Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Citoyenne et Engagée! Le blog de Marie-Pierre Barrière-Lallement - Page 8

  • L’écrasant symbole du hachis parmentier

    GE couleurs.jpgObjectivement, qu’est-ce qui pouvait justifier le débat sur l’Islam lancé par l’UMP ? Le souci du vivre ensemble, égaux, dans la société française ? Celui de rappeler la force des valeurs d’ouverture et de respect que nous devons continuer à partager ? La nécessité de refonder notre pacte républicain pour y prendre en compte la diversité qui n’est pas une tare mais une chance ? Il importe en effet aujourd’hui de se préoccuper de façon cruciale de ces questions pour préparer les citoyens au monde qui vient et dans lequel les flux vont nécessairement se densifier de façon tout à fait significative…

    Ce débat serait donc un bon débat si l’intention profonde était pacificatrice et interculturelle. Car enfin, cela fonde la paix sociale d’aller à la rencontre de l’autre, de chercher à mieux appréhender sa croyance, sa culture, surtout s’il vit là, près de chez moi, et que, sans nul doute, on pourrait mettre l’un et l’autre au pot commun des choses qui feraient avancer dans nos cités, dans nos villages, dans nos quartiers, la citoyenneté, l’engagement, le service de l’autre. Il y a par exemple, à Châlons-en-Champagne des scouts musulmans qui font beaucoup pour la cohésion des quartiers : ils ont une expertise du terrain, qui sans nul doute, est utile à la collectivité…

    Pour lire la suite

  • « La morale est à la politique ce que la philosophie est à la naïveté. »

    GE blog.jpgJ’aime beaucoup cette phrase de Totalité et Infini de Lévinas.


    Il me semble, en effet que les choses les plus difficiles à acquérir en politique ne sont ni la technique, ni la connaissance des dossiers. Et le citoyen, découragé par la complexité apparente des sujets…, rebuté par la difficulté de la maîtrise d’œuvre, par les dédales des structures territoriales… ou carrément noyé dans les rouages techniques du décompte des cotisations liées au montant des retraites…, voire définitivement égaré dans le labyrinthe du calcul du budget de la France et du montant de la dette… Le citoyen, donc, doit bien savoir que ces compétences techniques, à force de travail et d’endurance, s’acquièrent ou se suscitent chez des collaborateurs fidèles et dignes de confiance.

    Par contre, s’il est bien une chose qui ne s’invente ni ne s‘improvise pas en politique, c’est l’ancrage de la formation humaine, philosophique et spirituelle, qui seul permet la fidélité à des valeurs non négociables. Se déterminer en fonction de fondements clairs et cohérents, d’une autre nature que la versatilité des alliances et des arrangements pour le pouvoir, est impossible sans une recherche constante de la Vérité, sans la fréquentation des écrits fondamentaux des penseurs humanistes, sans une solide formation en philosophie morale et politique.

     

    Pour lire la suite

  • Réorganisation intercommunale et principe de subsidiarité

    image_302.jpgJ'ai participé hier soir à la réunion publique animée par Daniel Collard, conseiller général sortant de mon canton (Ecury). Il y a été longuement question de la réforme territoriale, bien évidemment. Et comme nous avions pris la veille en conseil municipal la délibération autorisant notre communauté de communes à déposer la sienne à la préfecture, la question était vive dans tous les esprits...

    De quoi s'agit-il? La réorganisation intercommunale impose que les communautés de communes atteignent prochainement la taille de 5000 habitants et regroupent au minimum  10 communes. Le schéma départemental de coopération intercommunale devait normalement aboutir en décembre 2011, ce qui nous aurait laissé l'année pour nous organiser. Or, l'administration a décrété que le délai de 8 mois d'enregistrement de la nouvelle donne imposait que la carte soit en fait annoncée fin mars 2011. Le renouvellement du conseil général modelant la composition de la CDCI, finalement, ce sera fin avril que la carte sera présentée par le préfet. Nous savons cela depuis le 15 janvier !

    Comment dans ce cadre et en fonction de ces délais s'organiser selon des cohérences de territoires, remettre à plat la fiscalité, mutualiser les compétences? Car les agglo frappent à nos portes, chacune reluque les atoûts économiques des communes proches et bien loties en infrastructures. Ainsi le président de la communauté d'agglomération de Châlons souhaiterait voir tomber dans son escarcelle l'Europort (Vatry) et Matougues (Usine MacCain)...

    Il faut ici saluer la détermination de nos élus ruraux qui ont pris rapidement la mesure du problème et ont réagi dans l'urgence, alors qu'ils pensaient au départ pouvoir négocier les rapprochements sur la durée et construire une coopération en profondeur. Les questions demeurent et nous ne savons pas comment tranchera le préfet au final, mais la coordination qui s'amorce des communautés de communes de l'Europort, de la Vallée de la Coole, de la Guenelle, de la Vallée de la Craie et du Mont de Noix, laisse espérer que nous puissions demain fédérer nos 36-37 communes en fonction d'un vrai et nécessaire projet de territoire. Ce qui ne s'est pas fait avant, peut toujours se construire après!

    La question de la subsidiarité est au coeur de cette réforme. Respecté, le principe de subsidiarité implique qu'on prenne les décisions de gestion au plus près des populations concernées, au meilleur échelon d'action publique. Le redécoupage au pro rata du nombre d'habitants de la carte des circonscriptions, la décision ultime du préfet en matière de constitution des intercommunalités va contre ce principe et ne permet pas l'émergence d'une conscience des territoires. Prétexter une harmonisation européenne pour justifier cette découpe arbitraire, et prendre l'exemple des Länder allemands, c'est occulter l'ancrage historique dans la durée, nécessaire à toute construction territoriale cohérente.

