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Citoyenne et Engagée! Le blog de Marie-Pierre Barrière-Lallement - Page 9

  • "Un monde nouveau a besoin d'une nouvelle politique"

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    Premier plateau de télé

    J'ai accompagné hier un jeune engagé démocrate, Florian Thiery, âgé de 23 ans, candidat à la candidature pour le MoDem aux prochaines cantonales de mars. Il avait été invité sur le plateau de France 3 pour l'émission La Voix est libre. Il s'est trouvé là, en présence de Florian Glay, jeune socialiste de 18 ans et de Romain Desanlis, jeune populaire de 24 ans, tous deux candidats déclarés aux prochaines cantonales, l'un sur un canton ardennais, l'autre sur un canton marnais.

    L'engagement des jeunes en politique...

    La journaliste a insisté d'entrée de jeu d'interview sur la jeunesse de nos trois candidats (c'était le thème de l'émission!) et leur a évidemment demandé, non sans avoir lancé préalablement l'enregistrement d'un micro-trottoir dans lequel on entendait des jeunes dire pis que pendre de la politique et s'esclaffer parfois bruyamment à l'idée de pouvoir se présenter à une élection, s'ils pensaient que les jeunes devaient s'intéresser à la politique et pourquoi. J'avoue que les réponses à cette question de nos trois candidats ne m'ont pas franchement marquée. Bon, c'était le début de l'émission, il fallait se mettre en voix, et puis la question n'était pas ouverte et ne favorisait pas le témoignage personnel... Alors, ils se sont contentés de commenter ce qu'ils venaient de voir.

    Ensuite, il a fallu enchaîner avec : "Et vous, suivrez-vous l'exemple de vos aînés?" Non, bien sûr, ils veulent faire de la politique autrement car on ne peut plus faire comme avant. Ils sont pour le non-cumul bien sûr, et disent qu'il faut les élire parce qu'ils sont jeunes et connaissent bien les problèmes des jeunes...

    ... c'était presque ça !

    Et puis, après ces déclarations de principe sur le "faire autrement", on est entré dans une espèce de parodie hallucinante des meilleurs débats télévisés des soirs de prime time: Florian Glay, interpellant avec aplomb le candidat de droite et lui demandant des comptes sur la gestion catastrophique de la majorité présidentielle et départementale. Le candidat de droite rétorquant sans moins d'aplomb que la politique menée était la bonne, qu'elle était courageuse et volontariste. Et Florian Thiery au milieu qui comptait les points... sans trop savoir comment prendre sa part dans les estoquades qu'on se portait de droite à gauche et de gauche à droite. De ce point de vue d'ailleurs, le plateau favorisait la caricature car le placement des invités reproduisait leur situation sur l'échiquier, favorisant du coup l'affrontement. On a cité ici ou là quelques chiffres montrant qu'on avait bien travaillé ses dossiers, on a évidemment ramené plus l'élection cantonale aux enjeux nationaux à gauche qu'à droite... Tout le monde était d'accord que le téléthon, c'était génial car il y a des bénévoles qui se donnent... Le candidat de gauche en a assez des cadeaux aux riches et le candidat de droite veut rendre le territoire plus attractif pour faire venir des entreprises...

    Et dans cette sorte de grand oral duquel tout le monde est sorti en se serrant la main et en disant: "Ouf, c'est fait, et ça s'est pas trop mal passé" on n'a parlé ni de projet concret, ni de développement durable, ni de valeurs, ni d'envie, ni de volonté de changement profond, ni de participation, ni de la société civile, ni de conviction. Et notre Florian n'a pas réussi, hélas, à dire en conclusion qu'il suffisait d'avoir regardé cette émission pour comprendre que les jeunes pop et ceux du MJS n'ont au final pas la moindre envie de changer quoi que ce soit à la politique de leurs aînés, qu'ils se contentent de réciter (avec plus ou moins d'à propos ou d'aplomb, les uns avec assurance et hauteur, les autres avec fougue et éclat) la parole qu'on leur distille d'en haut, et qu'ils n'ont pas plus à proposer que ceux qui les  managent (car je crains qu'on ne puisse utiliser le verbe "enseigner" pour qualifier le type de transmission qui s'effectue là). Hélas, il ne l'a pas dit, hélas, il n'a pas su s'affirmer davantage. Au moins n'aura-t-il pas fait le jeu de ces pseudo-rivalités de théâtre en carton pâte...

    Comment faire ?

    Nous devons travailler plus que les autres notre communication car notre message est complexe et ne peut se contenter de la caricature, nous devons travailler deux fois plus aussi parce qu'il faut comprendre ce que l'un et l'autre de la droite et de la gauche proposent pour comparer, retenir ce qui nous convient et nourrir un projet alternatif. Alors, il faudra s'entraîner davantage et se montrer sans doute plus offensif dans ce contexte social qui favorise le rapport de force.

    Mais pitié, soyons de ceux qui élèvent le débat et qui ne désespèrent pas la pensée... Florian Thiery est un jeune épatant qui a un profil associatif et des convictions profondes. Il n'a pas pu se mettre en avant sur ce plateau pour des raisons qui tiennent au formatage de l'émission, aux habitudes de ses concurrents et à son inexpérience.

    Mais restons convaincus que connaître les dossiers sur le plan technique ne suffit plus aujourd'hui, que l'espoir ne se bâtit pas avec des chiffres, et que la pensée politique est moribonde du fait que le heurt des "éléments de langage" tient lieu aujourd'hui de ce qu'on nommait autrefois disputatio.

    Et pour aller où ?

    On en vient alors à la question du sens... "Nous nous interrogeons sur le sens de l'action politique mais nous entendons par là ses buts et ses fins, et nous n'appelons cela sens que parce que nous ne croyons absolument plus en un sens, à strictement parler. Compte tenu de ce manque d'expérience, nous avons tendance à faire coïncider les différents éléments possibles de l'action, et à croire qu'une différence comme celle du but et de la fin, du principe et du sens, revient à couper les cheveux en quatre." Hannah Arendt, Qu'est-ce que la politique, Points Seuil (p.182)

    La distinction des buts, des fins, des principes et du sens devrait être constitutive de la formation politique d'une jeune engagé, quel que soit son parti. Le vernis qui recouvre l'absence de distinction ne parvient pas à cacher en effet ce qu'Hannah Arendt nomme plus loin "le désert", "la perte croissante du monde" à laquelle d'emblée ces jeunes affirment vouloir échapper, mais leur discours et leur posture tendent à prouver au contraire qu'il s'y complaisent en définitive, handicapant au final les deux facultés essentielles qui permettent patiemment de "transformer le désert: la faculté de pâtir et la faculté d'agir."

    En off, l'un d'eux n'a-t-il pas reconnu qu'on ne donnait aux jeunes candidats que des cantons ingagnables?

  • La TVA Sociale est–elle souhaitable ?

    P1030865.JPGCompte-rendu de la plénière du samedi 27 novembre 2010 (Forum Démocrate)


    Nous recevions samedi 27 novembre à Châlons-en-Champagne dans le cadre de notre Forum Démocrate pour la Champagne-Ardenne, M. Jacques de Saint-Gilles, industriel régional, président du conseil de surveillance du groupe DEFTA et du pôle d’excellence automobile, qui a été plusieurs fois récompensé comme meilleur entrepreneur régional. Il nous a présenté un argumentaire très complet sur la TVA sociale dont sont résumées ici les grandes lignes.


    Imaginée par Maurice Allais, seul prix Nobel français d’économie en 1943, la TVA sociale a du mal à retenir l’intérêt des pouvoirs publics car elle est mal comprise. Autour de cette idée, ont circulé un certain nombre d’erreurs. Au premier rang de celles-ci, celle de la baisse du pouvoir d’achat engendré par une telle taxe. On a très vite enterré une idée porteuse d’un mauvais titre, voilà pourquoi il faut changer son nom et sa présentation.


