartir au pays qu’ils ont quitté seulement parce qu’ils y étaient obligés. Droit de faire des projets d’avenir pour leurs familles et leurs enfants. Droit de vivre en paix dans la dignité et entourés.

    Nous qui les connaissons, qui les entourons déjà et à qui on ne fait pas confiance pour juger, parce que nous sommes des gauchistes ou des allumés, nous reconnaissons, nous, ces droits que la France ne respecte pas. Nous refuserons de laisser nos amis céder au chantage infâme du retour volontaire, qui n’a de volontaire que le nom ! Nous refuserons que les uns partent ! Nous nous battrons pour que les autres reviennent ! C’est le sens aujourd’hui de notre chaîne humaine.

  • Intervention de Julien Fretel, politologue, professeur à l’Université Jules Verne d’Amiens, en conclusion du Forum Démocrate du 10 décembre 2011

    Nous avions demandé à Julien Fretel d'être l'observateur-témoin, le fil rouge de notre journée de forum samedi dernier. Qu'il soit encore une fois ici remercié d'avoir bien voulu se plier à l'exercice. Très souvent, nous a-t-il confié, il s'est retenu de prendre la parole pour participer, lui aussi...

    Il a circulé toute la journée entre ateliers et tables rondes, a écouté, pris des notes et nous a rendu compte en guise conclusion de ses observations. Il a commencé par mettre en valeur l'originalité de notre démarche participative tout en la rattachant aux modes d'action qui sont ceux des mouvements actuels cherchant à faire évoluer les pratiques politiques. Il a aussi tracé quelques pistes  à continuer d'explorer pour creuser le sillon du renouvellement de la vie politique partisane. En voici les bribes...

     

    La démocratie est inséparable des partis politiques.

     

    Depuis qu’elle s’est institutionnalisée, les partis se sont approprié sa gestion. Ils ont permis aux petits et aux faibles de participer car ils ont contribué à former au XIXème siècle des gens capables de voter des lois. Grâce à eux, la République s’est ouverte à d’autres catégories sociales que la noblesse. Leurs capitaux sont collectifs. Si on ne compte pas sur les partis, on ne peut pas parler de démocratie.

     

    Le modèle du parti de masse, c’est le PCF. L’UDF à côté faisait figure de non-parti, de protoparti, on l’appelait la gangue vide. Il s’agissait néanmoins d’une forme originale d’organisation qui s’est encore transformée avant la fin de l’UDF. On voyait arriver le MoDem. Il a existé dans l’UDF avant qu’il n’existe juridiquement. On voyait se transformer la société et les habitudes des adhérents.

     

    Les adhérents ont un pedigree spécifique : ce sont des polyadhérents (ultra-hyper activistes de la société civile). Ils ont une adhésion, adhérence faible par rapport à d’autres partis.

     

    Ne pas rester entre soi

     

    Le Modem porte les perspectives qui permettraient aux partis politiques de se sortir de leur crise mais il doit se méfier des obstacles internes qui peuvent transformer ses atouts en échecs.

     

    - D’abord les partis politiques sont des objets de conquête de positions et de pouvoir, ils reposent sur l’enracinement dans un territoire. Cet aspect est la source de contradictions sans fin : en même temps, représenter, animer, délibérer mais aussi décider de se placer… La question du pouvoir est mal débattue ou traitée dans les partis aujourd’hui. C’est difficile d’assumer qu’on a des ambitions, on est toujours soupçonné d’avoir des positions stratégiques. Le pouvoir pour les partis est comme un « ça », toujours présent mais il n’y a pas les mots pour le mettre au jour.

     

    - Les rapports à la société civile sont de repli, les effectifs sont réduits, on manque de monde. Cela donne lieu à une cartellisation des partis en occident. Ce sont des entreprises semi-publiques (fonctionnement public). Il ne faut pas forcément incriminer la professionnalisation de la politique. Au XIXème siècle, elle a permis à des gens de se présenter contre les nobles et d’être élus. C’était le contraire de la fermeture à cette époque.  Mais aujourd’hui, la réalité est que ces entreprises politiques que sont les partis se partagent les positions de pouvoir, occupent les postes, monopolisent les débats.

     

    - La césure est consommée avec la société civile. Les partis n’ont plus de liens avec les associations, les univers militants, sociaux, caritatifs.  Ils ne remplissent plus le rôle d’éducation populaire. Les partis politiques d’autrefois avaient une véritable activité d’éducation populaire, avaient le réflexe d’occuper la ville et de former à l’engagement. Pour certains partis, ils fonctionnaient un peu comme des écoles de la deuxième chance. Aujourd’hui encore, on le voit, les étudiants encartés ont des ressources supplémentaires, ce sont des étudiants en avance.

     

    - Il faut aussi prêter attention au rapport entre les partis politiques et les milieux populaire. Il y a aujourd’hui une très grande homogénéité sociale au sein des partis. Dans le Quartier Croix Rouge, le fort déclin des associations a contribué à un effondrement de l’encadrement de la population. Comment répondre à la demande des adhérents à plus de délibération mais tous les adhérents n’ont pas le même rapport à la parole. Dans un contexte d’institutionnalisation de la délibération, il faut trouver de nouvelles formes pour s’ouvrir, aller dans la glaise de la société civile. De ce point de vue, les cousins des adhérents du MoDem sont ceux d’EELV.