    La Marne dont une ressource fondamentale est l'agriculture, ne doit pas être coupée en 4 en fonction des agglo et de considérations politiciennes, pour faire le jeu de l'assise des notables de province! A l'heure où les débats sur l'identité invitent chacun à revenir à ses racines, comment envisager de noyer dans le grand tout de l'urbanisation aspirante, des territoires qui pourraient se fédérer autour d'une identité rurale, et conférer ainsi à l'agriculture, aux paysans, à l'environnement, leur place nécessaire au coeur d'une société post-moderne ? Refuser que les territoires ruraux ne soient considérés qu'en fonction des apports financiers qu'ils peuvent représenter pour les agglo, maintenir des solidarités de territoires et reconstruire des projets dynamisant les communes rurales dans un monde qui doit inventer contre vents et marées de nouvelles formes de vivre-ensemble et de produire local... Rudes combats, mais si les élus ruraux s'attachent à les engager aujourd'hui et à en relever les défis dans les prochains mois, ils seront capables de faire entendre une autre voix et de promouvoir une autre logique que celle de la Grande Fusion !

    http://www.lagazettedescommunes.com/46965/la-reforme-territoriale-laisse-les-elus-intercommunaux-sur-leur-faim/

    Au passage, je suis bien contente de ne pas être l'adversaire de Daniel Collard sur le canton. J'ai particulièrement apprécié sa clairvoyance et sa parfaite connaissance des dossiers, sa rigueur et sa sobriété. J'espère bien que la suppléance apolitique de Catherine Pujol, le maire de ma commune, me permettra de me former et de m'enrichir de la réflexion de cet élu local enraciné, qui redoute que la réforme territoriale ne professionnalise irréversiblement les élus, faisant le jeu de la politique politicienne...

    En guise de prolongement : Réforme territoriale, une occasion manquée (note du MoDem). A noter que l'analyse se réjouit de la réforme de l'intercommunalité comme une avancée, ce qui n'est pas contradictoire avec mon propos, je tiens à le préciser... C'est la méthode que je conteste, pas la nécessité du regroupement.

  • « Espérance de vie, retraites, dépendance, quelles perspectives ? » Compte-rendu de la conférence de Robert Rochefort

    193611_10150107319932420_697797419_6287848_5601885_o.jpgLe 2 mars dernier, Robert Rochefort, vice-président du MoDem et ancien directeur du CREDOC est venu Salle Armonville à Reims donner une conférence dont le sujet central était « Espérance de vie, retraites, dépendance, quelles perspectives ? » Sujet particulièrement d’actualité, préoccupant à plus d’un titre pour les pouvoirs publics dans leur mission d’anticipation, et lié aux élections cantonales, puisque le conseil général possède la compétence sociale et notamment celle de la prise en charge des personnes âgées.

    Robert Rochefort a voulu d’emblée placer son propos sous le signe à la fois de la continuité et du renouvellement. Continuité entre la politique locale et la politique nationale : elles ont toutes deux besoin d’une autre parole sur ces sujets de démographie et de dépendance que celle, classique et caricaturale, des partis traditionnels. Renouvellement car l’angle sous lequel il souhaite aborder ces questions, il le dit d’emblée, n’est pas courant. Au cours du temps d’échange qu’il a eu en préalable avec les militants, il avait marqué la spécificité de son positionnement : arrivé tard en politique, il conserve une autonomie de pensée qui le garantit des dérives idéologiques.

    I Prendre acte de la révolution devant laquelle est placée notre société


    Faire de la politique autrement, c’est d’abord s’appuyer sur un diagnostic fiable, savoir et bien dire de quoi on parle, pour éviter une parole intempestive, collée abruptement aux accidents de l’actualité. Faut-il, par exemple, attendre le décès d’une actrice touchante et célèbre pour lancer un plan Alzheimer ?

    Le basculement date de 2005, c’est le début du papy-boom, cumul de deux évolutions : les bébés du baby-boom ont 60 ans et l’espérance de vie progresse de façon continue. Le constat à poser est d’abord optimiste, c’est une bonne nouvelle : il faut se réjouir que, dans nos sociétés, les hommes et les femmes vivent plus longtemps et en meilleure santé. L’âge de la vieillesse est de 78,5 ans aujourd’hui. Il y a 30 ou 40 ans, on était vieux dès 60 ans. Une fille sur deux qui naît en 2011 sera centenaire, elle connaîtra six générations de son vivant, de son arrière-grand-mère à son arrière-petite-fille. Parallèlement, la durée de la vieillesse ne change pas : elle est de dix ans environ. L’âge d’entrée en maison de retraite recule : de 75 ans, on est passé progressivement à 82,5 ans.

    Cette bonne nouvelle n’en génère pas forcément une mauvaise : celle d’une société de vieux. Le vieillissement est en effet une donnée relative, on commence à vieillir dès la naissance ! Qu’est-ce qu’être vieux ? On s’appuie sur une série de facteurs pour définir cet état : des facteurs médicaux, ceux liés à la sociabililité (insertion effective dans un réseau de relations, de connaissances), enfin ceux qui concernent la capacité de projet. On peut être en mauvaise santé, mais continuer à faire des projets…

    Il ne faut donc pas parler d’une société de vieux, ce qui est pessimiste et péjoratif, mais d’une société différente, car les gens de 60 et 70 ans ne sont plus des vieux ! Les générations vont devoir de plus en plus vivre ensemble. Cela suscite des angoisses et des peurs, mais pas forcément là où on les attend.

    II S’appuyer sur la solidarité générationnelle comme valeur qui fonde l’action


    193760_10150107326877420_697797419_6287908_3931467_o.jpgUne fois qu’on a posé le diagnostic, la deuxième opération consiste à établir clairement les principes sur lesquels on devra s’appuyer pour trouver des solutions. Ces principes sont de l’ordre des valeurs parmi lesquelles, au premier plan pour ce qui nous concerne, la solidarité intergénérationnelle. Elle cimente le modèle européen, même si les déclinaisons en sont différentes (modèles bismarckien, beveridgien, mutualiste). Elle est à l’origine de la création du système des retraites. A ce propos, R. Rochefort regrette que sur ce sujet, on n’ait pas pris le temps d’instaurer un vrai débat réinterrogeant cette valeur, au-delà de la seule question financière, pour aboutir à une autre réforme, née du consensus. Car la question aurait alors été de définir comment, dans le cadre du défi démographique, le système des retraites peut continuer à vivre parce qu’il est l’expression d’une de nos valeurs fondamentales.