    Défendre nos acquis sociaux

    Nous partons d’un constat : depuis la guerre, nous avons mis en place des acquis sociaux qui nous coûtent cher. Malgré la difficulté de les maintenir, il ne s’agit aucunement de les remettre en cause car ils sont le fruit d’un choix politique. Mais les coûts sociaux sont élevés et pour les financer, on a opté jusqu’ici pour une fiscalité sur les entreprises très élevée. La France fiscalise les entreprises à hauteur de 18% du revenu, il s’agit de l’un des plus forts taux du monde, le deuxième après la Norvège ; c’est aussi le double de la moyenne de nos concurrents directs. Ce mode de prélèvement est inégalitaire. Fondé sur la taxation des salaires, il ponctionne les entreprises françaises de production qui ont aussi des frais de conception, recherche et développement, à hauteur de 30%, tandis que les entreprises de produits chinois sont taxées seulement à 2% !


    Accroître la conscience citoyenne des mécanismes de l’économie

    Or, le comportement du client compte beaucoup, sans qu’il en ait toujours conscience. L’acte d’achat, c’est aussi le choix d’une entreprise. Quand les salariés manifestent pour la défense du modèle social et que le soir, ils courent au supermarché remplir leur caddie de produits fabriqués en Chine, sont-ils conscients du paradoxe ? On assiste à des débats sémantiques hallucinants sur le fait de savoir si le supplément de charges doit être imputé au patron ou au salarié. De toute façon, c’est le client qui paye! Le client qui achète, c’est de la production en plus, donc de l’emploi, donc du pouvoir d’achat, donc de la consommation, donc des recettes fiscales ! Le problème de compétitivité des entreprises, c’est moins de clients, moins de production. Les usines ne tournent pas, ne sont pas viables, elles délocalisent, elles ferment en donnant parfois 100 000 euros à chaque salarié licencié pour que ça se passe dans le calme… Et cela continue ainsi parce que le seul élément de l’entreprise dont on parle dans les lycées et collèges, c’est l’aspect social et pas l’aspect économique.


    Changer la fiscalité dans un monde qui a changé

    Il faut donner l’envie aux entreprises de produire en France de façon compétitive. Le cours d’un produit aujourd’hui est mondial, il n’y a plus de marchés régionaux. Or, les règles du jeu ne sont pas les mêmes partout, il faut en tenir compte !
    Le principe de la TVA sociale repose sur la taxation non de la production, mais de la consommation. Il ne s’agit pas d’imposer plus mais d’imposer différemment, sur une assiette différente. La TVA est déjà élevée, c’est une taxe mal vue. Mais il faut retirer ailleurs ce qu’on ajoute. La TVA peut être modulée, c’est un impôt intelligent, universel, qui peut rapporter beaucoup.
    Les règles fiscales doivent en effet être utilisées pour favoriser des comportements vertueux. Il est normal par exemple de taxer davantage ceux qui polluent davantage. Les entreprises chinoises par exemple polluent énormément. La taxe carbone aurait dû remplacer la taxe professionnelle pour inciter à des comportements vertueux en matière environnementale. Si les salariés poussent l’entreprise, c’est parce que leur intérêt rejoint celui de l’entreprise : il faut donc trouver des stimuli de comportements qui poussent tout le monde dans le même sens.


    Et si on l’appelait CAFAS et non pas TVA sociale ?

    CAFAS, ça veut dire : Contribution Autonome pour le Financement des Acquis Sociaux
    L’Etat c’est nous ! Or, puisque le prix de leurs produits est taxé, on fait payer à nos clients étrangers à l’exportation des services desquels ils ne disposent pas. Par contre, les importations ont une influence sur le chômage et ne participent pas à l’effort français… Ceux qui provoquent, on ne leur demande rien! Voilà pourquoi, on nous appelle « pays passoire » : on laisse tout rentrer, cela crée des déséquilibres par rapport à nos concurrents étrangers. Il faut rétablir de l’équité dans nos échanges et faire de la pédagogie. Avec 3 mn de pédagogie sur les ondes chaque soir sur un temps long, les allemands ont fait passer sans heurts leur réforme du système des retraites…


    Les conséquences de la CAFAS

    Les produits français seront moins chers à l’exportation donc plus compétitifs, mais en France, ils conservent leur niveau de prix actuel : le pouvoir d’achat ne baisse pas ! En revanche, les produits étrangers voient leurs tarifs majorés de la CAFAS, ils deviennent donc moins compétitifs. Cette taxation n’aura pas beaucoup d’impact sur les produits de base car les produits chinois ne seront majorés que d’un ou deux euros… Mais on rééquilibrera la compétitivité des produits français.


    La masse salariale des entreprises diminue de moitié : se monte à 12,5%. Vont-elles en profiter pour augmenter leurs marges ? Dans les grands groupes probablement ! Mais les autres répercuteront la baisse sur le prix qui diminuera de 12 à 15%, rendant l’entreprise plus compétitive. La productivité est en réalité le vrai problème : presque une utopie aujourd’hui, c’est son déficit qui entraîne les licenciements. Autres conséquences sur la politique salariale de l’entreprise : les personnels moins qualifiés peuvent trouver du travail, les investissements de productivité doivent être deux fois plus productifs pour être amortis par la suppression d’emplois et la création d’emplois devient possible… La compétitivité accrue fait repartir l’activité et la réduction du coût de l’emploi favorise le dynamisme de l’entreprise.


    Cette mesure doit s’appliquer à l’échelon européen. Elle donnera la capacité de comparer les performances des différents pays par le rendement du taux de CAFAS adopté, face à la politique sociale du pays. On pourrait ainsi noter les différents gouvernements sur leur gestion et modéliser.


    Pour en savoir plus :
    Une interview de Bertrand de Kermel très pédagogique sur le sujet

    http://www.chretiensenpolitique.eu/La-Tva-sociale-Pourquoi-Comment_a667.html

    Une tribune exhaustive sur le Post présentant les réponses aux contre-arguments

    http://www.lepost.fr/article/2010/10/24/2279861_tva-sociale-ou-de-relocalisation-pour-ou-contre.html

  • Du lien entre le politique et l'associatif et de la jambe de bois...

    balai.jpgJ'entends des choses qui m'ulcèrent.

    Chez les associatifs, la méfiance à l'égard du politique est de mise.

    "- Ben c'est à dire qu'avant qu'il soit élu, on le voyait à nos réunions..."

    "- Ouais, on voit bien, vous venez là (dans l'asso) pour nous prêcher la bonne parole!"

     

    Chez les politiques, le suplomb à l'égard de l'associatif est de rigueur.

    "- Tu prèfères quoi? Mettre des cataplasmes sur une jambe de bois ou te placer là où les choses se décident?"

     

    Et bien, NON! Je ne suis pas associative ni pour faire de l'entrisme, ni pour me faire élire. Je n'ai rien à vendre que de l'énergie à revendre pour des causes qui me paraissent justes à défendre, et j'ai besoin de l'expertise associative.

     

    Et OUI, je suis politique pour me faire élire en portant ces causes militantes que les associations défendent, pour me placer là où les choses se décident pour que leurs causes avancent.

     

    Mais je suis convaincue que la décision et l'action militante sont indissociables: parce qu'on ne peut pas bien décider si on n'a pas d'empathie raisonnée. En d'autres termes, pour moi la jambe n'est pas de bois.