     

    Cette question ennuie beaucoup les dirigeants. Comment un parti peut-il accueillir pour éduquer et réaliser une socialisation primaire, secondaire ? Il y a toujours la pensée qu’on dépose sa conscience aux vestiaires quand on adhère à un parti politique.

     

    Une organisation mouvementiste

     

    La marque de fabrique du MoDem et d’EELV, c’est l’organisation mouvementiste. Leurs adhérents aiment l’action associative, beaucoup sont dans l’économie sociale et solidaire, dans l’action caritative, humanitaire, dans des entreprises où la question est de refaire, retisser du lien social. Le PS au contraire est recroquevillé sur ses élus. Il connaît une régression due à l’électoralisme de ses pratiques et à la bureaucratie de parti, beaucoup d’adhérents ont été dissuadés. Les adhérents du MoDem et d’EELV sont des gens de réseaux, ils maîtrisent la force des liens faibles, ils ont une surface sociale importante au-delà du caractère réduit des effectifs.

     

    Cette volonté est aussi un talon d’Achille : faire de la politique autrement passait par l’organisation d’un mouvement peu corseté, bureaucratisé. En voulant cela, il était difficile de trouver le bon mode d’organisation. On se souvient de Seignosse de la fraîcheur, de l’enthousiasme de cette première université de rentrée… Mais depuis, il y a eu des problèmes d’organisation et de pouvoir. Par ailleurs, les adhérents avaient déjà une grande habitude d’organisation issue de leurs pratiques associatives… On n’a pas pu tous les contenir, cela a engendré beaucoup de déceptions, de mécontentement. L’utopie collective de départ s’est heurtée en outre à la pratique d’élus qui manquent de loyauté.

     

    La recette de cette manière de s’organiser est la clé, il faut trouver ce mode d’organisation dont les adhérents seront co-auteurs car l’activité principale de l’adhérent du MoDem ou ‘EELV ne saurait se limiter au vote (comme au PS).

     

    Le problème de l’engagement et de la sollicitation se heurte à l’adhésion post-it de nos contemporains. Le militantisme se féminise, l’engagement prend du temps, on ne peut plus se dégager des journées entières… Il faut trouver d’autres modes de sollicitations.

     

    C’est un défi important à relever ! Parmi tous les autres !

     

    Ici, le compte-rendu de la journée par l'UNION (qui ne s'y est pas trompé !)

  •  Réviser la croissance et prescrire la rigueur : pour aller où ?

    GE couleurs.jpgNous sommes au bord du précipice. L’Italie a quasi basculé. Après Moody’s, c’est Standard and Poor’s qui menace de dégrader la note de la France… Les sommets européens qui s’enchaînent et se ressemblent du dimanche au mercredi (comme dans la comptine « Le petit prince a dit ! ») ne débouchent sur aucune solution, chacun restant autocentré sur ses problématiques nationales.

    Ce qu’on sait depuis hier, c’est que nous allons devoir en France « réviser » nos prévisions de croissance de 1,75 à 0,9, et qu’un nouveau plan de rigueur va s’en suivre, d’après ce que dit François Fillon. On entend les récriminations du PS qui affirme que la cure d’austérité est plus suicidaire encore que le déficit lui-même. La régulation préconisée : interdiction de la spéculation sur la dette souveraine, s’accompagne de l’idée (vœu pieux) de la nécessité de relancer la croissance…

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  • A la recherche d'un autre modèle (1)

    C'est GuillaumeD qui en parle : Apparu rencontre des jeunes de gauche un peu utopiques lors d'un débat radiophonique, puis la conversation se poursuit en off.  Et quand on discute avec un gars de droite d'une alternative au modèle néolibéral capitalistico-financier, il répond goguenard et dubitatif : "Vas-y, propose autre chose!"

    Alors spontanément, comme la question m'interpelle, je me tourne vers l'alternative la plus forte sur l'échiquier politique (parce que la décroissance, c'est déjà exclu) pour voir à quoi elle ressemble au fond et si elle manque tant que ça de crédibilité.

    Le vote Montebourg aux Primaires m'a beaucoup intriguée, je l'avoue, parce que je me sens assez attirée par la radicalité de ses propositions. C'est lui, vraiment qui porte le discours du changement à gauche et réactualise le vieux clivage. Il me semble d'ailleurs qu'il pourrait opportunément prendre toute sa place aux côtés de Mélenchon qui l'y invite ce soir...

    Mais je voulais mieux comprendre ce que c'est que la démondialisation (qui est reconnue comme LE positionnement  vigoureux de gauche, propre à faire renaître le socialisme contre les affreux socio-démocrates libéraux) alors j'ai cherché. Et ça tombe bien ! J'ai trouvé un texte collectif rédigé par d'autres porteurs de changement (pas nécessairement ancrés à gauche : et non, enfin, je pense que le clivage ne marche plus là non plus... mais pas de droite non plus) que sont les altermondialistes d'Attac. Vous me direz pourquoi s'intéresser  à un débat entre Attac et Lordon et pas entre Madelin et Montebourg ?