    Le défi de la solidarité intergénérationnelle nous place aujourd’hui devant d’autres types de réformes : prise en charge de la dépendance, transmission du patrimoine, fiscalité… Mais il faut éclairer ce débat d’un jour neuf pour sortir des caricatures : on est en effet passé en quelques décennies de quelque chose de prégnant porté par des fondateurs à quelque chose qui est devenu une question de droits acquis, de presse-bouton, on a perdu le sens. Les militants fondateurs portaient un idéal qui a été à l’origine de la création de la Sécurité sociale par exemple. Dans les années 70 : les outils se sont technocratisés, les liquidateurs de dossiers qui se formaient sur le tas dans les centres de sécu sont sortis des écoles, on a perdu l’idéal humain. La vocation sociale n’a plus été envisagée que sous l’angle de l’emploi rémunéré.

    III Proposer un pacte intergénérationnel


    Il s’appuierait sur le recensement de tous les échanges intergénérationnels qui existent aujourd’hui et qui sont de plusieurs natures :


    1) d’argent :
    Les retraites sont le plus connu des échanges, mais il existe aussi les successions (héritages et donations). Les exonérations de charge sur les donations ne sont acceptables que si ce sont de vrais dons et non une transmission de la propriété sans l’usufruit. Cette question de la transmission ne concerne pas seulement les riches (83% des gens vivent en ville, 60% sont propriétaires).
    Les échanges d’aides courantes sont une autre part importante des échanges d’argent. Aujourd’hui, le niveau de vie moyen des retraités est le même que celui des actifs. On donne 4 à 5% de ses revenus à ses enfants quand on a 60 ans, on en donne 10% quand on a 80 ans. Les jeunes ont besoin de cet argent car ils sont souvent dans des situations plus difficiles par rapport à l’ensemble du niveau de vie général. Il est impossible aujourd’hui d’acheter sans aide une voiture à 20 ans, difficile de se loger également, dans la galère de la précarité des études, des petits boulots…


    2) de services :
    On peut échanger des services au sein de la famille : les gens de 40-50 ans aident leurs propres parents, les grands-parents et les petits-enfants ont parfois des liens beaucoup plus forts qu’autrefois. Certains enfants vivent comme un véritable drame la mort du grand-père. Les services rendus le sont aussi plus largement, au sein de la société, à travers les différentes formes de bénévolat.


    3) de savoirs :
    Sur ce sujet, il semble assez démagogique de dire qu’il peut y en avoir autant dans les deux sens. L’aide en informatique du petit-fils ne compense pas le véritable échange qui porte sur la façon de comprendre le monde, le rapport à la nature et au temps, né de l’expérience.

    Ce pacte intergénérationnel, une fois posé, devrait être synthétisé dans une charte pour encourager les pouvoirs publics locaux à tout mettre en œuvre pour favoriser ces échanges.


    IV Mettre en en œuvre une politique


    195058_10150107326027420_697797419_6287903_7873772_o.jpgAvant d’envisager la prise en charge de la dépendance qui n’est que le dernier étage du dispositif, on doit s’attacher à deux chantiers fondamentaux : prévention et adaptation.


    1) La prévention pour reculer le seuil de vieillissement

    La première des politiques est celle qui favorise le vivant. Il s’agit d’abord de mettre en place un programme de recul du vieillissement pour favoriser qu’on devienne vieux plus tard, ce qui décale d’autant le problème de la prise en charge collective. Prévenir le vieillissement, c’est jouer sur les trois facteurs définis précédemment : médecine, sociabilisation, capacité de projets. Seuls 25 à 30% des jeunes retraités ont actuellement une vie associative effective.


    2) L’économie par rapport aux dépenses collectives

    Au sein d’une conception plus globale, toute transformation de la société peut être facteur de croissance, de développement économique. Les métiers à créer, la politique de l’urbanisme, les logements, les transports sont des secteurs qui vont devoir s’adapter à la révolution sociale : ils sont dans la dynamique économique. Il faudra que s’inventent de nouvelles formules de vie collective (collocations pour retraités par exemple) mais il faut laisser les gens qui en ont envie inventer et les aider par le biais de la juridiction ou de la fiscalité ou par le biais des collectivités locales. Ce n’est pas aux pouvoirs publics à prendre en charge l’intégralité des démarches.


    3) La prise en charge familiale de la dépendance

    On doit bien évidemment tenir compte de la progression inéluctable de personnes dépassant le seuil de vieillissement sans enjoliver le passé d’une prise en charge par le voisinage ou par la famille qui n’était pas toujours très glorieuse. La première solution serait de s’appuyer sur le maintien à domicile et l’aide aux solidarités familiales : cela implique de trouver au local comme au national des réponses satisfaisantes pour soutenir ceux qui aident des personnes dépendantes à rester chez elles. Mais attention aux formules intergénérationnelles plaquées qui ne fonctionnent pas très bien. Par exemple, placer une crèche à côté d’une maison de retraite ou l’exemple à Mulhouse d’habitats intergénérationnels conçus pour accueillir à la fois une famille et un aïeul. Quand l’aïeul décède, difficile pour la famille de louer l’appartement à un étranger…


    4) L’adaptation du temps de travail et le bénévolat

    L’allongement de la durée du temps de travail est nécessaire. On devrait néanmoins favoriser une certaine souplesse dans la fin de carrière. Certains seraient prêts à perdre 40% de leur salaire pour pratiquer parallèlement à un emploi devenu trop fatiguant, du bénévolat dans une association. Il faudrait pouvoir proposer un contrat de bénévolat dans un dispositif qui permette la validation normale des droits à la retraite. Cela coûtera et rapportera en même temps à la société car le travail bénévole n’aura pas besoin d’être financé collectivement.

    On pourrait reprendre une formule du temps du giscardisme et l’adapter : on n’a pas de pétrole, mais on a des séniors, qui représentent une ressource humaine très forte. Sans aller jusqu’au service civique obligatoire pour les retraités, il faut prendre conscience du potentiel énorme qu’ils représentent. Il faudra peut-être inventer d’autres formes de bénévolat, il y a beaucoup de choses à creuser, notamment pour dépoussiérer et démocratiser la pratique associative et donner envie de s’engager.
    Dans ce cadre, dépasser le vieux schéma selon lequel le bénévolat empêche le travail salarié semble nécessaire : on chasse les bénévoles pour créer de l’emploi formé. Nous ne pouvons plus raisonner besoin collectif égal emploi collectif. Comme on a inventé les partenariats public-privé, il faudrait envisager une complémentarité entre salariat et bénévolat. Réinventer ce rapport permettrait de retisser du lien social. La société existe par le lien informel, de voisinage. Le contrat de bénévolat entre dans cette logique intermédiaire.