    Et je crois que les valeurs (repères, boussoles, caps) qui orientent la décision ne peuvent se passer d'altruisme, et que l'altruisme ne peut s'incarner que dans l'action qui est don de soi.

     

    En résumé, je veux être une bonne politique et je ne peux donc pas me priver de l'action militante.

    Le problème, c'est que le militantisme associatif de terrain me prend beaucoup de temps (l'empathie, ça fatigue!) et que c'est du temps dont je manque forcément pour m'exercer aux stratégies politiciennes d'appareil... qui elles-mêmes prennent beaucoup de temps... Mieux vaut être outillé là d'ailleurs, en jambe et autres appendices du même bois...

     

    Cherchez l'erreur...

     

    Conclusion:

    Vous y avez cru?

    Et bien non, je ne jette pas l'éponge, ni de l'un ni de l'autre!

     

    Ma seule conclusion est la suivante: la politique gagnera en éthique le jour où le politique ne fera pas que siéger dans les conseils d'administration des associations, juste pour les AG... et pour les élections territoriales suivantes...

     

    PS:

    Je tiens çà de mon père: on me raconte souvent qu'à la fin des réunions de bureau politique arrosées, (je veux dire: avec apéro (Oui, oui, vous lisez bien...) du temps où ça existait encore chez nous!) c'était lui qui passait le balai. Il était multimandaté, un gros élu local, vous voyez, mais il passait le balai: sa jambe de bois à lui... (Pardon Papa :-))

     

    Le service de l'autre, d'abord!

  • Le samedi, c'est économie!

    visuels-2-8db16.jpgL'économie me barbait sérieux au lycée. Je n'en ai fait qu'en seconde!  Comme je me savais vouée aux Lettres, il était exclu que la vénalité du cours d'éco puisse satisfaire mes besoins d'idéal...

    Aujourd'hui, j'ai donc un retard considérable en la matière et, je cours après le temps qui passe pour tenter de percer les mystères d'une science essentielle à qui veut influer un tant soit peu sur les règles du jeu politique.

    Cela fait deux samedi de suite que je me penche sur des questions de macro-économie, bien introduite dans le sujet le 5 octobre dernier par l'excellente conférence sur la dette d'Emmanuel Molinatti, notre expert en sujets éco du MoDem Marne.

    La nationalisation des banques

    La semaine dernière, j'ai écouté et lu Fédéric Lordon qui veut nationaliser les banques car il pense qu'on  y gagnera un meilleur contrôle et une meilleure coordination du secteur bancaire, empêchée aujourd'hui par la concurrence. La nationalisation permettrait de rouvrir de façon concertée les robinets du crédit et de relancer la consommation. Les banques, en effet, sont dépositaires du bien commun que constituent nos économies et avec lequel elles n'hésitent pas à prendre quelques libertés, menaçant même de sanctions au cas où on voudrait de trop près les contrôler... Comme la coordination est interdite en économie de marché, pas d'autre choix selon lui que de nationaliser pour se réapproprier un bien qui a cessé d'être commun par le jeu de la concurrence.

    Pour lui, la question est de savoir si on attend le cataclysme lié à l'exercice d'ajustement budgétaire pour y aller. Si on laisse les banques faire faillite, les actionnaires perdent tout, d'accord ; mais si l'Etat nationalise et saisit, les actionnaires perdent tout mais nous, on reste en vie... Ca aggravera la dette (puisqu'il y aura déflation), oui, mais on s'en moquera puisqu'on arrêtera de payer. Evidemment, Bruxelles risque de faire des bonds, mais Lordon n'en parle pas.

    Nous changeons de modèle, en fait : nous refermons une époque  dont la caractéristique majeure est le surendettement généralisé, pour les ménages, les banques, les Etats. Ce surendettement, syndrome le plus caractéristique de la configuration néolibérale du capitalisme, est l'expression de la contradiction entre une politique massive de dérèglementation-défiscalisation et les rigidités des dépenses publiques de l'Etat social. En clair, il faut se demander ce que nous voulons sauver: les possédants ou l'Etat social? Pour Lordon, la réponse est évidente, la nationalisation du secteur bancaire permet de sauver l'Etat social. Retour aux vieilles recettes contraignantes ou planche de salut pour un autre modèle économique ? Quid de Bruxelles dans ce schéma national ?

    Le point de fusion des retraites

    Financiarisation

    Lordon dévoile aussi dans un autre article les soubassements  de la réforme des retraites, qui, pour lui, n'est rien d'autre qu'une entreprise concertée et néanmoins silencieuse de sape de la répartition, de promotion de la retraite par capitalisation, et par conséquent de renforcement de la financiarisation de l'économie. L'objectif est, selon lui, à terme d'empêcher la régulation de la finance par le fait que le salarié qui cotise est aussi celui qui perçoit, et que sa situation d'actionnaire sera un alibi imparable pour justifier qu'on ne régule pas le système, puisque le capitalisant-épargnant en serait le perdant... Il s'agit d'un piège tout à fait pervers qui tend à gommer la séparation du capital et du travail, désormais totalement interdépendants.

    Agences de notation

    Dans une autre vidéo qu'un ami m'a partagée, on entend Pierre Marodon expliquer que la réforme des retraites, très mal faite, reposant sur des réponses partielles et à court terme, n'a pour seul objectif que de rassurer les agences de notation. La précipitation avec laquelle cette réforme a été conçue est le signe qu'elle est intimement liée au devenir des finances publiques et de la dette : la réforme est le gage que la France s'attache à remplir les critères de Maastricht en terme de réduction des déficits publics pour pouvoir maintenir la fameuse note AAA afin que des créanciers scrupuleux continuent à financer notre dette à des taux raisonnables. S'il fallait encore prouver qu'on vivait au coeur de systèmes complexes...

    Mais au fait, les agences de notation, ce ne sont pas celles-là même qui ont produit la crise des subprimes en notant AAA et BBB des titres véreux de chez véreux? :-O

    Et nous dans tout ça?

    Impuissance

    - Ce n'est pas le citoyen qui peut prendre la décision de la nationalisation de sa banque.  Et puis, on n'en est pas encore là : peut-être qu'avant ça, on pourrait déjà imaginer de séparer les banques de dépôts et les banques d'affaires, revenant ainsi sur une des plus belles erreurs d'un gouvernement socialiste qui les avait fusionnées en 84. Mais c'est très technique et ça regarde ceux qui ont le temps de bosser les dossiers, les spécialistes des finances publiques.

    Mensonge

    - Et nous ne savions pas qu'on nous vendait la réforme des retraites selon des arguments  de bon sens (du style "de toute façon, on y peut rien, c'est comme ça: travailler plus parce qu'on vit plus longtemps") destinés en fait à montrer à Moody's (nom d'une agence de notation) qu'on faisait tout pour comprimer les dépenses publiques..

    Nous sommes en réalité trop souvent placés (maintenus) entre l'impuissance et la crédulité...

    Mais, concrètement, on peut faire deux choses pour que le système change et cesse de nous broyer, ainsi que nos frères humains qui vivent sous le seuil de pauvreté et dans des conditions effroyables en France et partout dans le monde:

    - Encourager la métamorphose nécessaire de l'économie financière en un modèle plus humain et plus juste d'économie.

    A notre mesure, nous pouvons agir, et la semaine de la finance solidaire qui vient de s'achever nous le rappelle. Souscrire un fonds de placement solidaire pour soutenir le micro-crédit ou la coopérative de production dans les pays en voie de développement, c'est aussi signifier à sa banque qu'on veut  exercer un contrôle plus important, en tant que citoyen, sur l'utilisation qu'elle fait de notre argent.

    - S'informer et être attentif aux campagnes citoyennes dont le but est d'encourager à la moralisation  du capitalisme.