    Parce que je ne crois pas être libérale économiquement, et que justement, il m'importe de réflechir à autre chose que ce que nous pratiquons déjà. Par conséquent la vieille dichotomie droite-gauche, libre-échange versus réglementation ou protectionnisme, me semble obsolète en ce qui concerne l'invention d'une autre formule.

    Mais il y a une autre cause: GuillaumeD a dit cela ailleurs sur son blog et je crois qu'il a profondément raison : un certain nombre de mes amis ont quitté le MoDem parce qu'ils ont été déçus de ne pas retrouver clairement énoncée la volonté de changer de modèle qui nous avait séduits dans le discours de Bayrou en 2007. Rappelons qu'il a milité jeune chez Lanza del Vasto et qu'il lui reste sans doute quelque chose de cete utopique posture...

    Par conséquent, j'imagine (mais je lis déjà sur certaines lèvres le sourire ironique qui est la sanction de ma naïveté !) que si on arrive à composer au MoDem quelquechose qui serait un mixte de réformisme et d'altermondialisme, (que j'entends bien comme la recherche d'un autre modèle social, d'un autre progrès social que celui du pouvoir d'achat ou de la protection des droits sociaux... ) alors, nous tracerions enfin la troisième voix que nous portons depuis 2007 et que JFK ne place pas au milieu mais en avant. Y en a qui disent qu'on le fait déjà ? Ben oui, mais ça ne s'entend pas. J'ai même lu récemment que Bayrou était le plus archaïque des hommes politiques économiquement parlant... Et on laisse EELV seul sur le créneau, sans dire assez fort qu'ils ont déjà fait le choix du ralliement, et qu'il ont donc perdu une part de leur liberté de création...

    Mais laissons s'installer le débat :

    1er acte : Attac publie une tribune dans Médiapart pour critiquer la démondialisation, concept hyper tendance FN et inadapté à la possibilité de proposer un modèle alternatif où parfois il faut plus de mondialisation et parfois moins... Ils sont européanistes et attachés à l'universalisme, donc peu enclins à la fermeture. Assez surprenante tribune car d'aspect consensuel et peu virulent. Lordon les accuse d'ailleurs de relayer les arguments des éditorialistes libéraux.

    http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/060611/la-demondialisation-un-concept-superficiel-et-s

     

    2ème acte : Lordon répond longuement en accusant les altermondialistes de prôner au fond la démondialisation tout en refusant de le dire pour ne pas être assimilés FN. Il replace de très intéressantes définitions de concepts (notamment en éclairant la distinction d'une mondialisation des externalités qui suppose une réflexion mondiale sur les conséquences telles que le réchauffement climatique ou la souveraineté alimentaire... qu'il oppose à une mondialisation de la libéralisation financière et capitaliste ; l'une étant selon lui opératoire et constructive, l'autre négative à abolir : il accuse de façon sous-sous-jacente Attac de mal faire le distinguo).

    J'apprécie aussi l'idée pas neuve mais importante que dénoncer la mondialisation, c'est incriminer des structures et non des hommes (travailleur chinois), qu'on ne peut pas reprocher aux pays émergents leur stade de développement mais qu'on doit s'attaquer aux mécanismes portés par l'UE et l'OMC qui permettent la libre-concurrence avec eux ; évidemment sur l'oligarchie économico-financière, qu'il attaque dans un deuxième temps, il perd un peu son objectivité...

    Son idée fondamentale, c'est que la notion de souveraineté est moderne, non pas celle de souveraineté du peuple, mais celle d'un peuple (notion plastique et non figée) qui se choisit comme souverain en fonction de communs possibles, ce qui peut l'élargir à la dimension européenne ou régionaliste dit-il (donc pas FN ni Dupont-Aignan). J'aime assez ce concept qui rejoint l'idée de Benassayag de reterritorialisation (comme palliatif à la mondialisation qui individualise et uniformise ; Lordon dit qu'elle globalise et détruit le politique)

    Par contre, il vire à la caricature sur la fin en opposant le modèle allemand comme incompatible avec le modèle méditerranéen: ce n'est pas la Grèce qui doit sortir de l'euro pour lui mais l'Allemagne qui impose son modèle de compétitivité et le diktat de l'euro comme sa monnaie propre, à toute l'Europe.

    Mais surtout, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est qu'il accuse les altermondialistes d'être des "idiots utiles" à la Jacques Attali, des faiseurs de y a qu'à, faut qu'on... C'est la même critique que celle d'Apparu, à peu de choses près !

    http://blog.mondediplo.net/2011-06-13-Qui-a-peur-de-la-demondialisation

     

    3ème acte : Donc j'ai été particulièrement attentive à la nouvelle réponse de Pierre Khafa d'Attac dans cette optique. Il explique les limites du rétablissement des barrières douanières vu les modes de productions actuels qui pareront forcément et vu les distorsions du coût du travail qui rendraient nécessaires dans la logique, un protectionnisme national plus qu'européen qui conduirait à une intensification de la guerre commerciale (Merde, il est de droite le mec d'Attac!).