    Si l’emploi des seniors ne fonctionne pas en France, c’est parce qu’on ne le favorise pas de la bonne manière. C’est lorsqu’il a 40 ans qu’il faut mettre en place le plan de carrière d’un senior. En Finlande, le gouvernement a refusé les seuls allègements de charges fiscales à l’embauche d’un senior, il a impulsé une vaste campagne d’information nationale sur le sujet, en montrant l’utilité des seniors et a aussi formé les patrons sur le sujet.


    5) Le financement public de la dépendance

    La dépendance réelle concerne une minorité de gens mais il faudra quand même trouver des milliards pour l’assurance sociale de la dépendance. Aujourd’hui, l’APA représente 22 milliards, dans les 10 ou 15 ans, il faudra trouver 8 à 10 milliards, 20 sur 20 ans. L’effort de solidarité est nécessaire.
    On pourrait imaginer une CSG moindre pour les retraités que pour les actifs. Il faut promouvoir l’invention d’une sécurité sociale moderne en maintenant tout du long les solidarités. Les actifs cotisent pour les retraités, les anciens pourraient cotiser pour les plus anciens. De 60 à 80 ans, une cotisation supplémentaire pourrait être envisagée pour financer les besoins des plus de 80 ans. Cela aboutira à des décisions qui ne seront pas populaires mais il faut s’engager à ce que l’argent dégagé ne soit pas placé dans des caisses anonymes pour servir on ne sait qui ; l’allocation dépendance doit vraiment servir à de gens qui en ont besoin.

    Nous avons considéré que la caisse unique de solidarité était un grand principe républicain pour lutter contre les corporatismes. Cela a fonctionné pendant un certain temps mais mériterait d’évoluer. Si on crée un nouvel impôt, comme la vignette par exemple, il faut inventer parallèlement la traçabilité de l’argent dans nos finances publiques, ne pas le faire tomber dans le pot commun.

    La journée de solidarité n’est pas une mauvaise idée, elle renvoie à une analyse globale de la place du travail et du non-travail dans notre société. Un impôt de temps peut avoir un sens. La journée déjà mise en place n’a pas marché, l’argent récolté n’était pas fléché, elle a été mal expliquée et la solidarité ne se porte pas bien. Si on crée une deuxième journée, il faudra éviter ces différents écueils. En tout cas, elle fait partie des réformes qu’on a faite pour faire plaisir et que les administrations centrales ont bloquée…

    La reprise sur succession pour compenser le coût de la prise en charge a été évacuée par la mise en place de l’APA, mais la refuser de façon systématique dénote une conception fragile de la solidarité. Les familles refusaient de toucher l’APA pour ne pas être lésées sur l’héritage et la transmission du pavillon des parents…


    Conclusion


    La soirée s’est achevée à près de 23h, après quelques dédicaces de Vive le Papy-boom et La retraite à 70 ans, deux essais de R. Rochefort. Les questions ont fusé (NDLR : Les réponses ont été introduites dans le corps du développement qui précède). Précis et disponible, R. Rochefort n’a pas hésité parfois à indiquer de façon peut-être un peu abrupte l’impossibilité de revenir sur certaines décisions de réductions des dépenses publiques (notamment celle concernant la fermeture des centres de long séjour). Il n’a pas pu développer longuement l’impact de l’immigration sur la démographie globale ; son discours n’a pas non plus mis en valeur le volet environnemental lié à la thématique. Mais l’échange fut formateur et passionnant, et l’angle sous laquelle est envisagée la question ne manque pas de l’originalité nécessaire à recréer l’espoir. Dans le droit fil de la réflexion générale de R. Rochefort, Jean-Marie Beaupuy a conclu l’échange en délivrant ses propositions pour le département : guichet unique du bénévolat, maintien à domicile, évolution de l’habitat, conseils de sages… Reste à présent à être suffisamment entendus pour convaincre du bien-fondé de cette vision optimiste et participative de la société que nous voulons construire.

  • Boris et Mickaël ROZE : des frères bio, solidaires et militants

    175872_10150098834982420_697797419_6209594_1397989_o.jpgDes pionniers en Champagne–Ardennes


    L’enthousiasme des frères Rozé, Boris et Mickaël, gérants du magasin Biocoop à Châlons-en-Champagne, ouvert par leurs soins il y a trois ans,  rue du Général Sarrail, est très communicatif. D'ailleurs, leur magasin, où se tissent à nouveau et de façon presque magique les liens que permettait l'épicerie de village autrefois, ne désemplit pas. Tant que la lumière n’est pas éteinte, des clients frappent aux portes vitrées, même si l’heure de fermeture est dépassée.


    Le réseau Biocoop existe depuis une quarantaine d’années. Les villes pilotes se situent plutôt en Bretagne, dans le Sud ou en Région parisienne. Au départ, les coopératives sont nées de regroupements de consommateurs qui voulaient acheter en commun des produits bio. Les entrepôts étaient en terre battue ; on appelait ça tout simplement des coopératives bio.  Et puis, il y a eu le montage de structures coopératives pilotes, avec parfois des restaurants accolés à la boutique.


    « Mais en Champagne-Ardenne, on savait qu’on venait faire du débroussaillage, de la sensibilisation. Le premier Biocoop à la ronde et le seul dans un rayon assez étendu, est à St Dizier ! » C’est ainsi que Boris avec son large sourire nous explique d’où leur est venue l’idée folle.


    Ils sont issus d’une famille d’agriculteurs bretons, leur grand-mère faisait du beurre qu’elle vendait dans les épiceries fines. Mais leur engagement coopératif et commun est venu sur le tard. Michaël a d’abord étudié l’économie  à la Fac et Boris, les sciences sociales. Après un départ dans la vie active comme salarié du secteur bancaire, Mickaël a vite compris qu’il voulait mettre son énergie dans un autre domaine. Il a alors repris des études d’éducateur pour diriger un centre social à Laval. Puis, durant une période de chômage, le projet Biocoop s’est peu à peu précisé. Boris était déjà salarié de Biocoop à Rennes : « On a bien travaillé là-bas, dans notre Bretagne d’origine, on a eu envie d’aller semer ailleurs. Il y avait un trou en Champagne-Ardenne »


    Ils ont choisi Châlons car c’est là qu’ils ont trouvé les locaux les plus adéquats et ils préféraient une ville à taille humaine pour fonder sur le long terme. Depuis 2007, ça fonctionne bien ; ils sont de plus en plus connus et reconnus pour la qualité de leurs produits. Ils sont trois à tenir la boutique, dont un salarié à ¾ temps.