    J'en ai découvert une belle ce soir, qui me fait moins désespérer de ne rien comprendre à l'économie du monde comme il va. Ce genre de campagne pétitionnaire peut donner l'impression d'une certaine vanité. Cependant, le fait de signer indique qu'on s'est informés, qu'on a pris le temps de chercher l'info et de mieux connaître les organismes internationaux qui exercent un lobbying sain sur les institutions  européennes et internationales. Et puis, de gouttes d'eau en gouttes d'eau...

    Ici, 100 000 signatures pour réclamer un meilleur encadrement de l'exercice de la RSE (responsabilté sociale et environnementale) des entreprises à la commission européenne ; là, une carte postale pour revendiquer auprès du G20 la nécessité de contrôler les paradis fiscaux.

    Et petit à petit, de signature en soutien de causes, d'un citoyen éveillé (même si à la base il est nul en économie ;-)) à un autre qui le lit ou qui l'entend, de la préoccupation du bien commun placée au-dessus de l'intérêt particulier, "à partir de cela, s’esquissent les deux grandes finalités éthico-politiques du nouveau millénaire : établir une relation de contrôle mutuel entre la société et les individus par la démocratie, accomplir l’Humanité comme communauté planétaire." extrait du Manifeste pour la métamorphose du monde

    Oui, bien sûr qu'il y a des raisons d'espérer! Mais ne les cherchons certainement pas ailleurs qu'en nous-mêmes...

  • INVITATION AU FORUM DEMOCRATE

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    JOURNEE DE FORMATION ET DE REFLEXION POLITIQUES

     Forum ouvert à tous ceux qui partagent les valeurs centristes.

     

     

    LE SAMEDI 27 NOVEMBRE 2010, de 9h à 18h30 

     Salle Valmy à Châlons-en-Champagne

     

    Au programme durant cette journée, en séance plénière ou en ateliers :

    - LA TVA SOCIALE EST-ELLE SOUHAITABLE?

    Avec Jacques de SAINT GILLES, Président du Conseil de Surveillance du groupe industriel DEFTA et du pôle d'excellence automobile de Champagne Ardenne

    - LA REFORME DES COLLECTIVITES TERRITORIALES : UNE SOLUTION AU MILLEFEUILLE ADMINISTRATIF?

    Avec Yves DETRAIGNE, Sénateur Maire de la Marne, Président de l’Association des Maires de la Marne.

    - QUEL AVENIR POUR NOTRE AGRICULTURE?

    Avec notamment Marc FESNEAU, Secrétaire général du MoDem, membre du Shadow Cabinet en charge de l’Agriculture, Jean Marie PROTIN, agriculteur, Matthieu BALLU agriculteur biologique, Eve MOREAU, coordinatrice de la Fédération Régionale pour l’Agriculture.

    - LES LOIS BESSON ET L'IMMIGRATION: AJOUT DE MESURES TECHNIQUES OU REDUCTION DES DROITS DES MIGRANTS?

    Avec Geneviève DEGLAIRE et Anne-Marie HAMEL, membres de la CIMADE et François GAUDART, fondateur des Cercles de silence à Reims.

       
    - APRES LA REFORME DES RETRAITES, COMMENT RECONSTRUIRE LE DIALOGUE SOCIAL?

    Avec Marcel BOITEL, secrétaire régional de la CFDT, Erick DOUEZ, président de l’Union départementale CFTC, Raynald DUTOT, secrétaire général de l’UNSA

    Et, pour les militants et sympathisants du MoDem :

    - PREPARER LES ELECTIONS CANTONALES : les compétences du Conseil général, organiser et mener une campagne pour les élections cantonales.

    Avec notamment Jean Marie BEAUPUY, Conseiller municipal de Reims, ancien député européen, ancien Vice-président du Conseil général de la Marne,  Jean LIPP, Conseiller général de Haute-Marne.


    - Un échange sera organisé en clôture de journée autour de Marc Fesneau.

     

    Inscription à l’adresse modemmarne@yahoo.fr

    Frais d’inscription       

           A la journée et au repas : 15€

           Aux sessions plénières et ateliers seulement : 5€

           Au repas seulement :15€

  • Marie-Aude Bur et la passion d’entreprendre : visite de l’entreprise Transmatik à Bezannes le 2 novembre 2010

    transmatik.jpgDans sa volonté d’aller à la rencontre des acteurs économiques du territoire, le Mouvement Démocrate de la Marne a proposé à ses adhérents de participer à une visite de l’entreprise Transmatik à Bezannes. Cette visite a eu lieu mardi 2 novembre et elle a permis d’évoquer avec Marie-Aude Bur, créatrice en 2004 de cette entreprise spécialisée dans la relocalisation de vérins, le développement économique de la région et les ressorts nécessaires à la pérennisation d’une activité industrielle dans la Marne.

    Aujourd’hui, Transmatik, c’est 38 000 euros de capital, 1 million d’euros de chiffre d’affaires. Mais il n’en a pas toujours été ainsi, et Marie-Aude Bur aime à répéter que si c’était à refaire, elle ne le referait pas. « Parce qu’on ne peut pas faire de l’industrie avec 8000 euros ! »  et que, quand on n’a pas d’argent, cela rend les choses très compliquées.

    Mais en 2004, elle ne s’est pas posé la question des complications possibles. Cette ancienne directrice commerciale, animée d’un fort désir d’entreprendre, s’est lancée, suivant son intuition dans la fabrication industrielle de vérins. Quand on lui demande si elle aurait pu fabriquer et commercialiser autre chose, elle répond que non : « Le vérin, ça ne me faisait pas peur, je connaissais le produit. »

    La politique économique régionale peut aider les créateurs d’entreprise, mais Transmatik n’était pas demandeur. La demande d’aide a été effectuée au niveau du FEDER. M.A. Bur, ayant été présidente du centre des Jeunes dirigeants, elle maîtrisait les rouages de la procédure de constitution de dossier et des portes auxquelles on pouvait frapper.

    Il faut aller chercher l’info, rencontrer les gens, sortir de chez soi, s’entraider, travailler en réseaux. « Un entrepreneur ne peut pas rester tout seul dans son coin. » Une démarche volontariste porte ses fruits, mais il est vrai que l’aspect administratif du montage de dossier peut parfois rebuter, surtout quand le dossier est refusé après le temps infini qu’on a mis à le monter…

    Les aides régionales comptent, bien évidemment, pour M.A. Bur qui a bénéficié d’un prêt à taux zéro pour un achat de machine dans le cadre du plan de diversification industrielle (OSEO). « Les politiques ont pris conscience que les délocalisations étaient un réel problème et ils encouragent l’innovation, mais il faudrait aussi aider à la production de produits basiques près de chez soi. »

    Les TPE – PME représentent un fort potentiel de développement, selon elle, et le travail en réseau serait profitable, notamment pour soutenir les grosses entreprises familiales afin qu’elles puissent développer leur marché à l’export. Elle-même a noué récemment un partenariat commercial en free label avec un fabricant italien afin de l’aider à écouler sa production, dont la commercialisation était pénalisée par le monopole des grandes enseignes. « Il fabrique les pièces et je les monte. Cela nous permet une grande réactivité pour les livraisons, et un accès à une gamme plus élevée pour les clients qui commandent des pièces. »

    Mais la région manque d’un bassin industriel et les frais de port du coup, sont plus chers. Le risque plaît à M.A. Bur qui évoque la conjoncture récente: « La crise a été formatrice, elle a permis de remettre les pendules à l’heure. Nous avons perdu 30% de notre chiffre d’affaires, et nous avons dû réduire de 50% nos charges, ce qui nous a poussés à faire des économies. » L’entreprise n’a plus de véhicules, les transporteurs prennent moins l’autoroute et des salariés sont partis pour des raisons personnelles : nous ne les avons pas remplacés. Les effectifs sont passés de 7 à 4.