    Il reproche à Lordon de ne pas faire le lien entre contrainte actionnariale du capitalisme et concurrence, et critique la vision trop économique (et peu stratégique) de la sortie de crise qui consiste à attendre qu'elle fasse son oeuvre, balaye le vieux système et en fasse advenir un plus sain.

    Il dénonce aussi le présupposé peu fondé qui consiste à promouvoir la souveraineté comme panacée sans s'interroger sur la mise en place des conditions politiques d'un retour à la souveraineté d'un peuple qui est loin d'être réalisable aujourd'hui et pour la construction de laquelle il faudra travailler bien au-delà de l'éclatement projeté par Lordon de la zone euro.


    http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-khalfa/200611/les-impasses-de-la-demondialisation

     

    Conclusion 1 : En fait, pour trancher au terme de cette première étape : ce que je trouve vraiment intéressant dans l'altermondialisme, c'est son insistance (qui manque fort dans la démondialisation qui au final, quoi qu'on en dise, n'est qu'économique) sur la nécessité d'une prise en compte internationale de l'unité de l'humanité à l'aune de la mondialisation des droits. Il y a de la lutte et du militantisme citoyen là-dedans puisqu'il s'agit de libérer l'être humain (au cas par cas, pas dans le global!) des soumissions économiques et politiques.


    Par contre, rétablir des barrières douanières n'est encore qu'une solution de gauche qui limite le champ d'action des citoyens, et laisse aux acteurs économiques et politiques traditionnels le soin de se mettre d'accord ou de se contraindre mutuellement, sans qu'aucun compte ni aucun changement profond ne soit demandé à celui qui consomme et qui cautionne, et qui baigne dans le néolibéralisme en le critiquant sans s'en sentir lui-même acteur fondamental... La démondialisation remplace des structures par d'autres structures. Or, pour moi la solution est en dehors des systèmes qui aliènent toujours, dans l'engagement propre de chacun.

     

    Conclusion 2 : J'ai trouvé passionnant ce débat entre Lordon et Attac. pour deux raisons : d'abord parce qu'il m'a confortée dans l'idée que l'alternative n'est pas l'idéologie de gauche. Etant donné l'horreur sarkozyste,  je suis tentée parfois en effet de choisir l'option de l'opposition officielle... C'est triste aussi de voir des amis, anciens centristes se rabattre sur la gauche, juste pour virer Sarko !

    Mais, et c'est le second enseignement de ce débat, nous ne nous en sortirons pas en conservant les clivages traditionnels : la solution est ailleurs. Les démondialistes ne sont pas archaïques parce qu'ils sont de gauche, mais parce qu'ils préconisent des solutions qui semblent tenir compte des aspirations du peuple contre l'oligarchie, mais en réalité, accusent des entités abstraites et lointaines, et ne prévoient pas de donner des responsabilités économiques aux citoyens-consommateurs. Il faudrait effectivement tomber d'accord sur ce constat : les problème ne viennent pas seulement d'ailleurs, nous les portons tous collectivement et individuellement parce que nous en sommes à la fois la cause et le remède !

    La modernité passe par de la régulation d'accord (lutte contre la spéculation et les paradis fiscaux) , de la reterritorialisation certes (relocalisation de la production et valorisation des entreprises de taille humaine), mais surtout de la responsabilité ! Par exemple, pour ce qui est des banques, la solution, ce n'est selon moi ni la recapitalisation qui laisse perdurer le mal sans le traiter, ni la nationalisation qui transfère le pouvoir de contrôle à l'Etat. Les banques, ce n'est pas l'Etat, c'est nous, c'est notre argent ! Alors outre l'exigence saine de remettre en oeuvre la séparation des banques de dépôts et des banques d'investissement, il est peut-être temps de nous rendre tous conscients de ce que produit notre argent quand on croit qu'il fructifie sur nos comptes d'épargne... Nous sommes d'ailleurs dans la semaine de l'ISR (investissement socialement responsable), c'est le moment d'en comprendre les enjeux si on n'a pas vu : Moi, la finance et le Développement durable ! Vous me direz Montebourg préconise la VIème République comme complément de la démondialisation ! Mais c'est encore juxtaposer le politique et l'économique, alors qu'il faudrait une fois pour toutes les relier et les allier.

     

    Conclusion 3 : Il faudra donc encore creuser la question pour parvenir à tracer les contours plus clairement de ce modèle nouveau de société dont on peut dire déjà qu'il se passera des systèmes (et sera donc peut-être en cela plus libéral que le libéralisme tel qu'on le vit aujourd'hui ! C'est ça Florent, dis ?;-))

  • Ecole : ni plus, ni moins de moyens ! La vérité est ailleurs…

    GE couleurs.jpgJe suis enseignante, et j’ai fait grève le 27 septembre, par conviction intime beaucoup plus que par réflexe politique puisque je ne suis pas de gauche, et surtout pas socialiste.