    Biocoop, deux mots clés : saisonnalité et proximité


    172272_10150098835887420_697797419_6209604_5307343_o.jpgLe magasin de Châlons sur l’impulsion des frères Rozé joue à fond le jeu du bio ; ce qui les a séduits chez Biocoop, ce sont les valeurs humanistes, le développement de l’agriculture biologique comme objectif commun et la richesse des ressources mutualisées par le réseau. Le magasin doit garder une taille humaine, ils ne souhaitent pas lui adjoindre un restaurant, une boucherie ou une poissonnerie. Il est vrai qu’il est déjà bien fourni, les rayons sont variés et les produits bien sélectionnés.


    Les relations avec la FRAB (Fédération Régionale de l’Agriculture Biologique) ont été essentielles pour démarrer et elles le restent  pour maintenir le rythme de croisière que semblent avoir pris les affaires : elle met en lien, elle fédère, elle donne envie. Les producteurs viennent prendre contact directement pour commercialiser leur production. « C’est plus facile quand on ne vient pas de la région, on a de la fraîcheur et de l’énergie et surtout, pas d’a priori les uns envers les autres ». Boris accompagne sa phrase d’un clin d’œil entendu.


    Puis il arpente les rayons pour nous faire découvrir la richesse des produits qui les approvisionnent : de la viande des Ardennes, des œufs marnais, des pâtes de Queudes, du lin brun et des lentillons de Champagne, des pommes, leur jus et leur compote en provenance de Meuse, les produits laitiers ardennais…


    « Nous recensons toutes les énergies ; plus le producteur est petit, plus ça nous intéresse de promouvoir sa démarche pour nos produits frais. Le local, c’est 15% de ce que l’on vend. » Ensuite, pour l’épicerie, le réseau national prend le relais, les filières sont organisées de A à Z avec traçabilité intégrale.


    Ce qui motive la démarche Biocoop, c’est le respect de la saisonnalité des produits qui limite l’impact environnemental de la culture sous serres chauffées en hiver, et la recherche de la proximité et du circuit court. C’est pour cela qu’ils essaient de travailler le plus possible en local. Un produit bio qui a pris l’avion pour eux, n’est plus bio. Les bananes du magasin, par exemple, viennent de République Dominicaine, mais elles sont acheminées par la mer…


    Des entrepreneurs solidaires et  militants


    bc_accueil_logo.pngLes Rozé aiment le débat. Ils ont des occasions nombreuses de l’engager avec les agriculteurs avec qui ils travaillent et qui ne partagent pas forcément l’intégralité de leur démarche.


    Ils ont aussi créé une association, Le Vert solidaire, qui compte 400 adhérents dont une quinzaine de membres actifs pour promouvoir à Châlons l’agriculture biologique et les valeurs environnementales. Présents au Grenelle local de l’environnement, ils ont également été sollicités pour la table ronde sur la réduction des déchets. Ils sont reconnus, en quelque sorte, comme des spécialistes locaux du développement durable. L’association permet un partage de savoir-faire, certains échangent des recettes, des graines. Il y a aussi une bibliothèque virtuelle et ils prévoient dans le cadre d’un partenariat avec la Comète de projeter un film à thèse tous les deux mois. Ils commencent le 3 mars avec : Moi, la Finance et le développement durable.


    Biocoop appartient au secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui promeut une autre façon de faire du commerce en l’inscrivant dans une préoccupation sociale au sens large : développer l’agriculture paysanne, relocaliser l’agriculture bio dans des exploitations  à taille humaine, remettre l’homme au cœur du commerce, qu’il soit fournisseur, client ou salarié et se préoccuper à la fois de santé et d’environnement.


    Il y a 400 magasins Biocoop en France, des relais et des animateurs de réseau. Le réseau fonctionne bien en lien notamment avec l’ONG Les Amis de la terre.


    Le respect de la charte de la certification bio est dûment contrôlé par une commission de sélection qui soumet les produits, lors de visites sur le terrain, à une série de tests spécifiques. Chez Biocoop, les membres du réseau coopératif, salariés ou gérants, peuvent avoir des mandats électifs pour participer  à des commissions. Au niveau national, la sélection est organisée par la SA Coop, les chefs de marché, les services centraux du réseau. « Si c’est nous qui référençons un producteur local, on lui demande son certificat, sa licence, la composition de l’alimentation qu’il donne à ses volailles par exemple. Mais il existe un  référencement national ou régional établi par les services centraux avec des producteurs répartis dans toute la France», complète Mickaël.


    Les salariés et les gérants sont sollicités pour participer à la vie politique du réseau au cours des réunions de bassin, Bourgogne-Champagne. Y sont abordées des problématiques plus larges comme la réaction au cahier des charges européen par exemple.


    Les frères Rozé participent aussi nationalement au montage d’une association et d’un label « Bio cohérence » pour défendre une agriculture bio de qualité. Face aux appétits dévorants marchands, les produits bio risquent d’être vidés de leur substance comme pour l’agroalimentaire autrefois. Le cahier des charges européen et celui qui concerne la France sont bien plus laxistes celui du label qui garantira une agriculture bio de qualité. Lire ici sur Bastamag pour en savoir plus.


    Merci à Boris et Mickaël d’avoir pris le temps de nous recevoir et de nous donner à ressentir la passion qui les anime. Sans aucun doute, ils ont conquis quelques clients parmi nos militants… Une belle énergie mise au service d’une noble cause : Biocoop, Le Vert solidaire et le label Bio cohérence. Et en attendant qu’ils s’engagent en politique (un jour.. peut-être…pas au MoDem apparemment !), le coopératif et l’associatif sont de beaux terrains d’expériences et de militantisme sur lesquels nous les rejoindrons volontiers.


  • Lettre à un jeune candidat

    Préambule

    Cette lettre fait suite au commentaire sur une de mes dernières notes, de Florian Glay, jeune candidat PS aux Cantonales dans le canton de Monthois.