    Elle a déjà pu embaucher plusieurs stagiaires formés par ses soins. Le partenariat qu’elle a noué avec le Lycée privé St Jean-Baptiste de la Salle par exemple est très profitable. Elle vient d’ailleurs de faire acte de candidature pour entrer au conseil d’administration de l’établissement tant elle aime leur façon innovante d’appréhender la vie professionnelle. « Les stagiaires, habituellement, ne sont pas tellement encouragés par leurs formateurs à postuler dans les petites entreprises car on pense qu’ils ne pourront pas pratiquer de management. Alors qu’on peut tout faire ici ! »

    Elle a toujours été militante, plutôt de gauche : UNEF, MJS. Il lui faut du concret. Autrefois membre du bureau régional de l’UIMM, elle a été récemment sollicitée pour figurer sur une liste aux élections de novembre pour la présidence de la CRCI.

    Etre chef d’une petite entreprise industrielle aujourd’hui, ça peut faire peur : peur d’un dépôt de bilan pour une erreur de jugement. « Il y a des engagements à tenir vis-à-vis des salariés, une équipe fidèle qu’on veut pouvoir faire vivre, alors il y a des mois où on ne se paye pas ! Il faut tout réinvestir tout le temps. »

    Des journées qui commencent à 5h et s’achèvent à 22h, c’est la condition pour tenir l’engagement de rendre la société pérenne. Les gens qui y travaillent doivent s’y sentir bien pour avoir envie d’y rester. Et en faisant le tour des machines impressionnantes de l’atelier, on a bien l’impression que la confiance règne dans les relations entre la patronne et ses salariés. « Il m’est arrivé de trop déléguer à un jeune qui n’a pas réussi à faire le travail. Je n’ai pas pu me fâcher, c’était de ma faute. Je n’ai pas vérifié que je pouvais déléguer… »

    Volontarisme, réalisme, passion et créativité sont les mots qui caractérisent le mieux cette femme chef d’entreprise qui déclare s’amuser beaucoup de son statut quasi unique d’industrielle femme sur la place. Cette militante ne vote peut-être pas au centre, en tout cas, elle est persuadée que la mutualisation, le partage de connaissances et les partenariats larges avec des acteurs variés, tels que les lycées professionnels ou les syndicats patronaux, sont une clé de la réussite entrepreneuriale. « Mais il ne faut jamais choisir les solutions les plus faciles ou confortables, ce sont les plus trompeuses ! »

    C’est bien noté !

     

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    Merci à Marie-Aude Bur de nous avoir reçus. Nous avons beaucoup appris en l'entendant parler car elle sait transmettre la passion d'entreprendre qui l'anime. 


    Prochaine rencontre prévue avec une entreprise du secteur de l’Economie Sociale et Solidaire dans le cadre du mois de l’ESS

     

  • VIVRE ENSEMBLE OU SEPARES DANS LA SOCIETE FRANCAISE

    universite-rentree-pt.jpgJe mets en ligne mon compte-rendu de cette table ronde qui réunissait samedi 25 septembre, lors des Universités de rentrée du MoDem des représentants de diverses familles de pensée autour de la question du vivre-ensemble, de la tolérance et de la laïcité.

    François Bayrou : Comment quelqu’un qui est enraciné voit l’évolution du monde, de la société, de la communauté nationale ? Qu’est-ce que vous notez comme changements, redoutez comme crispations ?

    Frédérique LEICHTER-FLACK : commence par une anecdote talmudique : un païen vient trouver un maître talmudique pour savoir s’il peut lui enseigner la Torah tandis qu’il se tient sur un pied. Les rites sont des supports d’éthique, le judaïsme est fondé sur le souci de l’autre. La réponse que lui fait le maître est : « Va maintenant et étudie », autrement dit, une fois qu’on sait l’essentiel, on ne sait rien, on n’est pas armé pour affronter la vie sociale et ses difficultés. Etude pour le judaïsme : celle du Talmud, articulation du général et du particulier. Comment appliquer les grands principes sur des situations concrètes ?

    Le plus difficile, ce n’est pas de se mettre d’accord sur les grands principes mais sur la manière de les appliquer. Nous parlons le même langage mais nous ne savons pas nous mettre d’accord sur ce que nous voulons. La liberté, l’égalité sont des notions devenues floues. Des questions concrètes accrochent le vivre-ensemble. Il y a un problème d’équilibre entre la liberté d’expression et les atteintes à la liberté, les droits de l’homme n’ont jamais été autant à la fois revendiqués et bafoués. On parle tous le même langage et on s’entend moins. Il y a un durcissement des contradictions en France, une crise du concept de laïcité, mobilisé au service de l’intégration alors que jusqu’ici la laïcité avait bien fonctionné, constituant un réseau de valeurs tissant du lien civique.

    Aujourd’hui, ce qu’on observe : tentation du multiculturalisme, simple coexistence, lobbys d’influences, perte de l’universel, risque d’être assigné, et caricature de laïcité, racisme occidental qui ne dit pas son nom, catholaïcité uniformisante et antireligieuse.

    Entre les juifs et la laïcité : longue histoire d’amour. Les juifs sont historiquement à l’aise dans la laïcité. La France garantit la liberté de culte mais le plus dur était déjà exigé avant. Clermont Tonnerre / Napoléon : repli forcé de la religion dans l’espace intime. Les juifs n’ont aucun problème avec le contrat républicain (humanisme, universalisme) Il a une tradition juive, principe talmudique : la loi du pays d’accueil est la loi. C’est l’art de rester soi-même sans rendre son particularisme trop visible (port de la perruque, la casquette) : indifférenciation et obéissance.

    Eléments de crise : malentendus liés aux accusations de communautarisme quand les juifs se réunissent. Le communautaire : fidélité plurielle superposable, est différent du communautarisme : chemin de l’universel barré. Dans le communautaire, les acquis éthiques sont tournés vers l’universel (accepte l’universel sans réduire au même) Les traditions de pensée ont des différences à ne pas réduire. Les rites sont des chemins d’accès à l’universel.

    On a pu dire que les juifs étaient des modèles d’intégration réussies (les fous de la République). Ils ne sont pas confrontés à la tentation de l’entre-soi mais ont besoin de signes de confiance mutuelle. Il y a eu un traumatisme lors de l’hiver 2001-2002 : antisémitisme. Or, le traitement politique a été par le déni, l’indifférence. Sentiment de la trahison par la République Française. On nous rejouait l’accusation de double allégeance. La condamnation de l’Etat d’Israël devenait un brevet de citoyenneté française. Il y a eu des manifestations juives sous le chant de la marseillaise, au cri de slogans républicains.

    Dans la communication autour de la loi sur le voile également, on a abusé de l’exemple de la kipa qui ne pose pas du tout les mêmes problèmes. Débat piégé car le référent juif est mentionné quand il n’est pas en cause, pour ne pas être taxé d’islamophobie. Polémique sur l’abattage rituel par exemple.
    La référence au judaïsme pouvait aider à clarifier ce qui relève de la laïcité, des droits de l’homme, de la femme, de l’enfant, visibilité, refus d’intégration. Pb d’amalgame entre ces différents sujets.
    Les juifs sont des défenseurs de la laïcité, partants pour défendre la tolérance. La République n’est pas menacée par la pratique religieuse. Regain du piétisme n’est pas de l’intégrisme. Laïcité doit examiner son vieux fond d’anticléricalisme, ne pas se laisser aller aux amalgames, ne pas considérer toute appartenance religieuse comme une atteinte à la laïcité.