    J’ai encore été violemment agressée par ces commentaires de Français lambda qui râlent contre les profs qui ne font rien sauf la grève, et aussi par le point de vue de certains libéraux qui arguent de la limitation stricte des missions de l’Etat à ses fonctions régaliennes pour pouvoir libéraliser l’école et la confier à des entreprises privées. Cela permettrait selon eux de soumettre les professeurs à rentabilité : s’ils sont bons, ils auront davantage de clients et seront mieux payés ; s’ils sont mauvais, ils perdront leur boulot et iront pointer au chômage, comme tout boulet du privé… Alors, bla-bla-bla, ils cesseront de réclamer des moyens à la Grande Vache à lait providentielle et castratrice d’énergie et ils verront bien ce que c’est de bosser, bla-bla-bla…

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  • Sénatoriales et Démocratie

    106484004.jpgJ'ai participé au scrutin des Sénatoriales comme grande électrice, très flattée d'ailleurs que l'assesseure du bureau n°1 m'accueille en me demandant si j'étais suppléante... Décidément, le féminin de candidat vaut même parfois pour celui d'électeur...

    La première réaction qui m'est venue dimanche soir en entendant les commentaires de presse qualifier d'"historique" le grand basculement, c'est : et ben voilà, on est reparti pour un tour d'inertie... Parce que le retour du balancier n'est pas synonyme de mouvement, ni de changement, et que je ne peux tirer aucun plaisir de la claque administrée à Sarko ou à la droite par une opposition en panne presque totale de projet alternatif de société...

    Depuis, j'ai lu des choses intéressantes sur les causes réelles de la perte du Sénat : les explications mathématiques classiques de la droite qui ne perd pas la face, les explications ridicules d'Estrosi qui  met dans la balance le triple A et la victoire au Sénat, comme s'ils étaient exclusifs l'un de l'autre... Mais c'est surtout la thèse de l'anti-jacobinisme des grands élus, la force du lobby des départements, la réaction à la réforme des collectivités territoriales désormais probablement enterrée qui me retiennent.

    Hervé Torchet (L'échec éthique du sarkozysme) attribue la défaite en dernière analyse à une sanction des grands élus, terreau de la Nation, à l'encontre des fondements de "l'idéologie" sarkozyste.

    Jérôme Leroy (Le retour du refoulé jacobin) décale des perspectives en analysant la défaite de la droite au Sénat, chambre girondine par excellence, comme une revanche inconsciente des élus du peuple contre un Etat qui ne garantit plus l'égalité des citoyens.

    Alain Lambert (Sénat : La santé de notre démocratie) regrette également la "dégradation des moeurs politiques" et que le Sénat ait été gagné par les luttes de clans, ces trahisons qui autrefois l'épargnaient.

     

    Tous les candidats ont fait leur campagne, en effet, au cours des réunions auxquelles j'ai participé sur l'idée première que le Sénat est une chambre préservée des querelles politiciennes et éloignée des ors et des tensions de la médiatisation. Dont acte. Nos deux sénateurs centristes qui ont retrouvé leur fauteuil par la confiance qu'inspire aux électeurs la solidité de leur travail, seront en première ligne pour défendre cette conviction et maintenir le Sénat comme ilot démocratique au sein de notre République, notamment en résistant aux sirènes de la bipolarisation.

  • Cycle de conférences sur la dette et la mondialisation

    277575_10150262620737420_697797419_7441382_870985_o.jpgEmmanuel Molinatti et Michel Daudigny ont fourni un travail considérable de réflexion et d’analyse macroéconomiques sur le thème de la dette et des déficits publics. Trois conférences ont eu lieu sur le sujet: en octobre 2010 et février 2011 « Dette, reprenons le combat de la vérité Acte I et II » et juillet 2011 « Echec de la mondialisation ? »

     

    ACTE I: L’éclatement de la bulle financière américaine de 2008 a montré en même temps que les lacunes d’un système mondialisé ou les Etats n’ont plus la main,  l’imbrication des problèmes financiers des pays de la Zone Euro et des Etats-Unis. Impossible de croire que la Grèce est le seul mauvais élève de la zone euro, ni de l’Europe, il s’agit en réalité de l’arbre qui cache la forêt d’une situation cataclysmique avalisant l’hypothèse de la théorie des dominos, tant pour les Etats que pour les banques (malgré les bons résultats trompeurs des stress tests). Il suffit pour cela comme le proposent les conférenciers d’observer à la loupe et à l’aide de chiffres vérifiés les déficits des différents pays européens, présentés les uns à la suite des autres, ainsi que des plans d’austérité des gouvernements respectifs (gel des salaires, diminution de la fonction publique, diminution des prestations sociales, privatisations, hausse de la TVA… ), plans destinés à « prévenir l’inquiétude des marchés », maintenir la note des états auprès des agences de notation et obtenir le soutien du FMI et de la BCE.