    Je vous remercie Monsieur d’avoir pris la peine de répondre à mon article du 6 décembre dernier qui faisait lui-même suite à l’émission de télévision La voix est libre, au cours de laquelle j’ai eu le plaisir de vous rencontrer. Je suis ravie, sincèrement, que votre commentaire nous donne l’occasion d’entrer en échange et même en débat, puisque le combat politique repose sur la confrontation d’idées et de points de vue.


    Je ne souhaitais pas, en rédigeant cette note, entrer en polémique ; mes propos ne doivent pas vous « préoccuper » à ce niveau par conséquent. Je sais pertinemment que vous êtes jeune et que vous n’étiez pas rompu à ce genre d’exercice. Selon l’ancienne méthode, vous vous en êtes d’ailleurs plutôt bien tiré et, il m’est arrivé à plusieurs reprises lors de l’émission d’admirer votre sens de la répartie et votre mordant.


    Je ne souhaite pas non plus que notre échange se résume à un affrontement opposant des représentants de partis. Je suis bien consciente que ma situation et mon statut m’engagent vis-à-vis du Mouvement Démocrate (et puisque, vous rappelez que Le MoDem prend sa source dans l’UDF, nous en avons effectivement hérité la liberté de vote et de parole), mais lorsque je suis sur mon blog, je suis Marie-Pierre Barrière, engagée à divers titres en politique, dans ma profession et dans la société civile. C’est donc à Florian Glay, citoyen engagé, que je souhaite avant tout m’adresser.


    Un nécessaire changement


    Cher Florian Glay,


    Nous sommes d’accord tous les deux : il faut que les choses changent, en d’autres termes, la politique française ne doit plus se faire comme avant.


    Pourquoi ? Parce qu’on voit bien que son fonctionnement est sclérosé, peu représentatif, et surtout, qu’il n’a plus la confiance des électeurs ni des citoyens. D’ailleurs, si vous n’êtes pas élu en mars prochain (mais attention, cela ne signifie pas que je souhaite que vous perdiez ;-)), vous pourrez affirmer dans votre argumentaire de fin de second tour que vous vous inclinez devant votre adversaire, que vous reconnaissez qu’il a mené une campagne courageuse mais qu’il doit avoir le triomphe modeste ce soir, car une victoire fondée sur l’abstention est en définitive une bien piètre victoire… Les chiffres représentent parfois une maigre consolation, mais une consolation quand même, au moins celle de se dire que demain, quand on aura vraiment réussi à convaincre et à faire évoluer les choses, les citoyens abstentionnistes redeviendront des électeurs.


    Il ne devrait pas y avoir selon moi d’autre combat politique que celui-là aujourd’hui. Une démocratie dans laquelle le vote est méprisé est d’une fragilité dangereuse : cela signifie que le niveau de conscience civique est dégradé, que le sens du bien commun est en péril, rendant les dérapages, les limitations du droit, les atteintes aux libertés, possibles. Le citoyen doit faire confiance à ses institutions mais qui les connaît aujourd’hui, qui pense encore qu’elles sont représentatives lorsque le conflit d’intérêt, le copinage des élites nuisent tant à la séparation des pouvoirs ?


    Pour mener ce combat aujourd’hui, le seul argument du non cumul ne suffit pas. Evidemment, je suis comme vous sur ce sujet, je suis résolument contre le cumul, quel que soit le mandat. Je suis pour la limitation des mandats et, même, pour le retour au septennat. Mais je ne confonds pas l’outil et le sens, le moyen et le principe. Limiter les mandats, pourquoi ? D’abord, pour permettre que la fonction élective redevienne un service rendu à tous et que l’élu cesse d’être un éternel candidat.


    Mais la limitation des mandats ne changera rien si nous n’encourageons pas dans nos formations politiques une autre culture, d’autres méthodes, un autre mode de gouvernance, de réflexion, de partage des tâches, de partenariat avec la société civile. Nos partis sont aujourd’hui moribonds, et responsables, pour grande part, de la situation terrible dans laquelle est la démocratie. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de ne concourir que pour obtenir des postes aux élections, nous ne pouvons plus consacrer nos énergies à faire tenir des équilibres internes de courants, alors que la démocratie au dehors est en état de déséquilibre constant, nous ne pouvons plus flatter des egos, laisser les chefs se combattre, alors que le fascisme né de la rancœur est à nos portes.


    Je ne suis pas entrée en politique pour être fan, mais pour être militante. Je ne suis pas entrée en politique pour attendre que mon leader gagne, par le jeu d’une alternance, forcément insatisfaisante et facile. Je ne suis pas entrée en politique motivée par une idéologie fabriquée, une doctrine d’évidences marquetées, qu’il n’y aurait qu’à débiter… Je suis entrée en politique parce que je me sens profondément responsable de ce que devient le monde et libre de vouloir et de pouvoir le faire changer.


    Contre une politique de l’attente et de la discipline


    Aussi, ne puis-je pas me contenter de la politique telle qu’elle se fait aujourd’hui ! Elle ne peut pas avoir ma confiance…


    On ne peut plus en effet prétendre aujourd’hui remplacer un système par un autre. Le capitalisme nous a menés au drame des inégalités que l’on sait, le communisme s’est effondré, le socialisme est divisé, le gaullisme dépassé. Nous sommes nombreux à ne plus considérer comme un horizon les systèmes incarnés par les mots en –isme qu’on veut encore nous imposer comme des modèles d’idéologies globales (j’entendais parler ce matin du convivialisme).


    Or, le politique fonctionne encore de façon tout à fait archaïque sur la représentation qu’il a de lui-même comme détenteur d’un savoir et d’une clé que les citoyens ne possèdent pas mais à laquelle il doit les conduire à adhérer. Qu’on appelle cela vision, programme, projet, c’est la même réalité : celle d’un futur meilleur. Comprenez-moi bien, l’idéal est essentiel, nous ne pouvons pas nous passer d’utopie et des idées fortes de justice et de bonheur pour tous, mais nous ne pouvons plus nous extraire ainsi de la situation dans laquelle nous sommes (alors que nous en sommes ultra dépendants, en témoigne la faiblesse de nos résistances au néolibéralisme) pour penser ces idéaux du dehors, en technicien qui maîtrise la réponse.