    Laïcité : coexistence mutuelle régissant le partage de l’espace public. Principe talmudique : étudier vraiment comment ça s’applique pour ne pas se détourner de l’essentiel.

    Père Laurent LEMOINE : Les catholiques sont variés dans leurs positionnements, dans leur appartenance à leur Eglise, dans le lien à la société dans laquelle ils sont insérés. Il y a aujourd’hui une mutation du fait religieux, un retour du spirituel ou du religieux imprévu. On le sent comme un retour du piétisme, comme un retour de l’irrationnel, possiblement du fanatisme.

    On le prend soit pour du néo piétisme qui s’accommode assez mal du travail de la raison, soit pour de l’intégrisme qui engendre violence et conflits.

    Il y a de nouvelles formes communautaristes ou communautariennes, des difficultés assez nouvelles, inquiétantes de dialoguer de communauté à communauté alors que la laïcité devrait le permettre.
    L’appartenance ne menace pas le pacte républicain, mais dans ces formes un peu plus dures et doctrinaires des appartenances, il y aurait quelques menaces. On assiste en fait à un retour des convictions.

    3 séquences :
    1) Les croyances religieuses ont d’abord été discréditées au temps des idéologies athées : on accuse leurs limites, leurs défaillances dramatiques
    2) On a assisté à une efflorescence des spiritualités (an 90) avec Dieu ou sans Dieu, avec ou sans transcendance, du sport, du bien-être, avec la difficulté d’appartenir à des communautés instituées, à des religions. Parfois, il y avait des contenus doctrinaires précis qui aliénaient la personne.
    3) Aujourd’hui, il y a un nouveau besoin de certitudes, de croyances doctrinaires et institutionnelles fortes. Ce sont les effets de la mondialisation, de la standardisation : recherches de repères, besoin de se retrouver, se recueillir, se rassembler. Le risque se joue sur le type de rassemblement au détriment de la communauté d’à côté.

    La religion n’est pas seulement une affaire de valeurs d’éthique, mais c’est celle d’une recherche, d’un désir spirituel, de l’accomplissement d’un itinéraire spirituel. C’est cela qui produit de l’éthique, du sens, des valeurs. La foi est une affaire personnelle de tourments intérieurs, une recherche du beau, du bien, du vrai. On assiste au retour du religieux avec croyances dogmatiques réaffirmées. Du coup, la laïcité est un espace beaucoup plus précieux à préserver. Il y a le risque d’un nouveau cléricalisme qui doit se heurter non à un espace d’indifférence mais à une laïcité de respect ; risque d’un multiculturalisme où chacun s’ignore poliment. : apprendre le respect, les autres. Espace neutre : apprentissage des différences d’autrui à l’école, dans la famille.

    FB : Passage de la religion majoritaire à une religion minoritaire, même ultra minoritaire. 4% des français pratiquent. Comment le vivent les catholiques ?

    Quelques mots rapides pour une question énorme. Pour Benoît XVI, l’avenir, Le sel de la terre, est aux petites communautés soudées, chaleureuses, bien identifiées, célébrantes. Il réclame le passage d’un christianisme de quantité à un christianisme de qualité. Les gens sont clairs sur leur identité catholique. Mais le risque existe de se rassembler autour de valeurs communes qu’on ne pourra plus partager, risque du repli, de la retraite aboutit à la création d’encore plus de sécularisation, c’est se tirer une balle dans le pied. Essayer de partager en interreligieux des valeurs communes, plate-forme de valeurs communes. C’est une démarche précieuse. Par exemple, une commission d’éthique clinique a été mise en place à Tours : chaque religion représentant de culte, pluralisme éthique. On est plus à l’aise pour consentir à ce pluralisme éthique si on est clair sur son identité.

    Ghaleb BENCHEIKH : L’islam est aujourd’hui la religion des pauvres : elle joue le rôle de booster (cf chrétiens dans l’empire romain)
    La laïcité est une vertu, sans besoin d’épithète, concept auto-suffisant. La question islamique nécessite rigueur, froideur d’esprit, distanciation nécessaire, fondamentale, au centre d’enjeux nationaux et internationaux.

    La présence de musulmans considérée comme massive pose problème mais l’islam n’est pas incongru à l’espace européen : la toponymie des lieux témoigne que cette question est imbriquée et récente.
    Il y a une forte présence d’hommes et de femmes importés qui se sont retrouvés marginalisés. On énumère les générations. Mais c’est aussi une présence d’hommes et de femmes désislamisés. Aujourd’hui la réislamisation s’effectue telle une redécouverte des racines. La jeunesse dans ce contexte peut être une proie facile pour les capteurs de conscience.

    Cela pose problème mais il faut refuser la jérémiade, arrêter de se dire peut-être que les maux peuvent venir d’ailleurs. Aucune communauté ne change si chacun ne fait pas un travail de conversion intérieure. Il faut faire attention aux manquements par rapport au système de référence éthique qu’on prétend promouvoir. Cela met en jeu des questions plus générales et plus fondamentales : retour du religieux après le scientisme, la mort de Dieu. Mais si c’est un Dieu revanchard, vindicatif, cela pose problème. En fait le retour vers le religieux est susceptible de deux dérives essentielles :

    1) Prisunic du tout spirituel, nébuleuse mystico-magique, on s’approvisionne et on se fabrique un syncrétisme religieux. Exploitation du malaise intérieur par des gourous. Succédanée d’une vraie religion.
    2) Formalisme, fondamentalisme qui étouffe et tue. Des illuminés agissent d’une manière inacceptable. Il incombe aux dignitaires musulmans de la dénoncer. Etre résolument du côté du droit et de la justice. Jamais de la terreur. Il y a des dérives car on ne l’a pas dit assez tôt.

    De plus le traitement médiatique de la question n’aide pas à la sérénité. C’est à désespérer de l’âme humaine, ce matraquage ! Il y a une responsabilité des musulmans de France dans ces affaires. Si nous avions étouffé l’affaire du voile islamique, on n’aurait aps retrouvé la burqua dix ans plus tard. Il fallait dire que le Coran met l’éducation avant le rite. De régression en régression, la burqua, phénomène minoritaire, est érigé en phénomène caractéristique de l’Islam.

    Nous sommes ensemble d’accord, mais construisons nous ensemble une société solide fraternelle et prospère ?
    Favorisons l’éducation, la culture, l’amour du beau, laissons place à ce qui élève l’âme. Nous endiguerons les dérives sectaires, intégristes.

    Jean-Luc MOUTON : L’Eglise évangélique est une église extrêmement vivante (ne pas confondre avec Georges Bush) Il se passe des choses importantes dans notre société qui sont menées par cette église : prise en charge des arrivants, cours de français, logements, travail social. Il n’y a pas seulement un aspect effervescent, brouillon, inquiétant. Cela correspond aussi au grand bouleversement du monde protestant. Un sondage doit sortir en novembre qui montre que les générations de moins de 35 ans sont plus priants que les personnes âgées, beaucoup de jeunes engagés animés par une vraie prise en compte du monde qui les entoure.

    Piétisme peut-être, mais aussi intérêt pour environnement, social, immigration. (Ex : Cimade) Attention étonnante de ces églises qui font de la politique sans en faire. A force de durcir les conditions d’entrée, on induit une manière de faire société qui n’est pas juste. Des croyants ont mené un jeûne de 10 jours pour attirer les parlementaires sur cette question.

    Que peuvent apporter nos traditions dans la société d’aujourd’hui ?
    La France est une société particulière. Partout dans le monde et même en Europe, les religions progressent. L’exception française est liée à l’histoire particulière du débat catholico-laïc, on n’en sort pas. Enfin, si, heureusement ! Dans les autres pays, on ne considère pas les religions comme une menace. Autre société : véritable pluralisme religieux, considéré comme une chance.