     

    Dans ce contexte, E. Molinatti et M. Daudigny expliquent que dans l’indifférence générale, la note de la France a été dégradée par une agence de notation chinoise en juillet 2010, envoyant un signe négatif aux marchés, et obligeant l’Etat à emprunter à des taux plus élevés pour financer ses dépenses. Tous les voyants (indices des pays réputés sans risque) sont au rouge : l’encours de la dette publique de la France est le plus élevé des pays AAA de la zone euro ; il est sous évalué et ne cesse d’augmenter, la France n’a pas mis en place de plan de rigueur, les réformes engagées ne sont pas structurelles (retraites) et ses hypothèses de croissance sont infondées. Les graphiques sont parlants, notamment celui qui émane de la Cour des Comptes. (cf ci-dessous)

     

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    Mais si son Etat est très endetté, la France dispose d’une marge de manœuvre importante : non par le retour à la croissance ou le rabotage des niches fiscales qui ne suffiront pas, contrairement à ce que certains veulent  nous faire croire. Le patrimoine des français représente 7 fois le volume de la dette, laissant augurer une augmentation efficace des taxes et des impôts jointe à une politique de rigueur des dépenses, elle-même liée à une réforme du modèle social protecteur qui n’est plus viable avec seulement 1 français sur 3 exerçant une activité salariée (les  conférenciers montrent à quel point les chiffres du chômage sont à majorer…). « La politique de la France ne doit pas se faire à la corbeille » disait le Général de Gaulle, Méhaignerie quant- à lui parlait en 2006 d’ « une guerre dure » pour « reprendre le combat de la vérité » afin que « la dépense non maîtrisée ne soit plus électoralement payante ».

     

    ACTE II En février, les conférenciers étayent encore leur analyse : reprenant le mot de la banque américaine Morgan Stanley en août 2010, notamment à propos de l’Irlande, un pays cité en exemple pour son taux de croissance avant 2008: « La question n’est pas de savoir quand les gouvernements vont faire faillite, mais comment ? », ils révèlent par des chiffres réactualisés une situation qui s’est encore tendue pour les pays européens. Ils montrent également que la stratégie des Etats-Unis consistant à faire tourner la planche à billets pour favoriser la reprise de la croissance pénalise l’euro et nuit à la compétitivité des entreprises européennes. De même, l’encours de la dette du Japon (qui la possède contrairement à la France) s’accroît et l’excédent commercial de la Chine, deuxième puissance éco mondiale pour le PIB, est en baisse La théorie de l’interdépendance des Etats confirme donc que tout pays confronté à une crise financière impose à ses partenaires économiques les répercussions de ses propres difficultés.


    Leur analyse de la situation française s’enrichit également des chiffres liés à la pauvreté, que des lois multiples tentent d’éradiquer sans être réellement financées, et qui touchent 12,2% des français en mal de logement et de ressources, dépendant pour survivre des aides et des allocations. Ainsi le modèle français fondé sur un taux de dépenses publiques et un taux d’endettement élevés (contrairement au modèle nordique et au modèle méditerranéen) n’est guère rentable. En effet, le taux de dépenses publiques accru du fait de la crise montre qu’elles servent à budgétiser des stabilisateurs sociaux sans pour autant consolider le pacte social qui permettrait de créer un consensus sur les réformes à mener pour l’intérêt général. La dette de la France atteint 82.9% du PIB, soit plus de 1650 milliards d’euros en 2010,  1742 milliards en 2011 selon les prévisions de Bercy. Il est politiquement correct de diaboliser le système financier, accusé d’être seul responsable de la crise, mais les hommes politiques qui promettent et s’engagent à dépenser plus alors qu’ils peuvent moins le sont tout autant. Le troisième coupable, c’est l’électeur qui se laisse séduire par les vaines promesses au lieu de les sanctionner.

     "Dette, reprenons le combat de la vérité! ACTEII" en pdf

     

    Acte III Dans le contexte de la crise grecque, les conférenciers indiquent que la stratégie consistant à étrangler le pays par des plans draconiens d’austérité apparaît comme de l’acharnement thérapeutique car elle consiste à produire de la récession.  L’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie vont suivre : déficits en hausse, menaces des agences de notation, plans de rigueur, sauvetages à prévoir, contestations internes, gouvernements malmenés, le cercle vicieux est partout le même. Pas de conclusion fiable pour incriminer l’euro et la stratégie de Bruxelles : ailleurs, les situations sont diverses. La dévaluation de la livre ne parvient pas à protéger la Grande Bretagne dont la dette culminera en 2011 à 94% du PIB. En revanche, l’Islande, grâce à la dévaluation de la couronne stabilise son déficit et renoue avec la croissance. L’Allemagne peut-elle servir de modèle à la France comme d’aucuns le suggèrent : elle a réussi à augmenter la compétitivité de ses entreprises en baissant les coûts du travail, mais des analyses montrent que certains salariés français ont réorganisé leur travail pour atteindre leurs objectifs initialement réalisés sur 39h en 35…  C’est lorsqu’on aborde le sujet des créances douteuses des banques que le modèle allemand paraît moins fiable : en 2008 elles s’élevaient à 142 millions d’euros, en 2010, à 225 millions. A noter que si les Français connaissent les performances exceptionnelles de leurs banques qu’ils peinent d’ailleurs à s’expliquer, les chiffres de leurs créances douteuses ne sont pas rendus publics et on ne sait d’ailleurs pas exaxtement qui détient la dette de l’Etat…

     
    Le lundi 16 mai dernier, la dette américaine qui a augmenté de 73% entre 2007 et 2010, a dépassé son plafond légal à partir duquel tout emprunt est rendu impossible. Sans un accord entre Républicains et Démocrates pour un relèvement du plafond de la dette avant le 2 août prochain, les Etats-Unis seront déclarés en faillite : « une récession pire que ce que nous avons déjà eu, une crise financière pire que ce que nous avons déjà eu », selon le Président Obama, crise, qui par voie de conséquence risque de plonger une partie du monde arabe, dépendant des aides publiques et investissements américains dans la récession, pénalisant la mise en œuvre de régimes démocratiques pérennes.