    Il y a des choses que nous ne pouvons pas savoir, il faut le reconnaître et ne pas sembler dominer en dépit de l’inévitable incertitude : en d’autres termes l’arrogance en politique (dont nous avons encore eu cette semaine un bel exemple à travers le projet de fusion marnaise de B. Apparu) est un mode d’être dépassé car il se fonde sur des promesses qui seront forcément impossibles à tenir.


    J’entendais tout à l’heure sur France Inter Alain Caillé, sociologue, penser les limites d’une démocratie fondée sur la conception de l’homme come homo economicus (it.). La démocratie comme conséquence de la croissance économique est la conception qui a prévalu depuis le XVIIIème siècle. Aujourd’hui, force est de reconnaître que ça ne marche plus, que ça ne marchera plus jamais… Le pouvoir ne peut plus être le lieu du contrôle et on ne peut plus considérer celui sur lequel il s’exerce que comme un consommateur.


    Force est donc d’abandonner les promesses qui se traduisent aussi en critiques partisanes de la politique de l’adversaire : ce qu’il a mal fait, je m’engage à le faire mieux, avec plus de moyens, et donc plus de résultats. Le seul produit de ces engagements des politiques qui n’engagent qu’eux-mêmes, c’est le désespoir du citoyen, sa lassitude face aux solutions qui achoppent, son refuge dans l’abstention et dans le vote sanction.


    Car la vérité c’est que les postures politiciennes, les plans sur la comète, ne font que renforcer le sentiment d’impuissance du citoyen qui se sent, de fait, brisé par les systèmes, dominé par des forces qui anéantissent sa volonté. La vérité annexe, c’est que les partis politiques aujourd’hui se nourrissent sur la bête de la désespérance en abusant pour certains des arguments populistes, en se gardant bien de prendre le problème à bras le corps, pour les autres, qui utilisent l’abstention comme ressort électoral : moins les gens votent, plus les équilibres immuables fondés sur l’alternance sont préservés.


    Prendre le problème autrement : briser les monopoles


    Puisque, vous et moi, nous sommes coincés dans la toile d’architectures qui nous dépassent : le néolibéralisme que nous pouvons critiquer sans le vraiment combattre, la vieille politique dont nous déplorons les dérives sans pouvoir les contrebalancer par de vrais changements… Ne nous réfugions pas dans l’illusion de pouvoir mieux faire que nos aïeux quand ils auront daigné nous placer aux commandes, ne cherchons pas leur reconnaissance en nous soumettant vilement aux usages de la répétition : apprends, ensuite, tu agiras.


    Travaillons ensemble, dans chacune de nos familles politiques, en fonction des sensibilités qui sont les nôtres, à créer un modèle alternatif fondé sur l’ici-maintenant de l’action. Plotin disait : « L’efficacité de l’acte réside dans l’acte. » En d’autres termes, proposons à ceux qui attendent d’être ailleurs demain, l’exemple de ceux qui agissent ici maintenant. Cela nécessite de SE faire confiance, d’être assuré (sans arrogance) que je suis le mieux à même de juger par moi-même de la situation que je connais. Et que, par conséquent, pour juger de celle de l’autre, je ne puis recourir qu’à l’aide de l’autre, à l’action de l’autre, engagé pour habiter au mieux sa propre situation.


    La décentralisation de la réflexion, de la programmation et de la décision sont, partant de là, une nécessité. On ne peut plus se passer de l'implication des citoyens qui sont les mieux à même d'énoncer ce qu'ils vivent et ce qu'ils veulent voir évoluer. On ne peut plus élaborer un programme de façon surplombante sans le consensus né de la consultation. Il faut donc inventer les formes nouvelles de la participation qui permettront à chacun de mettre au pot commun la réalité de sa situation mais pas forcément pour enrichir un projet collectif.

    En effet, le projet collectif était jusqu’à présent une somme de parties qu’on tentait d’assembler vaille que vaille. Or, ce n’est pas aujourd’hui dans les programmes politiques que sont les solutions : regardez la force de créativité de l’ESS, regardez le champ extraordinaire de développement de la réflexion sur l’équitable et le bio, regardez les auto-entrepreneurs, les AMAP, les coopératives, les réseaux de coopération, les associations. Et dites-moi si le politique, puisqu’il n’en est pas l’initiateur, peut faire autre chose aujourd’hui qu’accompagner le changement, que donner à ces acteurs l’audience et les moyens dont ils ont besoin pour influer sur le système tout entier. Arrêtons de croire que c’est le politique qui contrôle d’en haut et que le pouvoir est le lieu unique où se modifie la société. Arrêtons les synthèses, nourrissons-nous des solutions locales dont nous n’avons pas forcément la maîtrise comme politiques. Laissons faire et faisons dire.


    Car le politique classique qui propose ses solutions classiques pour remédier à la situation qu’il n’habite pas se trompe de chemin : à un modèle, il veut en substituer un autre ; la contestation est pour lui remplacement. Or, la nouveauté vient de la marge, les pratiques alternatives sont en rupture avec l’idée de modèle ; elles ne cherchent pas à imposer globalement ce qui marche, elles se contentent de le vivre. Là où le politique traditionnel attend que ça vienne, elles y vont !


    Sommes-nous capables, Florian, de dépasser nos querelles de principes et de consulter largement la société civile pour faire de la zone franche ardennaise, par exemple, une zone d’installation d’activités de cette nature, d’entreprises soucieuses de leur RSE, d'usagers conscients des choix économiques  que fait pour eux leur collectivité? Sommes-nous capables de nous mettre d’accord pour que les avantages fiscaux soient conditionnés et que le développement économique s’effectue de manière raisonnée ? Sommes-nous capables de ne pas nous opposer par principe et esprit partisan à ce qui pourrait marcher sous le prétexte que cela vient du bord adverse ? Pouvons-nous cesser le « système contre système », « idéologie contre idéologie », « arrogance contre arrogance » qui nous fait commettre tant d'erreurs, sommes nous capables, déjà aujourd'hui, de nous mettre autour d’une table et d'étudier ensemble les projets qui font émerger la nouveauté, créent de l’espoir, de l’activité et un autre monde?

    En d'autres termes, Florian, Pouvons-nous, VRAIMENT faire de la politique autrement ?