    Les religions peuvent apporter deux ou trois choses :
    1) Nous sommes dans un monde d’individualisme forcené, ou la réussite individuelle, corporatiste compte plus que tout. Les religions rappellent que ce qui fait le vivre-ensemble est essentiel. Le bien commun, c’est la volonté de vivre ensemble. Ricoeur dit qu’on ne peut pas se forcer à vivre ensemble, il donne un nom au sujet social (socius : relation anonyme). Par opposition, au prochain est réservé l’intimité, l’amour, l’affection. Il faut trouver des liens qui fassent société ; il n’y a plus d’unité supérieure, il faut trouver à partir de nos diversités à nous accepter. Construire un projet de vivre-ensemble.
    2) Calvin distinguait le monde d’en haut : autonomie totale et le monde d’en bas qui n’a aucune prise sur le monde d’en haut. Il critiquait l’idée selon laquelle « Hors de l’Eglise point de salut ». Il n’y a pas d’autorité terrestre qui ait valeur de Dieu. C’est une dimension importante : nous gravissons des montagnes. Dieu, personne ne l’a, nous sommes des cheminants. La transcription est possible dans le domaine politique : pas de lieu de surplomb, leçon de relativisme.
    3) Il y a un domaine important aussi : la lutte contre les idoles, les puissances. Idoles à combattre car ne doivent pas avoir toute puissance sur l’homme. Homme au centre du village, ce n’est pas l’économie, la terre ou l’Etat.
    4) L’importance du plus petit, inacceptable de le discriminer.

    On doit réaffirmer l’importance de l’Etat de droit pour faire société, l’état d’arbitraire est épouvantable. C’est un absolu, la richesse de nos sociétés à préserver : les libertés sont garanties par l’Etat. Quand l’Eglise voulait prendre barre sur les consciences, menacer les libertés, la séparation est intervenue pour bloquer ça.
    Mais quand l’Etat empiète sur nos libertés, quand l’Etat en fait trop, le rôle des religions est aussi de donner l’alarme. Les religions ne sont pas du domaine privé seulement ; les reléguer n’est pas acceptable, elles doivent être dans le débat public. Leur participation est nécessaire. Elles n’ont pas à prendre toute la place, mais toute leur place dans le débat public.

    Jean-Michel QUILLARDET : La franc-maçonnerie est née d’un projet humaniste de la société porté par tous ceux qui se rassemblent autour d’un combat quotidien contre le fanatisme, le dogmatisme, les vérités imposées. La franc-maçonnerie est d’origine chrétienne mais elle est fille des Lumières car elle a su considérer que ce qui était important, c’était la libre-pensée. Le franc-maçon n’accepte pour vérité, pour croyance que ce qu’il a décidé d’accepter par le maniement de son esprit, de sa raison. La franc-maçonnerie livre un combat contre toute cléricature. Le clerc, c’est celui qui sait et veut imposer ce qu’il sait à la conscience des autres. A l’origine de la franc-maçonnerie, il y a la réunion d’hommes différents animés par la même conviction. Cela vient de Montesquieu : séparation du spirituel et du temporel, du relatif et de l’absolu, de l’espace privé et de l’espace public. La République est orientée vers le relatif, le profane (ce qui permet de nous réunir au-delà des conceptions métaphysiques de la société), le temporel.

    Elle a contribué à l’édification de deux concepts en cause aujourd’hui dans l’évolution de nos sociétés :

    - La laïcité : principe juridique (loi 1905) et philosophique. Le rapport Machelon pour le subventionnement des cultes traduit une incompétence de l’Etat et des religions à se mêler de leurs affaires communes, mais cela n’induit pas l’impossibilité d’exprimer son point de vue. L’Eglise peut s’exprimer, chacun a le droit de le faire, mais sans s’immiscer dans les affaires de l’Etat. L’imposition d’un point de vue est un privilège de la démarche religieuse. Mais il ne s’agit pas d’éradiquer le fait religieux. La franc-maçonnerie s’appuie sur d’autres traditions : philosophie grecques, Lumières.
    Un des vrais principes philosophiques de la République promeut le respect de la religion mais il faut aussi tenir compte que des gens vivent sans faire référence à Dieu. On reproche à la République aujourd’hui de privilégier l’approche religieuse. Le discours de Latran exclut ceux qui ne croient pas. Laïcité rassemble, réunit. Le pacte laïc est l’essence de la République : réunir, rassembler.

    - La citoyenneté est l’autre notion fondamentale pour le pacte républicain. Sur la question du communautarisme : nous faisons tous partie d’une communauté, nous venons de quelque part. Les communautés sont respectables, elles doivent pouvoir s’exprimer. Mais dès lors que l’Etat doit pour des raisons de paix sociale, s’adresser d‘abord à la communauté avant de s’adresser au citoyen, s’il considère que l’on doit concéder à ces communautés des droits particuliers, nous sommes dans une vision communautariste. On peut être d’accord pour un droit à la différence, pour le métissage, mais pas pour la différence des droits. Il s’agit de la défense de la citoyenneté. Un français est citoyen avant d’être franc-maçon, juif, catho… C’est le message de la franc-maçonnerie qui essaie de rassembler et pas de donner une voix. Elle se veut un signe pour chercher la voix. C’est cette idée de la République qu’on est en train de casser.


    FB : Depuis le début de cette discussion, on s’adresse aux initiés. Mais que diriez-vous à ceux qui sont dans le refus, qui doutent et mettent en question la société, à ces jeunes, musulmans, juifs qui ne sont pas dans la situation de compréhension du monde.


    FLF : Il y a aujourd’hui des incompréhensions sur des questions de justice, de graves controverses en France liées à un sentiment d’injustice. Il va falloir remettre à plat les règles du jeu, ce qui enferme dans son cadre naturel, revenir à la méritocratie républicaine, nourrir le besoin de culture. Ce la signifie : ne pas être enfermés dans de préceptes de son magistère, recevoir de tous côtés les lumières de la pensée, se connaître et connaître l’autre.

    GB : Il y a une responsabilité de ceux qui savent à l’égard de ceux qui ne savent pas encore. Ce n’est pas inhérent à l’islamité que de parler verlan (cf Morano)! Il n’est d’universel que ce qui est sous-tendu par une civilisation forte, par des valeurs universalisables. Nous devons poser le primat de la législation positive d’une société multiconfessionnelle.

    Sortir la question islamiste de sa gangue musulmane, c’est renouer avec l’histoire. On a souvent une présentation de l’Histoire mutilée et mutilante, qui occulte l’imbrication, intrication intercivilisationnelle. La fierté passée apaise les blessures identitaires ; il faut se l’approprier comme citoyen pour construire une société de communauté nationale de destin. C’est de l’ordre de l’engagement comme pour la justice et la solidarité.

    LL : « Enthousiasme » signifie être pris en Dieu. La perception de la jeunesse va de la menace à l’enthousiasme. Ce qui valide tout ça, c’st le témoignage de sa vie.

    JLM : Les jeunes ont le sentiment de vivre dans la précarité. Ils cherchent des petits boulots, des missions, se posent des questions par rapport à l’engagement personnel : se marier ? Quel sens ? Tout est précarisé. Cela remet en cause notre projet de vie en commun. Il y a aussi une montée des peurs vis-à-vis de l’autre. Dans nos sociétés européennes, on sent qu’il y a basculement, déplacement du monde vers l’Asie. C’est la fin d’un cycle historique : raidissement, refus de l’altérité est en train de monter. Il faut une vigilance particulière ! Le discours sur la République ne tourne-t-il pas à vide dans ce contexte et par rapport à l’inquiétude des jeunes générations. C’est un défi posé à nous tous.