    2011 n’est pas l’année de la reprise, la situation se détériore pour nombre de pays. Il faudra veiller à ne pas déclencher une crise de confiance mondiale en restructurant la dette grecque et à repenser la stratégie du FMI car les plans d’austérité sur des cycles courts qui les rendent violents, sont peu propices à engendrer de la croissance. Le politique va-t-il se résoudre, en allongeant les phases d’austérité à sacrifier une génération ? C’est ce que craignent avec force les « indignés ». Mais l’économie ne peut à elle seule résoudre une crise qui est aussi morale. La référence à l’Histoire est ici parlante : c’est en instaurant la démocratie à Athènes par l’abolition de l’esclavage pour dette et  la réforme du corps civique que Solon a résolu la crise agraire qui menaçant les finances. Mais en 1929, c’est un « jeudi noir » qui a ouvert la voie du pouvoir à Hitler. Quel sera donc la nature de notre printemps occidental ?

    « 2008-2011 : ECHEC de la MONDIALISATION ? » en version numérique

     

    Merci à E. Molinatti et à M. Daudigny pour leur précieux travail de vérification et de pédagogie. Ils prévoient d’élargir leur binôme à d’autres qui seraient intéressés par l’élaboration d’une réflexion commune et sans esprit partisan. Invitation lancée à tous ceux qui ne se contentent pas d’éléments de langage pré-machés par leurs instances nationales !

     

    Marie-Pierre BARRIERE,

    Déléguée dépatementale du MoDem 51

  • Pourquoi ça serait con de poser la question du sens ?

    GE couleurs.jpgFoin de la polémique : c’est nul ce qui nous arrive dans cette pré-campagne. Les attaques personnelles détournent l’attention du fond du problème. Ca fait plusieurs années qu’on se demande si ça vaut le coup de commémorer encore aujourd’hui l’armistice du 11 novembre, étant donné la disparition du dernier poilu. Ca fait quelques années aussi qu’on se dit que rendre férié le 9 mai pour fêter l’Europe des citoyens, ce serait rudement bien…

    Alors qu’aujourd’hui, quelqu’un pose (peut-être maladroitement) la question du sens d’une fête nationale qui se réduit souvent à boire un coup dans nos villages après le discours du maire… c’est peut-être pas d’une totale ineptie…  Evidemment, on peut dire avec les populistes : les gens s’en foutent du 14 juillet, ils se demandent comment ils vont faire manger leurs gosses le 15… On peut dire ça, mais à force de ne réduire les problèmes des français qu’à ceux du remplissage de leur assiette, on observe tout par le petit bout de la lorgnette.

    Or, il y a des événements et des dates qui font sens.


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  • Un peu d’étymologie européenne

    Aujourd'huGE couleurs.jpgi, c'était la fête de l'Europe et le ministre des Affaires étrangères et européennes en a mal parlé... Tout riquiqui ici et pas du tout ... On attendait du souffle, des pistes de projet, des propositions ambitieuses pour relancer la confiance en l'Europe des citoyens français.

    Economie : Oikos - Nomos

    L'Europe s'est construite sur l'intuition géniale que la mise en commun des ressources et l'élaboration d'un marché commun rendraient impossible les guerres fratricides et meurtrières des siècles passés. Et ça marche ! Enfin, ça a marché jusqu'à aujourd'hui...

    Mais voilà, l'Europe souffre des mêmes maux que toutes nos institutions détachées des citoyens, et elle cumule d'autres inconvénients : celui de servir de bouc-émissaire régulier pour justifier des politiques nationales rigoureuses ; celui de n'avoir pas, comme nos vieilles assemblées, une histoire longue et respectable ; celui enfin, d'être trop économique et donc, compromise par l'effroyable crise économique et financière que nous traversons...

     
  • Il n'y a pas de hasard

    stasi.jpgIl y a des événements dont la confrontation parfois, émeut, signifie et rassure...

     

    Demain matin 5 mai, mon amie, demandeuse d’asile, va donner naissance au fils dont elle n’a pas avorté en octobre lorsque je l’ai rencontrée. Elle a beaucoup hésité… Nous sommes allées ensemble à l’hôpital rencontrer un gynécologue incroyable : « Mais Madame, à trois mois, à une semaine de la limite légale, demander l’IVG, c’est pas possible ! Ca veut dire qu’il y a un problème… » Alors, on lui a tout raconté  : la grossesse découverte tardivement, la demande d'asile déboutée, l'absence d'hébergement, les nuits dans la voiture après la sortie du foyer, l’incertitude complète du lendemain, le désespoir, les précédentes grossesses rendues difficiles à cause des menaces en Russie. Elle ne voulait pas revivre ce stress avec un bébé dans le ventre, un bébé qui s’en porterait mal, c’était sûr… Mais c’est si dur d’avorter quand on a déjà vu le cœur de son enfant battre à l’échographie…