    Et avant de conclure, je voudrais formuler quelques voeux pour votre campagne c'est à dire que je vous souhaite très concrètement :


    - d’être à l’écoute, de recueillir les aspirations, les déceptions mais aussi les innovations

    - de sentir à quel point, comme politique, vous êtes vulnérable, et de vous en souvenir

    - d’expliquer sans relâche mais sans céder au raccourci facile du « en face, c’est des gros cons ! »

    - de rencontrer les gens qui comptent dans le canton mais aussi ceux qui ne peuvent compter que sur vous pour leur transmettre la passion de l’engagement

    - de décaler les perspectives, de surprendre, d’inventer des formes de militantisme qui donnent envie à d’autres de mouiller leur chemise

    - de réfléchir, d’analyser au jour le jour ce que vous vivez pour en tirer les enseignements profonds

    - d’avoir autour de vous une équipe attentive et constructive pour les bons et les mauvais jours

    - de dire merci


    Je vous remercie de m'avoir lue. Je vous souhaite donc bien le meilleur pour cette expérience fondatrice, et ce, même si nous sommes adversaires. Je vous adresse, pour finir, mes salutations les plus cordiales.

    Marie-Pierre BARRIERE, citoyenne, engagée et déléguée départementale du MoDem de la Marne

  • Parfois c'est insupportable...

    Je me faisais aujourd'hui cette réflexion en méditant sur les derniers rebondissements de nos déboires centristes. Nous sommes, comme l'idiot dans le proverbe, fixés sur le doigt... Mais,  je ne me gargarise pas de la moindre originalité en la matière: ce mal stupide touche toutes les formations politiques, surtout en période d'investiture...

    Or, le péril est si grand dans le ciel derrière le doigt, ici et ailleurs: Loppsi 2, les arrestations d'enfants étrangers par la police dans les écoles, les déficits, les folies de la finance, le terrorisme ancré dans la conscience amère des inégalités, et Areva au Niger, et Ben Ali que les tunisiens n'entendront plus...

    Tout cela qui va mal, et nous, bien idiots, avec nos ridicules problèmes d'étiquette, de préséance: qui aura la plus grosse?... Que de temps perdu à ne pas changer le monde, n'est-ce pas?

    Alors, comme souvent quand je peine en plein marasme, parce que  la politique, il faut bien le dire, parfois, c'est insupportable, je me venge, et j'écris: 

    LETTRE à M. LE PREFET DE HAUTE-LOIRE

     

    Monsieur,

     

    C'est en tant que citoyenne française que je me permets de vous adresser ces quelques mots. Nous avons appris par voie de presse qu'un jeune garçon nommé Vazgen, d’origine arménienne, avait été arrêté vendredi dernier dans l'enceinte de son école par des policiers en civil.

    « Arrêté » ! Comment peut-on être arrêté en France à six ans, M. le Préfet ? Et comment peut-on l’être lorsqu’on est, comme tout enfant de six ans y a droit ici, en train de recevoir l’enseignement nécessaire à sa construction intellectuelle, à sa socialisation, à son intégration ?

    Aujourd’hui, je vous écris aussi comme enseignante, Monsieur, car j’ai une haute conscience de l’importance de ma mission et que dans mes classes, je fais une place particulière à l’enfant différent, et que je cherche surtout à faire de cette différence, une richesse pour le groupe entier des élèves qui me sont confiés en début d’année.  Parmi eux, il y a des élèves en difficultés sociales, des élèves souffrant de handicaps et aussi des étrangers.

    Où mes élèves peuvent-ils apprendre mieux que dans ma classe, au long d’une année scolaire qui se construit au pas à pas de nos rencontres,  la tolérance, le respect de l’autre, l’humanisme et ce goût pour la différence qui enrichit d’être appréciée ? Où ailleurs que dans ma classe mes élèves peuvent-ils se forger l’idée que la société est riche de l’accueil qu’elle réserve à ceux qui ont besoin d’aide ? Où peuvent-ils s’approprier l’idée que la société est riche de ces êtres fragiles qui nous rappellent combien nous sommes chanceux, et combien cette chance s’agrandit de ne pas être conservée jalousement comme un trésor d’avare.

    Vendredi, dans cette classe, M. le préfet, lorsqu’ils ont vu partir Vazgen qui continuait à sourire, les enfants ont assimilé une autre idée, qu’en tant qu’enseignante, je suis peinée qu’on ait pu leur transmettre : celle que la société peut retrancher, amputer d’elle-même un corps étranger et resserrer le rang autour de ceux qui font partie du même organisme.

    Je ne vous demanderai rien d’autre que de restaurer dans l’esprit des enfants de cette classe l’idée que notre pays est capable de cette grandeur-là, contraire au repli et à la peur de l’autre. Donnez à Vazgen le pouvoir de montrer cela à ses camarades de classe, Monsieur, et vous aurez contribué, mieux que toutes les leçons d’éducation civique que nous pouvons dispenser dans nos classes, à imposer dans leur esprit l’idée forte et belle de ce que peut être la fraternité humaine, évoquée par notre devise : en face de nos mots, Monsieur, posez le geste.

    Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux et de ma plus haute considération pour les fonctions de représentation qui sont les vôtres,

    Marie-Pierre BARRIERE, professeur de Lettres à Châlons en Champagne

     

    Et à ceux qui passent par là, bonne année, belle année d'engagé!

    Et n'oubliez pas qu'au-delà du doigt, le péril est grand dans le ciel. René Girard dit ça dix fois mieux que moi dans Achever Clausewitz, mais ce sera l'objet d'une autre note... Il dit aussi comme Edgar Morin qui le tient lui aussi d'Hölderlin que "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve."

    Je nous souhaite donc de ne sortir du péril qu'au prix d'un engagement forcené pour la paix, la justice, la beauté et la vérité; changer l'insupportable du monde en grâce est à ce prix.

     

  • Parce que l'empathie raisonnée demande à s'adosser à l'enthousiasme combattif...

    Et surtout parce que je n'ai pas le temps d'autre chose...

     

    Deux trois liens importants:

    Pour Elen et pour Jor

    Pour Hovsep et pour Arpi

     

    Et celui-ci qu'est pas si mal en temps de crise...

    Des petites bonnes choses