    JMQ : précarisation, pauvreté, accroissement des inégalités sociales. Transformer la société vers plus de fraternité. Certains pensent que l’égalité des chances passe par la suppression des langues anciennes, mais c’est la culture et l’éducation exigeantes qui servent l’égalité des chances. Exploration, découverte, irrigation, inspiration. Racines qui nous permettent de nous rencontrer. Permet la fierté. La méritocratie républicaine permet le partage de valeurs communes.

  • Mange tes piliers, t’vas voir tes alloc’ à la récré !

    GE blog.jpgCa y est c’est passé, une mesure démago de plus : on sucre les alloc’ aux parents d’élèves absentéistes !

    Corolairement et accessoirement, on encourage la désobéissance civique des chefs d’établissement…

    Car enfin, quel principal de collège va aller se plaindre que les pires, ceux qui dégradent, ceux qui insultent, ceux qui sèchent même à l’intérieur, claquent les portes, balancent les chaises et zonent dans les couloirs ; quel principal de collège ayant tout essayé, tout mis en place : des procédures disciplinaires aux mesures d’accompagnement social… va prendre son téléphone rouge pour dire à l’Inspecteur d’académie : « Allo, patron, rendez-le nous ! Pitié, s’il vous plaît, rendez-le nous ! »

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  • Confronter l’éthique et la politique : une invitation à penser la complexité

    41DZ4B5H1JL__SS500_.jpgAu MoDem de la Marne, parce que nous voulons imposer la chance d’une parole citoyenne sur la politique, nous nous sommes lancés dans l’organisation d’un cycle de cafés démocrates sur la question de la possibilité d’adopter une conduite éthique en politique. Question essentielle aujourd’hui, au vu de l’actualité troublée. Question périlleuse par la nature des concepts confrontés. Nous ne voulions pas que la discussion se limite à une série de réflexions abstraites (la présence d’un intervenant « spécialiste » ne nous paraissait pas souhaitable). Nous ne voulions pas davantage que l’échange se réduise à une déploration, celle du « tous pourris ».

    La pratique politique est complexe, en effet, et se heurte à des limites qui nécessiteraient de se poser constamment la question des principes qui la fondent ; mais ces limites sont aussi et dans le même temps ce qui empêche que soit pris le temps de la pensée, du recul :


    - limites dans le champ de la décision tiraillé entre le possible et le souhaitable, entre l’idéal et le principe de réalité, entre la promesse et les conditions financières et humaines de sa réalisation, entre la gestion de l’urgence et les perspectives programmatiques…


    - limites dans le champ de la communication tiraillé entre l’obligation de garder la main, de faire parler de soi sur la scène médiatique et celle d’informer, d’expliquer, de débattre, d’argumenter; entre l’instantané inhérent à la communication médiatique actuelle et l’exigence d’une profondeur de la pensée, d’un décryptage pédagogique des politiques publiques.


    - limites dans le champ de l’exercice du pouvoir tiraillé entre la volonté de le conserver, l’éloignement des réalités ainsi que la solitude qu’il suppose et la cohabitation avec les contre-pouvoirs (opposition, société civile, citoyens, lobbys, réseaux, pouvoirs économique, financier, judiciaire, médiatique).


    Alors au cœur de ces tensions qui ne sont pas nouvelles, quelles sont les conditions d’une conduite éthique en politique ? Rappelons au passage que l’éthique contrairement à la morale constituée, reçue ou élaborée, interroge les fondements des règles morales et pose donc la question du choix des valeurs et des principes.


    Quelques moyens ont été suggérés que j’ai envie ici de lister pour m’en souvenir ! J’ai en effet introduit l’échange avec optimisme en rappelant que nous n’étions pas aux responsabilités, et que, sans doute, c’était une bonne façon de s’y préparer que de se poser la question de la conduite à tenir lorsque, peut-être, sans doute, incontestablement, nous y parviendrons.


    En vrac et en interaction :

    - l’équipe, le travail de concert, le soutien de compagnons fidèles, capables de rappeler à celui qui exerce le pouvoir les valeurs qui fondaient son engagement,

    - la limitation du nombre de mandats et le non-cumul pour que le travail de décision ne soit pas conditionné par la perspective de la réélection, pour que les collusions d’intérêt soient moins denses, pour que le partage de la responsabilité permette des respirations et du renouvellement,

    - l’exemplarité de l’élu qui permet la confiance,

    - l’humilité de l’élu capable de s’amender, de reconnaître ses erreurs et surtout d’expliquer ce qu’il veut faire et ce qu’il fait, sans démagogie,

    - l’éducation morale des jeunes, destinée à poser clairement la distinction du bien et du mal dans une perspective humaniste d’intérêt général,

    - l’éducation citoyenne à l’école et dans la société, éducation destinée à rendre la conscience de l’importance du vote, à développer les velléités d’engagement des citoyens (service civique), à les former à la recherche de la vérité,

    - l’audience plus importante accordée aux contre-pouvoirs afin de permettre des consultations et des rééquilibrages,

    - le souci institutionnalisé de la prise en compte des générations futures dans la décision politique,

    - la création d'un commissaire aux conflits d'intérêts, comme le propose M. Hirsch (lire)

    - le plan (sans qu'on en revienne à la planification), la vision d'ensemble, la hauteur de vue, la gestion à long terme en fonction d'un projet de société.

     

    La liste est belle et longue, les principes généreux, mais les participants de nos cafés démocrates marnais ne s'y trompent pas, qui concluent souvent de façon assez négative la réunion, affirmant que : "Tout ça, c'est sans doute pas demain la veille!"

     

    C'est qu'il faut sans doute, en dernière analyse, ajouter à ce catalogue l’impératif citoyen d’interpellation du politique au travers de collectifs, d’actions citoyennes, de pétitions… charge revenant à chacun, comme c’est la loi en éthique, d’infuser, par son engagement, l’idée que le respect d’un code de bonne conduite n’est pas totalement ringard et dépassé…

    Pour conclure en écho à la complexité du problème, un extrait d’une de mes lectures du moment qui éclairant le débat d'un jour neuf, peut permettre de ne pas se laisser rebuter par l'aporie, de rompre avec le pessimisme et de s'ouvrir à un espoir.

    « La complexité n’est pas une recette pour connaître l’inattendu. Mais elle nous rend prudents, attentifs, elle ne nous laisse pas nous endormir dans l’apparente mécanique et l’apparente trivialité des déterminismes. Elle nous montre qu’on ne doit pas s’enfermer dans le contemporanéisme, c'est-à-dire dans la croyance que ce qui se passe maintenant va continuer indéfiniment. On a beau savoir que tout ce qui s’est passé d’important dans l’histoire mondiale ou dans notre vie, était totalement inattendu, on continue à agir comme si rien d’inattendu ne devrait désormais arriver. Secouer cette paresse d’esprit, c’est une leçon que donne la pensée complexe. »
                                                  Edgard Morin, Introduction à la pensée complexe, Points essais (P.110)


    La pensée complexe ne serait-elle pas alors l’autre nom de l’éthique : refus du déterminisme, de l’enlisement dans l’habitude du petit arrangement ou la résignation simpliste et paralysante du tout blanc, tout noir? Acceptation et affrontement de la tension?
    Et adopter une conduite éthique, ne serait-ce pas autre chose alors, que se préparer à l’inattendu, à ce qui surgit quand on se départit des réflexes d’accointances et des peurs, et qu’on crée ainsi la place pour que quelque chose de neuf émerge, quelque chose qui, introduisant le désordre, permette d’établir autrement les règles du jeu?