    La grossesse a été très très difficile : beaucoup de souffrances physiques, la tension très basse, la notification du refus d’annulation de l’OQTF en décembre (les voilà désormais arrêtables, expulsables…) et puis, la maladie du mari qui est revenue… Une dépression très lourde liée aux traumatismes de la vie d’avant, quand il faisait les marchés en Russie et qu’il a vu des gens se faire égorger sous ses yeux par les milices nationalistes russes… Il ne dort pas, il fait des cauchemars terribles, il ne veut plus parler à personne, il ne fait plus confiance à personne… Et manque par deux fois de commettre l’irréparrable ! Et puis une nouvelle expulsion il y a 3 semaines : il faut encore changer de lieu, de ville, de collège, d’école. Comme à la Toussaint ! Reprendre ses marques alors qu’on sait qu’on ne restera pas… La petite a fait partie des 4 élèves du collège qui ont reçu un prix d’excellence pour leur deuxième trimestre : brillante, modèle, impassible… Mais c’est déjà tellement dur de bien travailler quand on vit dans une telle incertitude et qu’on voit ses parents aller si mal : c’est fini, elle ne veut pas retourner dans un autre collège !


    Aujourd’hui 4 mai, la commission mixte paritaire constituée de 14 députés et sénateurs a adopté à 8 voix contre 6 le projet de loi sur l’immigration, objet d’un véritable feuilleton législatif depuis début 2010. Cette loi contient des dispositions critiquées par nombre d’associations oeuvrant aux côtés des demandeurs d’asile et des migrants. Elle laisse en effet à la discrétion du préfet la décision de maintenir un étranger malade en France si l’absence de traitement dans son pays d’origine n’est pas démontrée. Elle retarde l’intervention du juge des libertés, permettant une plus grande rapidité de décision du juge administratif en ce qui concerne l’exécution d’un placement en rétention et /ou d’une mesure d’expulsion. Enfin, elle interdit le retour dans l’Union Européenne jusqu’à 5 ans d’un étranger expulsé, ce qui est de nature à briser sa famille…


    L’accouchement de cette loi a été très très difficile : le conseil des ministres  en adopté le principe en mars 2010, on a vu que l’assemblée nationale était vraiment de droite quand il a été premièrement débattu en septembre de la même année puis adopté en mars dernier. Alors, on a écrit, on a milité, on a cru que le Sénat tiendrait ses promesses de février. Mais en avril, la menace s’est précisée sur les futures élections sénatoriales : le contexte est difficile pour la majorité, il y a moins de grands électeurs de droite après les cantonales. Le président fait de cette loi un point d’honneur : on resserre donc les rangs et on met son doigt sur la couture… en courbant bien l’échine et en écrasant ses principes sous son mouchoir…


    Ce matin Bernard Stasi est mort. Il avait prôné dans Tous Français, L’immigration, une chance pour la France pour une « éthique d’action et d’accueil s’appuyant sur des règles généreuses et fraternelles » Il ne l’a pas fait pour se démarquer, pour forcer le clivage, non par tiédeur ou par opportunisme politique, mais parce qu’il était convaincu que les valeurs de la France ne peuvent pas tolérer le rejet, le refus, le mépris de l’autre sous prétexte qu’il est étranger… Et même qu’on doit aller bien plus loin que la seule tolérance pour que l’intégration puisse réellement avoir lieu : "Oui, il y aura des minarets aux cotés des clochers de nos églises sur le paysage de nos campagnes. Et alors ?" « Chacun doit prendre conscience, vraiment, que la diversité est une chance inouïe. Cette prise de conscience doit se faire à tous les étages de nos sociétés, elle doit être universelle et adopté par tous. Faute de quoi, nous allons passer notre temps à nous épier, à nous provoquer… jusqu’au point de nous détester. Nous devons être des promoteurs de la paix dans le monde, des VRP porteurs de valeurs communes comme la morale et la raison, et des ouvriers œuvrant pour l’harmonie entre les peuples», déclarait-il encore avec constance en 2007 dans un entretien à la Nouvelle Tribune, alors que les problèmes posés par les « rebelles de l’intégration » semblaient bien plus préoccupants qu’en 1984. Lui, il n’a jamais changé !


    Ce soir, je voudrais lui offrir par la pensée cette naissance, et notre combat pour qu’elle ait lieu dans des conditions dignes. Un grand homme politique français disparaît, qui nous a laissé des valeurs et un engagement en héritage. Demain, un possible futur français vient au monde. Du disparu à l'à-venir, il y a l’espérance que nous résisterons collectivement aux sirènes mensongères de la peur de l'autre et que nous donnerons encore, en « bons français » que nous sommes, leur chance à ceux qui ont la réelle volonté de gagner, sinon la nationalité, à tout le moins le droit immuable de naître et de vivre en paix en France !  Et mieux, que nous leur donnerons la certitude qu'ils nous enrichissent, et que nous ne pouvions pas nous passer d'eux pour être nous-mêmes... C'est une prière ! De là-haut, Monsieur Stasi, vous pouvez la porter avec nous où il faut qu'elle le soit pour être exaucée ! Reposez en paix, mais, s'il vous plaît, ne cessez pas de nous insuffler les forces  nécessaires pour poursuivre le combat qui a été le vôtre !